Entraîner la forme plutôt que la méforme physique footballistique !
- xavierblanc
- il y a 7 jours
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Dans notre football, les périodes de remise en forme physique, via les phases de préparation des saisons, sont trop souvent perçues comme une obligation déplaisante. Elles sont déplaisantes parce que faire du physique pour ne pas avoir mal, fait mal, même si ce n’est pas « du mal ». Ce physique est alors appréhendé comme un mal nécessaire. À ce titre, il donne à penser qu’il n’appartient pas à la nature ludique et malicieuse du football.

Dans cet esprit ou ce déterminisme atavique, l'objectif des phases de préparation est de se débarrasser au plus vite des freins physiques qui empêchent les joueurs « de tenir » un match. Quand cela arrive, tout devient plus facile pour le joueur. Ce sentiment de facilité lui donne l'impression d'être libéré des contingences physiques du football. Or, cette libération incite le joueur à se désinvestir de son physique footballistique. Il m’arrive ainsi que je ne voie plus, pendant un certain temps, les joueurs qui ont atteint leur objectif de forme physique, comme si cet état leur était acquis définitivement, tel un totem d'immunité les protégeant de tous les aléas physiques footballistiques à venir.
Or, ce fonctionnement est pervers, car sans mesures de maintien et de développement, la forme physique ne peut que s’obérer en s’effilochant avec le temps. On se retrouve alors dans la situation insidieuse où le joueur développe de plus en plus sa méforme, c'est-à-dire qu'il est de moins en moins en forme. Autrement dit, plus la saison avance, plus le joueur s'épuise doucement, lentement mais sûrement, par burn-in. Ce phénomène se caractérise par une surutilisation des réserves énergétiques pour compenser un état de fatigue chronique, ce qui mène au burn-out soit le moment où le corps se met subitement hors-jeu.
On doit donc concevoir la forme comme le terreau, ou le matériel brut, que le préparateur physique footballistique (PPF) développe qualitativement et quantitativement. Le but est d'apporter au joueur davantage de finesse, de consistance et de réactivité, afin de le rendre, en définitive, toujours plus compétitif. Il est alors crucial de comprendre que la forme, en soi, ne garantit pas la performance. Elle en constitue uniquement la condition d’existence.
À l’inverse, un entraînement de la méforme ne peut que majorer le niveau de cette méforme. Il est malheureusement courant de constater que cette « méforme entraînée » découle parfois d'un cercle vicieux. Lorsqu'une équipe ne récupère plus de ses efforts et se trouve donc en méforme, on tente trop souvent de la sortir de cette situation par davantage d'entraînement physique, ce qui, en réalité, ne fait qu'accentuer sa méforme.
La forme physique est un bien inestimable. Elle représente la condition sine qua non pour toute progression et pour le maintien d'un haut niveau de compétitivité tout au long de la saison. Une fois atteinte, il devient impératif de la couver, de la conserver et, idéalement, de la perfectionner avec sagacité et précision.

L'objectif de cet écrit est donc de sensibiliser au fait qu'atteindre le niveau de forme requis n'est pas la fin de l'entraînement physique footballistique, mais bien la fin de son début. Selon cette vision, la forme permet de rendre continuellement plus facile, ce qui est de plus en plus difficile. À l'inverse, la méforme rend plus difficile, ce qui est fondamentalement facile. Autrement dit et concrètement, c'est la première séance qui est la plus dure pour les organismes, car l'entraînement physique devrait leur permettre, par une adaptation progressive positive, d'assumer de plus en plus facilement des charges de plus en plus difficiles.
La question est donc de savoir comment maintenir les joueurs en forme durant toute une saison. Pour y répondre, ce texte aborde les notions de forme et de méforme footballistique. Ensuite, il présente des mesures concrètes d'entraînement physique footballistique qui permettent d'éviter de tomber dans le piège de la méforme.
