Stratégiquement, quelle qualité physique choisir pour devenir la pierre angulaire de son entraînement physique footballistique ?
- xavierblanc
- 4 juil.
- 19 min de lecture

Le football exige des joueurs une polyvalence physique alliant, de manière générale, force, endurance et vitesse. Cette approche généraliste conduit les préparateurs physiques footballistiques (PPF) à privilégier un développement global, c’est-à-dire sans hiérarchie, des qualités physiques. Néanmoins, comme l’endurance semble être la qualité la plus sollicitée, ce qui ne signifie pas nécessairement la plus utile, en situation de match, c’est autour d’elle que s’articule le développement physique général des joueurs. Or, le football connaît une intensification physique croissante, ce qui soulève la question suivante : cette option reste-t-elle stratégiquement performante, c’est-à-dire encore efficiente, efficace et pertinente ?

Pour y répondre, cet écrit fait théoriquement appel, de manière très sommaire dans sa première partie, à l’analyse stratégique. Cela s’est néanmoins révélé suffisant pour identifier les « leviers différenciateurs », c’est-à-dire les critères objectifs permettant de choisir l’option physique la plus adaptée ä la situation, sachant, selon les mots de Sénèque, « qu’il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ». Sur la base de ces leviers, le texte se poursuit par une évaluation stratégique des options disponibles, afin de déterminer si l’une d’elles s’impose aux autres.
Dans une seconde partie, cet écrit évalue si l’option émergente est réellement acceptable et implémentable par et dans le football. En effet, qu’une option se distingue est une chose, mais cela n’a aucune valeur si elle s’avère inapplicable ou impraticable sur le terrain. Pour ce faire, j’ai recours à une analyse SWOT de la situation, dans le but de savoir si l’option physique émergente, est opportune. Puis par une analyse coût-bénéfice, j’identifie les facteurs susceptibles d’en garantir l’implémentation réussie sur le terrain.
Il est entendu, en premier lieu, que cet écrit constitue avant tout une sensibilisation méthodologique à la problématique abordée. Il a ainsi le mérite de promouvoir l’approche stratégique dans la prise de décision footballistique. Cette méthodologie représente un outil précieux. En objectivant les choix footballistiques, elle limite l’influence des biais cognitifs et émotionnels dans le processus décisionnel. De plus, comme elle est accessible à tous, elle nous préserve ainsi de l’appropriation et de l’instrumentalisation du football par la poursuite d’objectifs personnels qui contrevient aux intérêts et à l‘intégrité personnelle des joueurs. Enfin, elle permet aux PPFs de mobiliser l’ensemble de leur savoir, y compris celui qui reste souvent implicite ou inconscient.
En second lieu, il convient d’être conscient qu’une telle analyse est susceptible de remettre en question notre propre répartition des priorités thématiques dans l’entraînement physique footballistique. Plus précisément, cela implique qu’à son issue nous devrons possiblement (re)penser la répartition habituelle des composantes physiques dans nos programmations. À titre indicatif, cette répartition se situe généralement autour de 70 % (±10 %) pour l’endurance, 20 % (±10 %) pour la force, et 10 % (±5 %) pour la vitesse.
La remise en question constitue donc le principal risque de toute analyse objective. D’un point de vue stratégique, ce risque semble assumable et même désirable parce qu’il évite que son entraînement physique footballistique devienne progressivement moins compétitif.
Partie 1 : Analyse stratégique des options d’entraînement physique footballistique
1.1. Les principes stratégiques de choix issus du management
Pour décider quoi entraîner en priorité, je propose aux PPFs d’adopter une réflexion stratégique. À cet égard, les travaux de Michael Porter, Richard Rumelt et Henry Mintzberg nous en offrent des clés précieuses de compréhension.
Michael Porter définit la stratégie comme « un choix clair de positionnement qui permet d’obtenir un avantage concurrentiel durable ». Cela implique de se différencier par des qualités rares, difficilement imitables, tout en s’adaptant à la concurrence ainsi qu’aux attentes de son « champ d’intervention ». Transposé au football, cela signifie que la bonne stratégie consiste à développer la qualité physique qui crée une véritable différence sur le terrain.
