Le cercle vertueux centrifuge de la préparation physique footballistique !
- xavierblanc
- 7 sept. 2022
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 mai

Pour saisir, comprendre, étudier, gérer, entraîner la complexité footballistique, l'approche systémique [1] semble la plus appropriée. Elle est une « manière de définir, étudier, ou expliquer tout type de phénomène, qui consiste avant tout à considérer ce phénomène comme un système : un ensemble complexe d’interactions, souvent entre sous-systèmes, le tout au sein d'un système plus grand ». Cette approche réduit la complexité de l'entraînement footballistique (le système) en le segmentant en thèmes d’entraînement interreliés (les sous-systèmes).

Cependant, il est nécessaire d'aller encore plus loin conceptuellement en tenant compte du fait que l'objectif principal de cet entraînement est d'améliorer continuellement les performances des joueurs. Par conséquent, le sous-système physique doit être appréhendé de manière dynamique, tel une boule de neige qui grossit en dévalant une pente. L'objectif est que les effets des stimuli d'entraînement, quel que soit leur thème, renforcent simultanément sur les court, moyen et long termes toutes les sous-composantes physiques du joueur.
Pour cela et comme annoncé ci-dessus, le PPF doit d'abord identifier les effets de débordement, positifs et/ou négatifs, appelés interférences, de ses séances d’entraînement physique. Ensuite, il doit s'efforcer d’en maximiser les effets positifs et d’en minimiser les effets négatifs, afin de créer un cercle vertueux centrifuge pour que les joueurs deviennent de plus en plus performants au fil des entraînements, en majorant en même temps leur vitesse, leur puissance et leur endurance. Cela dit, il convient maintenant d’identifier ces possibles interférences d'entraînement selon le point de vue que le football est un sport de vitesse.
Les interférences de l’entraînement de la vitesse sur les qualités de la vitesse
Les qualités physiques footballistiques s’entraînent d’abord et directement par elles-mêmes. Si je rappelle ce principe fondamental, c'est parce que malheureusement, les entraînements physiques footballistiques ne mettent que rarement la vitesse au premier plan des qualités physiques à développer. Si cela est respecté, il est possible d'observer une amélioration très significative du niveau de vitesse maximale des joueurs en seulement deux mois. Mais pour autant que le PPF limite les interférences suivantes de l’entraînement de la vitesse footballistique.
Les interférences de l’entraînement de la vitesse sur la force et vice-versa
Les qualités de vitesse et de force entretiennent une relation contraire. Pour atteindre sa vitesse maximale, l'un des prérequis est de surmonter une résistance minimale. À l'opposé, lors d'un effort maximal de force, la vitesse des contractions musculaires est pratiquement nulle. Si la vitesse est considérée comme la qualité physique primordiale à améliorer dans le football, je propose alors que l'entraînement de la force soit orienté vers une modalité vitesse-force.
Une modalité force-vitesse risque, surtout en l’absence de séances systématiques de vitesse, de renforcer la crispation corporelle et les restrictions des amplitudes articulaires par une trop grande raideur par surcroît de tonicité, ce qui limite la production de la vitesse. En revanche, une modalité vitesse-force a pour objet de favoriser directement le recrutement le plus rapide possible des fibres musculaires, ce qui est le propre de la production de la vitesse maximale.
Cette synchronisation des vitesses des contractions musculaires permet de combiner, au sein d’une même séance voire dans un même exercice, des stimuli visant à développer à la fois la vitesse et la montée de la puissance musculaire sans blessures musculaires. En effet, les muscles sont sensibles aux désynchronisations des contractions musculaires, engendrées par des contrastes trop importants de charges, auxquelles ils réagissent en se contractant parfois jusqu'à la déchirure.
Les interférences de l’entraînement de la vitesse sur l’endurance
A priori et intuitivement, on pourrait penser que plus un joueur se déplace rapidement, moins il est capable de maintenir son niveau de vitesse dans la durée, car plus il sollicite ses capacités énergétiques. Cependant, cette causalité semble être remise en question. En effet, lors de séances de Repeat Sprint Ability (RSA), il a été observé que plus le niveau de vitesse maximale d’un joueur est élevé, plus il est capable de répéter des séquences de vitesse maximale [2].
Cette observation s’explique probablement par le fait qu’un joueur rapide est généralement plus coordonné et relâché qu’un joueur plus lent. Ces deux paramètres favorisent la fluidité des mouvements, ce qui rend les déplacements plus efficaces, efficients et pertinents, donc plus économiques.
