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Le management contextuel de la préparation physique footballistique

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 10 nov. 2023
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 sept.

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Il semblerait que l'on doive à André Gide la citation « L'intelligence, c'est la faculté d'adaptation ». Si on prend à la lettre cette affirmation, alors les personnes qui œuvrent dans le football le sont, ou ont l'obligation de l'être pour y jouer, s’y mouvoir, y exister ou même y perdurer. Si à l’impossible nul n’est tenu, cela implique que le préparateur physique footballistique (PPF) doit prendre conscience et en compte les évolutions de son contexte d’intervention, sinon il court le risque d’en être rejeté.


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Résumé audio de NotebookLM

Plus précisément, s’adapter positivement à son environnement paraît aujourd’hui une compétence nécessaire, sans toutefois être suffisante, à détenir, pour entraîner. Mais entraîner aujourd’hui, ce n’est plus diriger, dicter, imposer comme l’entraîneur paternaliste de hier… c’est partager, échanger, accompagner et convaincre. À titre d’exemple, il semblerait que le parler « jeune » devienne de plus en plus un attribut incontournable pour entraîner la génération Z des joueurs. C’est ainsi qu’ont été expliqués, entre autres compétences, les nominations de Will Still au Stade de Reims et de Didier Diguard à l’OGCN. Toutefois, ce jeunisme ne protège pas d'un licenciement comme celui de Julian Nagelsmann du Bayern. 


Outre l’obligation de tenir compte des évolutions sociales qui traversent une équipe, entraîner consiste aussi plus que jamais à prendre en compte les enjeux footballistiques hors du terrain. Les motivations, les envies, les sentiments, les émotions que le football suscite chez les joueurs, leurs familles, leurs agents, les dirigeants, les supporters, qui interfèrent positivement ou négativement sur les humeurs des joueurs et donc sur la qualité des entraînements. Le PPF doit alors prendre conscience et en compte ces éléments. Il court, sinon, le risque de rendre ses interventions terrain caduques parce qu’empêchées.


Sachant que ce contexte peut être appréhendé comme une conjonction et/ou un fatras de relations et d'intérêts interindividuels croisés, concomitants ou encore contraires, je propose que cette capacité comprenne au minimum 2 éléments structurant cette dynamique relationnelle. Le premier est de considérer le football comme du « pouvoir ». Le second est de définir le champ d’intervention du PPF. Bien entendu, d'autres éléments pourraient être convoqués pour décortiquer et ainsi saisir les situations rencontrées, mais ceux que j’évoque suffisent à alimenter le premier principe d’un bon management de ses interventions physiques footballistiques ; celui du Gros Bon Sens d'être et de faire.


Le football, c'est du pouvoir

Le football confère de la notoriété, de la légitimité, des statuts, de la reconnaissance, de la puissance financière… tous les attributs du pouvoir dans le sens où il représente « la capacité à un individu ou un groupe d’individus d'agir sur d'autres individus ou groupes et d'affecter concrètement le fonctionnement et les résultats d'une organisation donnée en obtenant, par exemple, que telles décisions soient prises, que tel moyen soit mis en œuvre ou que telles tâches soient accomplies » [1]. Dans l’absolu, le football se conquiert par le jeu pour les joueurs et par l’expertise pour les entraîneurs. Mais il est aussi déterminé par des jeux de pouvoir lorsque, d'une part, les seules compétences techniques ne permettent pas d’atteindre au mérite la position désirée dans une équipe, dans un staff ou dans un club et, d’autre part, quand il y a des places à combler ou des statuts à prendre parce que la nature humaine n’aime pas les espaces vides.


Même si je ne demande pas que les PPFs soient des spécialistes de l’analyse stratégique des systèmes organisationnels [2], ils doivent toutefois être conscients de ces jeux de pouvoir sous peine d'être inopérants. C’est un paramètre prégnant du football actuel. D'ailleurs, les entraîneurs principaux deviennent de plus en plus des managers, c’est-à-dire des personnes qui détiennent des compétences pointues dans la compréhension et la gestion de l’action collective ou plus simplement des égos de leurs joueurs, des membres de leur staff et de leurs dirigeants. Sans nécessairement le savoir, ils l’ont toujours été. C’est ce qui explique pourquoi ces entraîneurs font des conférences auprès des dirigeants d’entreprise pour exposer comment ils arrivent, ou ils sont arrivés, à faire gagner leur équipe malgré tout. En d’autres termes, comment ils exercent leur pouvoir pour avoir du succès.