La (mé)forme physique
Je définis la forme physique footballistique comme « l’absence de tensions corporelles qui limitent quantitativement et qualitativement la production motrice des déplacements ». En d'autres termes, jouer sans douleurs ou sans fatigue. Selon cette approche, il est très rare qu’un joueur soit en forme physique optimale.
Plus techniquement, la forme physique footballistique reflète l’état d’adaptabilité du joueur à la charge actuelle et sa capacité à produire des efforts spécifiques au poste, avec coordination, vitesse et lucidité tout en maintenant un niveau de récupération rapide. Elle traduit un équilibre de régulation entre le système nerveux, les systèmes hormonaux (axe HPA) et les filières énergétiques. Dans ce cadre, un joueur en forme est un joueur fonctionnellement disponible et alacrite. Il dispose d’une réserve cardiovasculaire, neuromusculaire et cognitive qu’il peut mobiliser avec un minimum de coûts énergétiques.
La méforme physique footballistique n'est pas qu'un simple état de fatigue. Elle correspond plutôt à un processus de désadaptation physiologique, causé par un déséquilibre entre la charge imposée et la capacité réelle du joueur à s'y adapter. Le joueur se retrouve alors en situation de surentraînement, ne récupérant plus suffisamment de ses efforts. Ce moment se remarque lorsqu’il n’a tout simplement plus de « cœur à l'ouvrage ».
Le problème est que cette méforme s'installe silencieusement. On la remarque difficilement avant qu'elle n'effondre les performances des joueurs. Ses signes précurseurs incluent une baisse de la variabilité de la fréquence cardiaque, des troubles du sommeil, de l'irritabilité, un ralentissement moteur, une perte de coordination, une réduction de la proprioception et une réactivité altérée.
Un joueur en méforme continue de s'entraîner et de jouer, mais il ne progresse plus. Il se contente de gérer et de compenser pour limiter les dégâts, ce qui le rend de moins en moins compétitif. Pire encore, il devient progressivement plus fragile en raison de la perte continue de sa substance énergétique, le transformant peu à peu en une coquille vide.
Les mesures d’entraînement qui préservent de la méforme
Maintenir un état de forme physique positif de ses joueurs est la tâche prioritaire de tout PPF. C’est seulement cet état qui permet au joueur de se développer sans péjoration de son potentiel et en santé. Ces mesures comprennent un entraînement holistique, sentir la forme pour mieux l’entraîner, le physique n’est pas seulement métabolique, la modulation générale des charges par le principe de surcompensation modéré constante, la logique que le physique n’est pas que métabolique, de veiller à maintenir les joueurs à un niveau d’alacrité acceptable par le principe de surcompensation modérée constante, une gestion ondulo-pointilliste des charges, l’entraînement de la récupération et une extension de l’intensif, d’une juxtaposition pertinente des préparations physique individuelle et collective et enfin de considérer la douleur comme une information très instructive pour piloter els charges d’entraînement.
Un entraînement holistique
Une approche d'entraînement holistique place le joueur au centre de toutes les attentions. Il ne s'agit plus simplement de programmer des séances de vitesse, d'endurance ou de force, mais de comprendre comment chaque joueur réagit à la charge, comment il récupère, comment il perçoit son état de forme et comment ses émotions influencent sa performance. Ce type d'approche prend en compte les dimensions biomécaniques, bioénergétiques et neurocognitives du joueur, ainsi que ses aspects psychologiques et sociaux. En ce sens, le PPF devient un architecte de la forme globale, en synergie avec l'entraîneur, le staff médical et le joueur lui-même. L'objectif est de produire de la performance en créant de la résilience, de l'intelligence motrice et un bien-être durable.
