La cohérence... un critère de qualité de la préparation physique footballistique !
- xavierblanc
- 24 janv. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 mai

Par sa mondialisation, le football est devenu universel. Il rassemble et (ré)unit, car il se joue et se partage selon les mêmes règles. Cela n’empêche pas, chaque individu, aujourd'hui heureusement également de plus en plus de femme, de disposer d'une certaine liberté pour interpréter et pratiquer le football selon ses propres convictions, compétences, moyens financiers, culture, genre, intelligences individuelle et collective, émotions, infrastructures, héritage historique de succès et d'échecs, et bien d'autres aspects encore.

En résumé, le football est à la fois unificateur par ses règles communes, mais aussi diversifié, car il est vécu et pratiqué de manière très différente. Ce couple « unité-diversité » se manifeste particulièrement dans le domaine de la préparation physique footballistique. Bien que l'on sache généralement ce qu'il faut faire physiquement, la manière de le faire varie considérablement selon le lieu où l’on se trouve. Même au sein d'une équipe, on trouve des joueurs aux profils physiques et aux capacités d'effort très différents, ce qui demande de l’individualisation d’entraînement qui s’inscrit dans des entraînements d’équipe.
Cette dernière exigence demande au PPF de la cohérence d’intervention. Selon les dictionnaires de références consultés, la cohérence en préparation physique footballistique «est un agencement logique de parties qui constituent un concept, ou la représentation abstraite, de ses interventions». Ce concept est logique lorsque ces parties s'enchaînent, s'influencent, se juxtaposent, interagissent... en bref, lorsqu'elles sont dans un rapport de (multi)causalités positives, soit A génère un plus grand B qui génère un encore plus grand A.
Comme ce concept d'entraînement reflète le chemin de vie du PPF, soit, en fin de compte, son savoir être et faire, le PPF doit, pour formaliser son concept, s'objectiver, selon la proposition de Pierre Bourdieu [1], Cette démarche, qui rappelle la célèbre locution philosophique grecque Gnothi seauton ou le « Connais-toi toi-même » socratique [2], vise à savoir quel est le sens, ou la direction, de ses interventions terrain. Le but est que les PPFs se libèrent, ou se détachent, de leur savoir livresque, de laboratoire, scientifique, théorique pour vivre leur passion sur le terrain en entraînant comme ils le savent, c'est-à-dire en cohérence avec ce qu'ils sont, ce à quoi ils aspirent et à leurs convictions techniques. L'idée est d'éviter d'entraîner contre sa nature, ou comme tout le monde, en copiant ou en reproduisant bêtement.
Dans le football, l'adage « Celui qui gagne a toujours raison » prévaut [3]. Ainsi le jeu et les manières de faire et de faire-faire du dernier vainqueur de la Coupe du Monde, de la Champion League... ont, par ruissellement, force de loi. Or, gagner est par nature une exception, c'est-à-dire, comme annoncé précédemment, que cela n'est pas reproductible puisque nos joueurs, nos adversaires, notre environnement et la compétition ne sont pas les mêmes. À ce titre, l'exigence de cohérence dicte d'oublier les recettes gagnantes des autres pour trouver la sienne.
Le point de départ de tout concept cohérent consiste à choisir d’abord son option stratégique d'entraînement en fonction de son habitus sportif [4]. Selon l'héritage de Juergen Weineck [5], il existe grossièrement trois options stratégiques que sont l'endurance, la force ou la vitesse. Pour avoir du succès, ce choix doit se décliner en cohérence en contenus d'entraînement. Plus précisément, il s’agit de hiérarchiser dans le temps, ou de planifier, les contenus de ses interventions terrain afin d’être en mesure de concrétiser, selon une dynamique positive, les objectifs individuels des joueurs et collectifs de l'équipe.
Pour se convaincre de l’importance de dernière évidence, soyons conscients que le corps déteste «subir simultanément» plusieurs logiques d'entraînement. Premièrement, les effets de ces entraînements superposés peuvent s'annuler par interférences négatives. Secondement, le corps n'aime pas avoir plusieurs directions de développement sachant qu’il a besoin de la répétition d'un même stimulus sur le moyen terme pour s'adapter chroniquement. L'affaire devient encore plus compliquée encore si l'on rajoute dans la problématique la dimension temporelle puisque le football doit tout à la fois concilier l'atteinte d'objectifs d'entraînement à très court terme avec le match du week-end avec des objectifs de long terme de développement et de maintien des capacités physiques des joueurs. À charge des PPFs de concilier ces deux temps d'entraînement pour, encore une fois, qu'ils ne s'opposent pas en créant une dynamique contraire de stimulation et des surcharges d’entraînement.
Un PPF dispose de deux types d'intervention terrain pour garantir un état de forme ou physique satisfaisant des joueurs. Il doit, d’une part, calibrer les charges physiques de l’entraînement technico-tactique et, d’autre part, proposer des entraînements spécifiques lorsque nécessaire. En effet, comme l’annonce Michel Pradet [6], le football ne propose pas toujours des situations qui permettent à certains paramètres physiques d’être suffisamment stimulés pour progresser. Ce moment survient simplement quand le joueur, respectivement l’équipe, ne progresse plus physiquement par le jeu. José Mourinho, l’ambassadeur de la périodisation tactique [7], donc un des fers de lance du tout intégré, le reconnaît lui-même [8]. À l’inverse, comme le football ne peut se réduire au seul physique, trouver et rechercher le juste équilibre, donc en cohérence, entre le tout intégré et le spécifique, c’est précisément une des tâches du PPF. Cela détermine et définit ses limites d’intervention, qui ne sont donc pas données a priori puisqu’elles dépendent des états fluctuants de forme physique des joueurs.
[1] Lire à ce sujet l'article de Jacques Hamel, Qu’est-ce que l’objectivation participante ? Pierre Bourdieu et les problèmes méthodologiques de l’objectivation en sociologie, Revue Socio-Logos, Editeur Association française de sociologie, 2008.
[2] Lire à ce propos https://fr.wikipedia.org/wiki/Gnothi_seauton. Page consulté le 29.03.2022.
[3] La vraie citation attribuée au célèbre entraîneur argentin Carlos Bilardo est « Un entraîneur qui gagne a toujours raison, l’entraîneur qui perd a toujours tort. ».
[4] Au sens du concept d’«habitus » proposé par le sociologue français Pierre Bourdieu, lire https://fr.wikipedia.org/wiki/Habitus_(sociologie). Page consultée le 17.09.2023.
[5] Lire à ce propos, l'évolution des différents concepts des qualités physiques dans l'intéressant article de Saïd Zerzouri, Historique des modèles de la performance sportive, 2006. Page consultée le 01.09.2023.
[6] Michel Pradet cité par Frédéric Aubert in « Approches athlétiques de la préparation physique ». Colloque formation continue – TOURS-Nord, samedi 23 mars 2002. Lire le livre fondamental ou de chevet de la préparation physique Michel Pradet, La préparation physique, INSEP-Edition, 1996, Paris.
[7] Pour prendre connaissance de cette philosophie d’entraînement, lire Damien Della Santa, La périodisation tactique, fondements et principes méthodologiques, Université de Caen, Staps, 8 décembre 2015.
[8] Collectif sous la direction d’Alexandre Dellal, De l’entraînement à la performance en football, Editions De Boeck, 2008.
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