Sur ce constat et ce point de vue, il revient aux PPFs de saisir leur écosystème footballistique pour évaluer la marge de manœuvre dont ils bénéficient pour faire leur travail, sur qui ils peuvent s’appuyer pour faire passer leur message et quelles ressources d’influence, ils peuvent actionner pour rendre effectif leur entraînement physique footballistique. Cette appréhension rationnelle du football peut choquer. Pourtant, ne soyons pas naïfs, comprendre son contexte et s'y adapter est le quotidien d’un PPF puisqu’il a affaire à des humains et qu’il en est lui-même un avec ses envies, ses exigences, ses forces et ses faiblesses, ses contradictions, ses espérances, ses besoins et ses désirs d'être ou de faire. Au final, saisir son contexte par ses jeux de pouvoir doit permettre au PPF de participer en toute connaissance de cause et avec satisfaction à la construction d’une dynamique organisationnelle relationnelle vertueuse.


Le champ d’intervention du PPF

Pour définir plus précisément les limites techniques d’intervention des PPFs, revenons au cœur de la problématique soit la définition des qualités physiques «qui est un ensemble de ressources en interaction, qui permet à un individu dans un secteur particulier de la motricité, de mettre en œuvre de façon concrète, reproductible et transférable un niveau supérieur de celle-ci. C’est le résultat d’un ensemble de ressources optimisées qui s'expriment par le physique dans le cadre d'une ou de plusieurs spécialités pratiquées. L’objet de la préparation physique est donc bien de dépasser le niveau de compétence motrice que permettrait la seule pratique de l’activité sportive choisie. En ce sens, elle ne peut se fondre dans une logique totalement simulatrice de la spécialité choisie, même s’il lui faut nécessairement se préoccuper du transfert des acquisitions supérieures qu’elle génère. Un préparateur physique moderne se devrait de n’être ni un valet, ni un donneur de leçon, mais revendiquer le rôle d’éclaireur des pistes potentielles inexploitées de l’amélioration de la performance» [3].


Dans ce cadre, un PPF a, en toute assertivité, deux rôles primordiaux pour garantir un état de forme ou physique satisfaisant des joueurs. Il doit, d’une part, être responsable de la calibration des charges physiques de tous les entraînements et, d’autre part, proposer des entraînements isolés lorsqu’il y a lieu. En effet, comme le souligne ci-dessus Michel Pradet, le jeu du football ne fournit pas toujours des situations qui permettent à certains paramètres physiques d’être suffisamment stimulés pour progresser malgré ce que prétendent les tenants de la périodisation tactique [4] . Quelles sont ces situations ? Simplement lorsque le joueur, respectivement l’équipe, ne progresse physiquement plus par le jeu. Cette recherche de ce qui doit être de l’isolé ou de l'intégré détermine et définit les limites d’intervention des PPFs.


[1] Catherine Voynnet-Fourboul, Le management relationnel, point de vue de recherche en gestion, Editions universitaires européennes, 2014. 

[2] En cas d’intérêt, deux livres fondamentaux abordent cette problématique managériale du pouvoir dans les organisations humaines à savoir Michel Crozier et Erhard Friedberg, L’acteur et le Système, Editions du Seuil, 1977 et Erhard Friedberg, Le Pouvoir et la Règle. Dynamiques de l'action organisée, Editions du Seuil, 1993.

[3] Michel Pradet cité par Frédéric Aubert in « Approches athlétiques de la préparation physique ». Colloque formation continue – TOURS-Nord, samedi 23 mars 2002.

[4] Pour prendre connaissance de cette philosophie d’entraînement, lire Damien Della Santa, La périodisation tactique, fondements et principes méthodologiques, Université de Caen, Staps, 8 décembre 2015.

 
 
 

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