De son côté, Richard Rumelt propose un processus de réflexion simple, mais redoutable 1) un diagnostic clair à savoir qui répond au vrai besoin 2) une ligne directrice qui identifie la priorité à réaliser et 3) un ensemble d’actions cohérentes qui permet de savoir comment y parvenir. Une bonne stratégie consiste donc à identifier la qualité physique footballistique la plus utile, puis à structurer l’ensemble de l’entraînement autour de ce choix prioritaire.
Pour Henry Mintzberg, une bonne stratégie n’est pas figée. Elle doit émerger du terrain, s’adapter au contexte, au joueur ainsi qu’à la réalité du moment. Dans cette perspective, entraîner tous les joueurs de la même manière, sans adaptation à leur poste ou à leur profil, est stratégiquement faible.
1.2. Quelle qualité physique émerge stratégiquement ?
Pour répondre à cette question, je propose d’examiner succinctement les trois qualités physiques majeures du football selon leurs « leviers différenciateurs », dans le but de déterminer laquelle est la plus appropriée au football actuel, qui devient de plus en plus intensif comme l’indique son intermittence de plus en plus saccadée.
L’endurance doit toujours être considérée comme le socle énergétique de l’effort footballistique. Elle permet de répéter les efforts et présente l’avantage d’être déjà bien maîtrisée et développée chez la plupart des joueurs. Elle demeure donc vitale et nécessaire à l’expression physique du football en développant la qualité des facultés de récupération inter-efforts des joueurs.
Pour sa part, la force, en offrant un support au physique footballistique, est essentielle pour tenir les duels, favoriser le retour à l’équilibre, pour dynamiser la projection dans les espaces de jeu et s’avère particulièrement déterminante à certains postes, comme celui des défenseurs centraux pour dominer et contenir la fougue des attaquants adverses. On peut également la considérer comme indispensable pour vaincre l’inertie des masses corporelles et initier les actions de jeu. Elle apparaît donc toujours comme un facteur clé pour exécuter qualitativement les déplacements footballistiques cycliques et acycliques, aux côtés de la réactivité motrice.
Certes, la part de la vitesse dans la répartition des efforts durant un match est minime. Cela dit, les matchs se décident souvent sur des actions de haute intensité telles que les accélérations, les contre-attaques ou les appels en profondeur. Comme la vitesse y joue donc un rôle décisif, elle représente stratégiquement la qualité offrant le plus d’avantages pour gagner un match.
Or, elle est rarement entraînée spécifiquement, c’est-à-dire qu’on l’entraîne par elle-même, contrairement à ce que recommande le principe de spécificité de l’entraînement. Ainsi, la vitesse devient un élément hautement différenciateur, susceptible de doter le joueur d’une capacité qui fait une réelle différence sur le terrain à condition que son entraînement soit pertinent, c’est-à-dire ici qu’il ne créé pas d’interférences négatives qui le réduit à néant.
La vitesse constitue donc le levier stratégique le plus sous-exploité et, par conséquent, le plus rentable à développer dans l’entraînement physique footballistique. Elle mérite ainsi d’être la pierre angulaire de son concept de préparation physique footballistique, à condition qu’elle soit jugée suffisamment opportune pour être acceptée par le football et que son implémentation soit réalisable.
1.3. Analyse de l’opportunité de l’option vitesse
L’idée d’intégrer la vitesse comme qualité centrale dans la préparation physique footballistique est stratégiquement justifiée. Toutefois, toute stratégie, aussi séduisante soit-elle sur le papier, doit être évaluée à l’aune de son opportunité. Ce paragraphe propose donc une analyse coût-bénéfice afin d’évaluer si un tel changement stratégique apporte une plus-value compétitive indiscutable.