Non seulement le joueur déploie moins d'effort mécanique pour se déplacer rapidement, mais il optimise également le fonctionnement de son système cardio-musculaire en limitant le phénomène d'hémolyse. Cela conduit à une augmentation de son niveau de VO2 max, ce qui améliore ses capacités de récupération entre deux efforts.
Les interférences de l’entraînement de l’endurance sur la vitesse
Pendant longtemps, voire depuis toujours, on a cru que les entraînements axés sur l'endurance généraient une transformation des fibres musculaires rapides en fibres lentes par le biais de la biogénèse mitochondriale. Cependant, même si ce phénomène existe, il semble être marginal dans le sens où il ne détermine pas le niveau de vitesse des joueurs. Par contre, j'observe que les entraînements physiques footballistiques qui se concentrent stratégiquement sur l'endurance ont tendance à éliminer des stimuli de vitesse maximale. Dans cette option, la vitesse est entraînée par le biais de l’endurance, principalement à travers des intermittents dont l’intensité est fixée sur un pourcentage de la Vitesse maximale aérobique (VMA) des joueurs. Ainsi, le niveau d'intensité des stimuli n'est pas suffisamment élevé pour activer les fibres musculaires rapides. Cela les exclut de la production de la vitesse et, par conséquent, de tout risque de transformation en fibres lentes. Par contre, cela les endort par non-sollicitation, ce qui peut expliquer un déficit de vitesse.
Par ailleurs, l'entraînement axé sur l'endurance coûte hormonalement, ce qui réduit ainsi les capacités anaboliques de développement de la force. Par sa facilité opérationnelle, ce type d’entraînement est même dangereux, car il incite à en faire trop selon la devise « NO PAIN, NO GAIN » qui rassure, voire réconforte alors que les séances d’entraînement technico-tactiques contribuent déjà au développement de la capacité et de la puissance aérobiques des joueurs.
Les interférences aérobie versus force
Afin de gagner du temps et parce que le football exige un ensemble de qualités comprenant la force, la vitesse et l'endurance, les PPFs proposent de les développer simultanément à travers des entraînements combinés. Cependant, cette approche n'est pas sans poser quelques problèmes, comme l'ont souligné Julien Robineau et Christine Hanon [4]. Il est important de rappeler que les entraînements de force visent à «provoquer des adaptations nerveuses partant du cortex moteur jusqu’aux jonctions neuromusculaires des muscles sollicités, mais également des adaptations musculaires conduisant à l’hypertrophie ». En revanche, les entraînements d'endurance visent à développer des adaptations au niveau des systèmes respiratoire, cardiovasculaire, musculaire et endocrinien.
Dans le cadre des interférences négatives, Christine Hanon souligne que « l’entraînement en endurance peut conduire à l’induction de signaux multiples capable d’inhiber la synthèse de protéine et de stimuler en parallèle la vitesse moyenne de dégradation de protéines. Signalons qu’au contraire le développement de l’hypertrophie musculaire nécessite une balance positive avec une synthèse de protéines supérieure à la dégradation. Aussi, la répétition de ces réponses antagonistes avec l’entraînement en endurance et l’entraînement en force pourrait contribuer à limiter le développement de l’hypertrophie musculaire dans le cadre d’un entraînement combiné».
Cependant, Christine Hanon souligne aussi que les sportifs entraînés sont susceptibles d'être moins sensibles à cette interférence négative de l'aérobie sur la force. De plus, l'ampleur de cette interférence peut être réduite si l'unité de mesure est un cycle complet d'entraînement et non des séances combinées isolées [5].
En outre, elle identifie la fatigue comme un deuxième facteur contribuant à l'interférence négative. En effet, « la fatigue aiguë induite par une charge de travail trop importante et répétée, réalisée lors de la séance précédente, pourrait compromettre d’un point de vue qualitatif et quantitatif l’effort suivant et le développement de ses réponses adaptatives spécifiques ».
Tout en relevant que les ampleurs des interférences dépendent de multiples facteurs, elle émet quelques recommandations dont l’objectif est «à la fois de pouvoir maximiser les adaptations du métabolisme énergétique, de développer la masse musculaire ainsi que de favoriser les adaptations neuromusculaires dans le cadre d’un entraînement combiné. ».