Sentir la forme pour mieux l’entraîner
L'art de ressentir la forme est essentiel. Un joueur véritablement connecté à son corps développe la capacité d'identifier les indicateurs précurseurs de surcharge, s'érigeant ainsi en acteur clé de sa régulation physiologique. Ressentir sa forme, c'est affiner sa perception sensitive des nuances de tonicité musculaire, de l'efficacité de sa récupération, de sa lucidité mentale, de sa réactivité face aux variations de rythme, et de son aptitude à produire des efforts en série sans tension superflue. Le PPF, quant à lui, a pour mission d'apprendre à interpréter les signaux corporels, la gestuelle et les schémas moteurs du joueur afin d'adapter ses interventions avec une précision optimale.
Le physique footballistique, ce n’est pas que du métabolique !
Il est essentiel que les joueurs comprennent la distinction entre le physique métabolique et le physique coordinatif, même s'ils sont les deux faces d'une même pièce. Le premier vise à mobiliser les filières énergétiques afin que les joueurs puissent soutenir la répétition et la récupération des efforts (aussi appelée l'énergie mécanique dépensée) durant les matchs et les entraînements. Le second, quant à lui, a pour but de fluidifier l’énergie mécanique produite, afin que l'expression du physique footballistique soit la plus efficiente, efficace et pertinente possible.
Cette distinction me semble particulièrement capitale. Trop souvent, la préparation physique footballistique se concentre uniquement sur le domaine métabolique. Or, à mes yeux, ce n'est que le minimum requis. La véritable différence compétitive réside stratégiquement dans la qualité coordinative du joueur, qui se manifeste par son niveau de vitesse maximale footballistique. Cette vitesse doit être comprise comme la capacité à magnifier l'expression du talent footballistique, et non comme la simple recherche de la pointe de vitesse la plus élevée.
Dans cette logique, cette capacité coordinative doit être constamment entraînée et, par conséquent, recherchée, cultivée et soignée afin de préserver la forme physique des joueurs.
Le principe de surcompensation modérée constante
Pour progresser durablement, il faut respecter un équilibre dynamique. Une charge suffisante pour stimuler l’adaptation, et une récupération suffisante pour la surcompensation. Cela repose sur une gestion intelligente et sensitive de la charge. L’idée est d’entraîner à 100%, 95 % des capacités énergétiques des joueurs. Cette gestion des charges intègre des séances régénératives planifiées, comme la mobilité active, la respiration vagale, la cryothérapie douce et les footings de rééquilibrage parasympathique à 40% de la VMA. Le but n’est pas de « faire plus »", mais de faire continuellement mieux, c’est-à-dire parfois en faire moins, pour en obtenir davantage.
Une gestion ondulo-pointilliste des charges
La gestion ondulo-pointilliste des charges s'appuie sur une alternance fine et précise des variations d'intensité et de volume, suivant un rythme irrégulier mais planifié. Le terme « ondulo » évoque des cycles ondulatoires, c'est-à-dire des fluctuations maîtrisées de la charge d'entraînement (intensité, volume, spécificité, fréquence, densité). Quant au volet « pointilliste », il désigne l'introduction ponctuelle de stimuli ciblés à des moments très spécifiques, dans le but de provoquer une adaptation particulière.
Ce type de gestion s'éloigne des progressions linéaires classiques pour privilégier une logique adaptative et réactive. Il permet de solliciter différentes filières énergétiques, d'éviter les phénomènes de stagnation et de mieux respecter les biorythmes des joueurs. Cette approche est souvent utilisée durant les phases de maintien ou de rappel, ou dans des contextes où les contraintes extérieures (compétitions, déplacements, fatigue accumulée) exigent une adaptation constante des charges.
L’entraînement de la récupération
Cet entraînement désigne toutes les actions du joueur en dehors du terrain qui influencent directement sa performance terrain. Cela englobe la qualité du sommeil, l'hygiène alimentaire, la gestion du stress, l'organisation de la vie personnelle, la récupération active, ainsi que l'exposition aux écrans et la charge mentale. Bien que souvent négligé, cet aspect est fondamental pour que l'entraînement visible puisse produire ses effets. Un joueur peut s'entraîner parfaitement sur le terrain, mais sans un sommeil de qualité, une alimentation adaptée ou une bonne régulation émotionnelle, les gains seront minimes, voire annulés.