L’analyse coût-bénéfice est une méthode d’évaluation systématique qui consiste à comparer les coûts totaux d’un projet, d’une décision ou d’une politique avec ses bénéfices totaux. L’objectif est de déterminer si les bénéfices d’un choix l’emportent sur ses coûts. Pour le savoir, il s’agit d’identifier l’option qui maximise un apport net à la cause. Dans ce cadre, les coûts et les bénéfices se définissent comme suit :
- Les coûts peuvent être directs (expl: dépenses d'achat, salaires, matières premières)
ou indirects (ex: temps passé, nuisances environnementales, coûts d'opportunité, c'est-
à-dire le bénéfice perdu en ne choisissant pas la meilleure alternative)
- Les bénéfices peuvent être directs (expl: augmentation des revenus, gains de
productivité) ou indirects (ex: amélioration de la réputation, bien-être social, réduction
des risques).
1.3.1. Les coûts d’une telle option
Les coûts, respectivement les obstacles, à l’adoption d’une stratégie physique centrée sur la vitesse sont, selon moi, au nombre de 7 : un champ encore peu structuré et flou, un manque de formation des PPFs, des contraintes organisationnelles, un risque de surcharge ou d’erreur en cas de mauvaise intégration, une résistance institutionnalisée au changement, le danger du conformisme ainsi qu’une possible perte de pouvoir des caciques footballistiques.
1) Un champ peu structuré et encore flou
Dans bien des cas, la vitesse footballistique n’est ni bien définie ni clairement modélisée. Il n’existe pas de consensus précis sur sa quantification, ni sur les méthodes les plus efficaces pour l’entraîner dans un contexte footballistique. Ce domaine demande donc d’être décrypté, étudié et structuré, car il se situe à l’intersection de la biomécanique, de la posturologie, de la neurophysiologie et de l’analyse du jeu.
2) Un manque de formation des PPFs
La majorité des PPFs a été formée sur des modèles centrés sur l’endurance et la planification linéaire. Passer à une logique de stimulation à haute intensité nerveuse, de périodisation inversée ou de travail de la vitesse maximale implique un changement de paradigme, nécessitant un investissement significatif en compréhension, en formation, en matériel, ainsi qu’un temps d’adaptation conséquent.
3) Une contrainte organisationnelle
Travailler la vitesse footballistique de manière qualitative exige des plages de récupération correspondantes, des contenus individualisés, une gestion fine de la charge, ainsi que des surfaces adaptées. Cela peut s’avérer difficile à mettre en œuvre dans des contextes à forte densité d’effectif ou soumis à des contraintes de temps, comme c’est souvent le cas en amateur ou en formation.
4) Le risque de surcharge ou d’erreur si elle est mal intégrée
La vitesse footballistique est une qualité exigeante sur le plan neuromusculaire. Si elle est mal intégrée par surfatigue, mauvaise technique et progressivité, elle peut générer des blessures ou de la contre-performance. Son entraînement doit être sagace, technique, cohérent, sensitif et accompagné d’une pédagogie spécifique.
5) La résistance institutionnalisée au changement
Les clubs, les académies et même certains joueurs sont souvent attachés à des routines traditionnelles d’entraînement physique, validées par le temps et leur dimension rassurante. Passer d’une logique d’endurance généralisée à une approche centrée sur la vitesse footballistique suscite donc méfiance, voire opposition implicite. Ce changement de paradigme expose également à des critiques infondées, voire à des stratégies visant à discréditer le messager pour éviter d’entendre le message. Cela nécessite, pour y résister, confiance, conviction, une pédagogie claire et un engagement sur le long terme.
6) Le danger du conformisme
Dans un environnement ultra-compétitif suivre les pratiques dominantes permet de se protéger, puisque « si je fais comme tout le monde, je ne suis pas critiquable parce que mes erreurs ne me sont pas imputables ». Ce biais de conformité crée une zone de confort où l’innovation devient marginale, voire suspecte. Pourtant, c’est en sortant de ce mimétisme collectif que se créent les véritables écarts de performance. La vitesse footballistique, parce qu’elle est encore sous-exploitée, constitue alors l’un des rares leviers permettant de se distinguer réellement, à condition d’oser y investir avec consistance et rigueur.