Christine Hanon propose donc des recommandations pour «à la fois (…) pouvoir maximiser les adaptations du métabolisme énergétique, de développer la masse musculaire ainsi que de favoriser les adaptations neuromusculaires dans le cadre d’un entraînement combiné. ». Ses recommandations sont les suivantes :
Au niveau de la réduction des interférences moléculaires
- Éviter d’effectuer des entraînements aérobies à jeun le matin dans le cas où un entraînement de force a lieu par la suite
- Réserver un espace-temps de récupération d’au minimum 3h à la suite d’une séance de haute intensité aérobique. L’idéal serait que cet espace-temps soit au minimum de 6h à 24h.
- Reconstituer ses réserves en glycogène parce que dans le cas contraire les enzymes AMPK et SIRT1 restent actives, ce qui inhibe l’enzyme mTOR ce qui interrompt les adaptations de force musculaire.
- Comme cette enzyme mTOR est active jusqu’à 18h après une séance de force, l’idée est de réduire cette activation, ou ses effets induits, par la prise immédiate de leucine associée à une prise de glucides
- Comme les interférences se localisent sur les zones musculaires activées, des entraînements aérobies qui activent les membres inférieurs ne sont pas incompatibles selon une vision non-systémique avec des entraînements de force des membres supérieurs. Ceci me semble pour ma part dépassé selon une approche biotensègre qui prône que toutes les parties d’un corps sont en interaction mutuelles permanentes.
- En comparant les effets des séances aérobiques course et cyclisme, les premières sont beaucoup plus impactantes que les secondes sur des entraînements de force à cause des traumatismes musculaires engendrés. Les secondes sont donc à privilégier lorsque le but est de développer les capacités aérobiques sans volonté fonctionnelle ou activation musculaire périphérique.
Au niveau de la réduction de la fatigue cumulée entre les séances
- Préférer des séances aérobiques intensives plutôt que des séances en continu lorsque cela est possible afin de réduire le volume d’entraînement et par là diminuer la fatigue chronique. Cette recommandation semble particulièrement pertinente à partir de trois entraînements à dominante aérobiques hebdomadaires, ce qui est le cas dans le football. Cette réduction volontaire du volume pour l’intensité « maximise le potentiel hypertrophique de l’entraînement combiné sur les gains de force et de puissance musculaire pour des sports où l’endurance n’est pas un facteur limitant mais sert de base à la condition physique ».
Dans le cadre des interférences positives, Christine Hanon relève que « l’entraînement en musculation (…) peut s’avérer bénéfique pour la performance en endurance lorsqu’un faible volume de musculation se substitue ou s’ajoute au volume de travail aérobie dans le cadre des sports aérobies. En effet, l’entraînement en force maximale et/ou force explosive comparé à l’endurance de force, apparaît être même plus efficace pour optimiser les qualités neuromusculaires. » Ses recommandations sont alors de :
- Enchaîner une séance de force après une séance aérobie peut être intéressant pour un gain de performance aérobie. Cela signifie qu’un entraînement de sport aérobique ne peut pas faire l’économie d’entraînement de force
- Dans le cas où l’on veut perdre de la masse grasse, suite à une blessure ou aux pauses saisonnières, les entraînements combinés semblent tout à fait appropriés pour autant qu’ils associent entraînement aérobique à haute intensité et musculation
[1]https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A9mique#:~:text=La%20syst%C3%A9mique%20est%20une%20mani%C3%A8re,d'un%20syst%C3%A8me%20plus%20grand (Page consultée le 14.04.2022)
[2] D. Bishop, O. Girard, A. Mendez-Villanueva, Repeated-Sprint Ability – Part I, Factors Contributing to Fatigue, Sports Med 2011; 41 (8): 673-694. D. Bishop, O. Girard, A. Mendez-Villanueva, (2011). Repeated Sprint Ability- Part II. Recommandations for Training. Sports Med; 41 (9) 2011 p. 60.
[3] Julien Robineau, Gestion des interférences liées au développement des qualités énergétiques et neuromusculaires, Thèse de doctorat en mouvement et comportement pour la santé et l’autonomie, Université de Grenoble, août 2006.
[4] Christine Hanon, Le sport à haute intensité, INSEP Editions, 2019.
[5] Par isolés, sont compris des exercices qui ne s’appuient pas sur le jeu ou sur ses situations pour faire progresser le joueur. Par intégrés, sont compris des exercices où l’on retrouve toutes les composantes du football associées pour produire du football. Par orientés, sont compris des exercices qui visent à faire progresser physiquement dans l’activité football.
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