L'éducation à l'entraînement de la récupération est donc essentielle. Dans cette optique, les joueurs doivent comprendre que plus leur niveau s'élève, moins ils passeront de temps à jouer au football car ils devront consacrer une part croissante de leur énergie à prendre soin de leur physique, que ce soit pour sa récupération, sa correction ou son affinement.
Une logique de développement extensive de l’intensif
La logique de développement extensif de l'intensif repose sur l'idée d'allonger progressivement le temps passé à des intensités les plus élevées, tout en maintenant une excellente qualité d'exécution. Contrairement à une approche purement quantitative ou axée exclusivement sur la simple montée en intensité, cette méthode vise à habituer l'organisme à soutenir un effort maximal sur des durées de plus en plus longues.
L’objectif est de développer la capacité à répéter et à tolérer l’intensité sans altérer l’efficacité technique ou biomécanique. Cela implique un travail rigoureux sur la régulation de l’effort, la gestion du tempo et la maîtrise des temps de récupération.
Une juxtaposition pertinente des préparations physique individuelle et collective
Pour optimiser leur performance, de plus en plus de footballeurs sollicitent des PPFs en parallèle du suivi offert par leur club. Ce recours externe, souvent motivé par un besoin de personnalisation, engendre fréquemment une superposition de préparations collectives et individuelles qui sont malheureusement mal coordonnées. Cette double approche, surtout lorsqu'elle est dissimulée au staff du club, soulève des problèmes de suivi, de calibrage des charges et peut fausser les tests de forme. Les organismes des joueurs peinent alors à s'adapter à des logiques d'entraînement divergentes, ce qui augmente les risques de fatigue, de blessures ou de contre-performance. Pour remédier à cela, les clubs et les PPF devraient collaborer autour d'un Projet-Joueur clair, c’est-à-dire garantissant un chemin de progression harmonieux et cohérent, au service à la fois du joueur et de son équipe.
La « douleur » est une information très instructive
Dans le football, la douleur physique est omniprésente et rarement prise en compte de manière individualisée et approfondie. Les joueurs évoluent souvent avec des douleurs qu'ils taisent pour continuer à jouer, créant un décalage entre leurs capacités réelles et les attentes physiques de l'équipe.
Pour éviter une détérioration globale du niveau physique collectif, je propose d’instaurer une écoute active des douleurs, c’est-à-dire un dialogue empathique et structuré entre entraîneurs et joueurs, permettant à ces derniers d’exprimer librement et précisément leurs ressentis corporels.
Inspirée des principes de la psychologie humaniste, cette approche vise à comprendre la douleur comme un signal à décoder plutôt qu’un obstacle à nier. Elle nécessite une posture d’écoute sincère, non jugeante, centrée sur la personne plutôt que sur la performance. Ainsi, l’anamnèse sportive devient un outil de prévention et d’optimisation de l’entraînement, permettant de « s’entraîner par la douleur, non dans la douleur » et de replacer la santé du joueur au cœur de la performance.
Conclusion

Dans un football toujours plus exigeant, l'objectif n'est plus de simplement de « faire du physique », mais de construire une forme physique fonctionnelle précisément pour pouvoir l'affiner. Entraîner la forme, c'est s'adapter à la capacité d'adaptabilité du joueur afin de l'inscrire dans une trajectoire de progression boule de neige qui lui permette d'atteindre ses objectifs. À l'inverse, entraîner la méforme, c'est user l'énergie vitale du joueur jusqu’à en faire une peau de chagrin. Le sillon de performance est alors si profondément creusé, que tel un cul de sac, qu’il ne permet plus au joueur de progresser à cause de la dépense d’énergie que cela lui demande.
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