7) La perte de pouvoir des caciques footballistiques
Dans le football, le pouvoir s’acquiert non seulement par les résultats, mais aussi par la maîtrise perçue du jeu, de l’entraînement, de la performance et par les statuts. Cependant, lorsqu’un changement de paradigme s’opère, ses transformations techniques viennent bousculer les fondements du pouvoir des PPFs institués et décideurs.
Ce déplacement du centre de compétence entraîne une érosion de leur autorité. Ils ne sont plus les seuls détenteurs du savoir pratique, et leur légitimité se trouve fragilisée face à l’émergence de nouveaux modèles plus transversaux, interdisciplinaires et technicisés. En conséquence, leur place dans la hiérarchie footballistique devient moins évidente, car ce qui faisait d’eux des figures d’autorité tels que leur maîtrise de l’entraînement physique traditionnel devient obsolète dans un environnement désormais fondé sur la preuve, les données, l’argumentation et la spécialisation.
1.3.2. Les bénéfices
Je recense 4 bénéfices majeurs à accorder une place centrale à la vitesse dans un concept d’entraînement physique footballistique : une différenciation réelle et mesurable, une stimulation de la vitesse d’animation du jeu, un gain d’efficience énergétique ainsi qu’un avantage compétitif durable.
1) Une différenciation réelle et mesurable
La vitesse est la qualité physique qui fait la différence lors des moments clés : accélérations offensives, retours défensifs, changements de direction, décrochages explosifs. L’entraîner spécifiquement permet de développer un atout peu travaillé chez la majorité des joueurs, renforçant ainsi directement l’impact individuel et collectif.
2) Une stimulation de l’ensemble du jeu
Une vitesse footballistique entraînée à haute intensité impacte positivement l’explosivité, la gestuelle, la coordination et le rapport au ballon en situation réelle. Mieux encore, le développement de la vitesse stimule également la force spécifique, la proprioception et la réactivité, contribuant ainsi indirectement à élever le niveau d’animation du jeu.
3) Un gain d’efficience énergétique
Un joueur plus rapide est souvent un joueur plus économique. Il crée des écarts plus rapidement, récupère mieux de ses accélérations et réduit son exposition aux duels prolongés.
4) Un avantage compétitif durable
Puisque la vitesse footballistique est peu entraînée, mal stimulée et rarement développée spécifiquement, ceux qui s’y consacrent sérieusement peuvent créer un écart durable face à leur concurrence.
1.3.3. Synthèse de l’analyse stratégique
Le bénéfice du choix de l’option vitesse est évident : gains de performance, spécificité accrue, différenciation durable. Mais les coûts, en termes de changement de cadre, de compétences, de pédagogie et d’acceptabilité, sont bien réels et souvent plus humains que techniques. Cependant, il est clair vu son rôle décisif sur le terrain, que cette option reste clairement opportune. La question n’est donc plus de savoir s’il faut y aller, mais plutôt comment y aller intelligemment, c’est à-dire sans casser des œufs.
Pour ce faire, il est urgent de réfléchir sérieusement à l’option physique de la vitesse, de la documenter, de former les intervenants, et surtout d’oser remettre en cause le modèle dominant centré sur l’endurance, au profit d’un entraînement plus intense et plus qualitativement spécifique.
Dans cette perspective, ce n’est pas l’intégration de la vitesse footballistique dans l’entraînement physique footballistique qui est difficile. C’est la remise en cause du modèle dominant qui l’est. La question n’est donc plus : « Est-ce que la vitesse est importante ? », mais bien : « Est-ce que l’on est prêt, et quand, à se décaler du modèle établi pour entraîner le physique footballistique par sa vitesse. ? ».
2. Faisabilité et évaluation des risques du choix de l’option stratégique choisie
Pour avoir les éléments de réponse à la question ci-dessus, j’analyse cette fois stratégiquement ce qu’une telle implémentation exige pour qu’elle réussisse. Cette partie se subdivise en une analyse SWOT qui vise à comprendre les facteurs de succès d’acceptation d’une option vitesse et une analyse des risques de son implémentation.
2.1. Forces, faiblesses, menaces et opportunité d’une implémentation de l’option vitesse
Pour identifier l’acceptabilité de l’option stratégique choisie, j’utilise la célèbre analyse SWOT. C’est un outil stratégique permettant d’évaluer les facteurs clés de la réussite d’une organisation ou un projet selon quatre dimensions :
- Strengths (forces)
- Weaknesses (faiblesses)
- Opportunities (opportunités)
- Threats (menaces)
Cette méthodologie aide à structurer une réflexion sur les ressources internes (forces/faiblesses) et les facteurs externes (opportunités/menaces) pouvant influencer la réussite d’un projet. L’analyse SWOT appliquée à l’implémentation d’une option vitesse met en lumière les leviers de réussite ainsi que les défis à anticiper.
Du côté des forces, la montée en puissance des approches scientifiques en préparation physique, la disponibilité de technologies de suivi de la performance (GPS, capteurs, analyse vidéo), et l’appui croissant des directions techniques pour des méthodes spécialisées offrent un terrain favorable. Cette évolution va dans le sens d’une optimisation individualisée des qualités de vitesse, au cœur du football moderne.
Cependant, des faiblesses persistent, notamment la résistance au changement de certains entraîneurs ou cadres techniques, encore attachés à des schémas d'entraînement traditionnels. Le manque de formation spécifique ou d’interfaces de collaboration entre PPFs et staff technique peut également freiner l’intégration fluide de cette nouvelle option.
Les opportunités sont nombreuses : évolution des exigences du jeu vers plus de transitions rapides, attention accrue portée à l'explosivité des joueurs, valorisation du profil « rapide » sur le marché des transferts et ouverture vers des partenariats avec des centres de recherche ou des start-ups sportives.
En revanche, les menaces résident dans la difficulté d’harmoniser cette spécialisation avec le reste du programme d’entraînement, la surcharge potentielle des joueurs, et surtout la remise en cause indirecte des figures d’autorité technique (les « caciques »), dont la légitimité est parfois liée à des méthodes dépassées. Cela peut créer des tensions hiérarchiques ou des blocages institutionnels si le changement n’est pas accompagné.
En résumé, l’analyse SWOT révèle que l’acceptabilité d’une option vitesse repose sur la capacité du club ou de l’institution à intégrer l’innovation sans fracturer les équilibres humains existants, à former et convaincre les acteurs clés, et à positionner la vitesse non comme un objectif isolé, mais comme une composante transversale et stratégique de la performance physique footballistique.
2.2. Evaluation des risques de l’implémentation d’une option vitesse
L'analyse des risques est une démarche structurée visant à identifier, évaluer et hiérarchiser les menaces potentielles pouvant affecter un projet ou une organisation. Elle repose généralement sur plusieurs étapes :
1. Identification des risques : recensement des événements pouvant compromettre les
objectifs.
2. Évaluation des risques : estimation de la probabilité d’occurrence et de l’impact de
chaque risque.
3. Hiérarchisation : classement des risques selon leur criticité.
4. Plan de réponse : élaboration de stratégies de mitigation, d’évitement ou de transfert
des risques.
5. Suivi et mise à jour : contrôle régulier de l’évolution des risques et adaptation des
réponses.
Cette méthodologie permet une meilleure anticipation et une prise de décision éclairée, réduisant ainsi les incertitudes dans le cadre de l’implémentation d’un projet. Dans notre cas, si l’option vitesse semble offrir un avantage stratégique majeur et qu’elle est clairement opportune, son implémentation n’est pas exempte de risques, que ce soit sur le plan sportif, organisationnel ou humain. Ces risques doivent être clairement identifiés et anticipés afin d’éviter que cette stratégie ambitieuse ne devienne pas contre-productive ou simplement lettre morte.
Ceux que j’ai identifiés sont au nombre de 7 soit les risques de spécialisation excessive, le risque de décontextualisation du jeu, le risque d’inadéquation au profil des joueurs, le risque de blessure accrue, le risque de rejet culturel ou institutionnel, le risque de mauvaise communication stratégique et enfin le risque d’inadaptabilité aux contraintes.
1) Le risque de spécialisation excessive
En plaçant la vitesse au centre de l'entraînement physique, il existe un risque de déséquilibre. Les autres qualités fondamentales comme l’endurance et la force pourraient être reléguées au second plan, au détriment de la capacité globale de performance. Un joueur très rapide mais incapable de maintenir un effort sur 90 minutes ou de gagner des duels physiques reste non-performant. Cela peut être résolu en ordonnant ses thématiques d’entrainement selon la formalisation de son concept d’intervention.
2) Le risque de décontextualisation du jeu
Si la vitesse est entraînée de manière trop isolée (sprints linéaires sans ballon, sans prise d’information ni décision), elle peut se couper de la réalité du jeu. Or, dans le football, la vitesse est toujours contextuelle, tactique, décisionnelle. Une vitesse « hors-sol » peut créer une dissociation entre les qualités physiques et les exigences du match. Pour l’éviter, il s’agit notamment de concilier précision et vitesse.
3) Le risque d’inadéquation au profil des joueurs
Tous les joueurs ne sont pas prédisposés génétiquement ou morphologiquement à atteindre une vitesse maximale élevée. Imposer ce modèle sans tenir compte des profils individuels pourrait mener à une perte de confiance, voire à une démotivation chez certains, notamment les joueurs plus endurants, plus puissants ou plus techniques.
Toutefois, il s’agit d’être conscient que ce risque est marginal parce qu’il est très rare qu’un joueur atteigne son plus haut pic de vitesse maximale vu que l’on n’entraîne pas en tant que telle cette qualité. Cela signifie que tous les joueurs ont de 40% à 20% de progrès potentiel de leur pic de vitesse quel que soit leur « configuration génétique ».
4) Le risque de blessure accrue
La vitesse est une qualité sollicitant fortement le système neuromusculaire. Une augmentation mal calibrée des volumes ou de l’intensité d’entraînement en vitesse peut conduire à un risque accru de blessures musculaires (ischio-jambiers, quadriceps, mollets), notamment si les protocoles de récupération, de progressivité ou de renforcement ne sont pas rigoureusement suivis.
À l’inverse, comme le football devient de plus en plus « vitesse », les PPFs se doivent d’entraîner la vitesse maximale afin que les muscles des joueurs soient aptes ä fournir les efforts demandés par le jeu.
5) Le risque de rejet culturel ou institutionnel
Dans de nombreux clubs, l’endurance demeure un pilier identitaire de l'entraînement. De plus, selon une logique No Pain, No Gain, s’y entraîner dur rassure les joueurs sur leur capacité à tenir quantitativement les charges. Cela leur donne le sentiment d’être fort et prêt. Mais cette approche quantitative n’est plus suffisante pour être compétitif. Il s’agit donc de passer à une approche qualitative de l’effort, c’est-à-dire de ne pas en faire plus, voire même moins, mais mieux. Changer cette culture de l’effort footballistique peut entraîner des frictions, des incompréhensions ou un rejet de la part de l’encadrement technique, des dirigeants ou même des joueurs. Ce rejet peut ralentir, voire saboter, l’implémentation d’une stratégie vitesse.
6) Le risque de mauvaise communication stratégique
Si cette stratégie de recentrage sur la vitesse n’est pas accompagnée d’une communication claire, elle peut être mal comprise. Certains pourraient y voir une mode passagère, une lubie personnelle ou une rupture inutile. Sans alignement et pédagogie, l’adoption collective est compromise.
7) Le risque d’inadaptabilité aux contraintes
Les clubs amateurs ou à faibles moyens logistiques peuvent rencontrer de réelles difficultés à mettre en place un entraînement qualitatif de la vitesse : manque de matériel, d’espace, de temps ou de compétences spécifiques. Cela peut engendrer une frustration entre l’ambition stratégique et les moyens réels.
Ces risques n’invalident pas la pertinence stratégique de l’option vitesse, mais soulignent la nécessité d’une mise en œuvre prudente, contextualisée, progressive et accompagnée. Toute stratégie audacieuse comporte des zones de turbulence. Le rôle d’une stratégie est justement d’en anticiper les effets, de sécuriser l’environnement et de l’adapter sans renier ses ambitions. Bref, de connaître les conditions de son implémentation.
3. Conclusion
Cette conclusion se subdivise en une première partie qui énumère mes 8 éléments qui conditionnent la réussite d’une implémentation d’une option vitesse réussie. Sa seconde partie tente d’inciter les PPFs à la tenter sachant qu’ils n’ont rien à y perdre.
3.1. Eléments déterminants d’une implémentation réussie
Suite aux analyses précédentes, j’identifie 8 éléments déterminants l’implémentation réussie d’une option vitesse footballistique ; la vitesse doit être au centre de son concept d’entraînement, une structuration hebdomadaire, une culture de la vitesse, de considérer la vitesse footballistique comme la norme des calibrages des stimuli physiques, une Intégration technico-tactique, de la prévention et du soutien, un suivi, adaptation et progression, une évolution de la formation et de la recherche et le développement une culture d’exploration de la vitesse physique footballistique.
1) La vitesse au centre de son concept d’entraînement
Ce choix implique une règle claire. Tout le reste (endurance, force, agilité, coordination…) doit servir le développement ou la conservation de la vitesse footballistique. Cette ligne directrice doit guider la planification annuelle, les contenus hebdomadaires, l’ordre des priorités dans les cycles de préparation et même les séances terrain.
2) Une structuration hebdomadaire dédiée
Un tel positionnement implique que l’entraînement hebdomadaire comprend au minimum 2 séances hebdomadaires de travail pur de vitesse maximale par des enchaînements de sprints spécifiques de 20m et un travail de force-vitesse en salle.
3) Une culture de la vitesse
La vitesse footballistique n’est pas que motrice. Elle est sensitive dans le sens qu’elle s’apprend par ses sensations corporelles qui s’expriment dans le geste, mais aussi par une qualité d’exécution consistante qui révèle l’état d’investissement des joueurs dans leur vitesse.
4) La vitesse footballistique comme la norme des calibrages des stimuli physiques
L’entraînement de la vitesse footballistique consiste à créer des groupes de performances non pas en fonction des niveaux de leur VMA, mais en fonction des profils vitesse déterminés par les qualités d’accélération, de vitesse maximale et de réactivité des joueurs. Mais aussi des facteurs limitants issus des freins que sont le manque de technique de déplacement, les raideurs et la peur de se blesser.
5) Une intégration technico-tactique
La vitesse footballistique doit rester un moyen pour sublimer le talent footballistique. À ce titre, l’entraînement de la vitesse footballistique, c’est aussi réfléchir ä son intégration dans les schémas de match pour magnifier les contre-attaques, les appels en profondeur et le pressing, dans les stimuli décisionnels (ballon, adversaire, espace) des déplacements.
6) Prévention et soutien
Cette vitesse footballistique demande un renforcement des ischios, tronc, cheville, des routines d’activation neuromusculaire et des récupérations spécifiques pour les efforts explosifs.
7) Suivi, adaptation et progression
Entraîner physiquement par la vitesse footballistique demande à intégrer des boucles de feedback avec des outils tels que le management de la performativité de son entrainement, l’écoute active, l’analyse vidéo, le ressenti joueur, les chrono GPS, à ajuster le contenu selon les périodes de forme, les charges globales et les blessures potentielles afin que la vitesse maximale footballistique devienne une compétence durable, entretenue toute l’année.
8) Evolution de la formation et de la recherche
Implanter une stratégie centrée sur la vitesse footballistique pour entraîner physiquement nécessite une évolution profonde du modèle de formation des PPF et des entraîneurs. Actuellement, la majorité des cursus reste dominée par une logique d’endurance, de planification linéaire et de modélisation générale des charges. La vitesse, en revanche, reste un champ marginal, peu théorisé, rarement exploré dans sa complexité spécifique au football.
Or, la vitesse footballistique n’est ni strictement biomécanique, ni purement neurologique : elle est spécifique, contextuelle, perceptivo-décisionnelle, et nécessite donc une approche transdisciplinaire. Former à la vitesse, c’est former à comprendre le déplacement à vitesse maximale, mais aussi sa dimension situationnelle, son ancrage tactique, et ses impacts neuromusculaires dans un cadre de contraintes variables. Cela suppose trois chantiers prioritaires :
8.1.) Développer une culture d’exploration de la vitesse physique footballistique
Il est urgent de lancer des projets de recherche appliquée, en lien avec les clubs, les fédérations et les universités, afin de mieux comprendre les déterminants réels de la vitesse spécifique au football : quels indicateurs sont les plus pertinents ? Quelles méthodes sont les plus efficaces ? Quel est le lien avec la prise de décision ? Aujourd’hui, ces zones restent floues, empiriques ou peu diffusées. Or, ce manque de clarté freine son enseignement, et donc sa pratique.
8.2.) Créer des formations spécialisées, continues et concrètes
Les PPFs doivent pouvoir se former à la construction de séances de vitesse réellement utiles sur le terrain. Cela inclut l’apprentissage de la technique de la vitesse footballistique, la lecture des schémas tactiques à haute intensité, la gestion de la récupération, mais aussi une pédagogie adaptée pour faire accepter ces contenus aux joueurs. Trop souvent, l’entraînement de la vitesse est réduit à des « sprints sans ballon » ou à des tests de VMA, loin des réalités du jeu.
8.3.) Soutenir les clubs qui innovent
Ceux qui osent changer de paradigme doivent être accompagnés. La vitesse ne se développera pas par simple injonction stratégique. Elle exige des environnements apprenants, où l’on peut tester, échouer, corriger et améliorer. Cela implique une politique d’innovation physique dans le football, avec des pôles pilotes, des études de cas, et une mutualisation des bonnes pratiques.
3.2. Au final, la vitesse footballistique, cela se tente stratégiquement !
Suite ä cette analyse stratégique, la vitesse footballistique est une vraie opportunité d’évolution positive de la préparation physique footballistique. Elle est aujourd’hui un champ stratégique encore trop peu exploré, car il est difficile à enseigner, complexe à quantifier et énergivore qualitativement à entraîner. Mais, c’est précisément pour ces raisons qu’il constitue un avantage concurrentiel durable pour ceux qui sauront l’aborder avec rigueur, cohérence, humilité et consistance. Dans cette perspective, la vitesse footballistique, c’est le pivot stratégique de la performance physique footballistique de maintenant et du futur.
Au final, si cette réorientation centrée sur la vitesse implique des défis structurels, pédagogiques et humains, elle n’en demeure pas moins stratégiquement pertinente. Dans un football qui s’intensifie, les bénéfices potentiels dépassent largement les risques identifiés. En effet, il y a aujourd’hui bien plus à gagner qu’à perdre en osant faire de la vitesse la nouvelle pierre angulaire de son entraînement physique footballistique.
Pour les PPFs qui trouvent que cette option est trop radicale et insécure, ils peuvent toutefois trouver leur compte en intégrant juste plus de stimulation de vitesse dans leur concept d’entraînement. Si par ailleurs, ils ont de la difficulté « à lâcher » l’endurance, rien dans cet écrit n’incite à l’abandonner. Par contre, il s’agit désormais de comprendre qu’elle est un moyen de réitération des séquences d’action maximale et non plus une finalité. Notamment parce dans le cas contraire, elle souffre consubstantiellement d’un plafond de verre en termes d’intensité qui l’empêche d’être en phase avec l’évolution de plus en plus intensive des matchs.

Pour répondre à la question de savoir si le choix de l’option vitesse est suffisamment performatif pour être adopté, la réponse est positive du point de vue de l’efficacité. Il semble être aussi efficient par la spécialisation généralisée qu’il implique, dans le sens que cet entraînement oblige à en faire moins mais mieux. Par contre, il semblerait que les moyens, les ressources, les compétences et les outils nécessaires pour l’entraîner doivent encore être affinés, discutés et réfléchis pour devenir encore plus pertinent. C’est justement l’ambition de ce post et ce qui fonde possiblement sa pertinence !
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