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La sagacité... un critère de qualité de la préparation physique footballistique !

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 2 mars 2023
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 mai


Si le football est une pratique sportive, il est avant tout un jeu, à savoir «... non seulement l’activité spécifique qu’il nomme, mais encore la totalité des figures, des symboles ou des instruments nécessaires à cette activité ou au fonctionnement d’un ensemble complexe» [1]. Si je cite cette définition du sociologue Roger Caillois, outre l'intérêt sur ses écrits marquant sur le jeu et les hommes, c'est qu'elle contient l'attribut complexe qui sied particulièrement bien au football comme nous l’avons vu précédemment.


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Résumé audio de NotebookLM

Cette complexité n'a jamais empêché le football de progresser sans cesse aux niveaux tactique, technique, physique et mental. Assurément à cause de sa diversité, sa créativité, son universalisme et sa compétitivité, mais aussi grâce à la sagacité de ses acteurs.


Pour définir le terme « sagace » dans le contexte de la préparation physique footballistique, on peut se référer à ses nombreux synonymes. Selon le dictionnaire Larousse, cela revient à avoir du nez, de la perspicacité, du discernement, de la clairvoyance, de la subtilité, de la finesse, de la pertinence, de la psychologie, de la jugeote et finalement de l'intelligence.


Si j’ai choisi de discuter en premier du nez, c'est parce que c'est une qualité essentielle qui imprègne tout le football. À niveau d'information égal, c'est souvent lui qui fait la différence dans le coaching. Sur le plan technico-tactique, avoir du nez, c'est sentir instinctivement le jeu et deviner ainsi le déroulement du match dans les minutes qui viennent. Pour le PPF, c'est une qualité bien utile pour sentir les joueurs afin d'identifier leur état de forme, leur potentiel de progression, leur état d'esprit et leur disposition à l'effort. C'est également la possibilité d'évaluer la charge interne potentiellement supportable par les joueurs [2]. Depuis l'avènement du monitorage de l'effort footballistique, on essaie d'objectiver cette charge interne avec des outils comme les échelles de Borg ou de Foster qui mesurent la perception de l'effort [3]. Néanmoins, force est de constater qu'à l'instant T, le ressenti du PPF fera toujours la différence. Ce ressenti s'acquiert en passant des heures et des heures sur les terrains à observer, comprendre, réfléchir et à écouter activement à ce qui se passe devant soi.


Aujourd'hui, le football est devenu un marché économique à part entière, pesant annuellement quelque 500 milliards de dollars, soit l'équivalent des PIB de la Belgique ou encore de la Roumanie. Par cette importance financière qui dénote de son importance sociale, le football octroie de la notoriété, de la légitimité, du statut, de la reconnaissance… il n’est donc pas exempt de jeux d’influences et de pouvoir. Il revient alors aux PPFs d'être perspicaces afin de discerner quelle est leur place dans leur microcosme footballistique, pour comprendre, accepter et maîtriser leur contexte de travail.


Il n'y a pas de vérité absolue dans le football, et encore moins dans la préparation physique footballistique. Ce domaine est plutôt constitué par un cumul de vérités relatives qui se manifestent à l’occasion de contextes singuliers qu'il convient de découvrir pour faire la différence. Pour ce faire, la clairvoyance me semble indispensable. Je la résume par la locution verbale et la volonté d'Y Voir Plus Clair, c'est-à-dire de cultiver une vision profonde, large, longue, intense, nette et subtile de la préparation physique footballistique. Cette quête de clarté, par définition subjective, est guidée par le principe selon lequel « La méthode tient pour vérité ». En effet, sans vérité absolue, nous pouvons nous appuyer sur la méthode pour voir et agir de manière plus éclairée. Mais, cela suppose que cette méthode soit la nôtre, comme le souligne Olivier Pauly : «une méthode de travail qui ne se contente pas de copier des solutions que l’on met bout à bout sans logique particulière et surtout, sans buts précis.» [4] Ainsi, reproduire la méthode d'autrui sans la comprendre, ou sans l'adapter à son contexte, revient à mettre un plat pré-cuisiné dans son micro-onde … donc dénutri et insipide.


Dans le temps limité dont ils disposent pour maintenir ou développer les qualités physiques des joueurs, les PPFs doivent faire preuve d'un haut degré de compétence pour calibrer les charges d’entraînement. Cela signifie les fixer avec une grande finesse et subtilité, étant donné que les profils d'effort et de forme des équipes et des joueurs sont par définition hétérogènes. Ceci dans l'objectif d'entraîner la forme plutôt que la méforme de leurs équipes et de leurs joueurs.


Comme il n'y a pas de Vérité dans la préparation physique footballistique, je propose de monitorer sa performativité par le triangle managérial de Patrick Gibert [5]. En adoptant ce modèle, le PPF peut évaluer et régler en conséquence le degré de sa pertinence dans son utilisation des ressources pour atteindre les objectifs qu’on lui a assignés.


N'oublions pas que le joueur est le fondement même du football, un individu constitué d’une histoire de vie, d’envies, de besoins irrépressibles, d’ambitions ainsi que de contradictions. Pour rendre ce terreau fertile, il revient au PPF de faire preuve de psychologie. De plus en plus conscients de la fragilité et/ou de la subtilité humaine, les clubs s'offrent d'ailleurs aujourd'hui les compétences de spécialistes tels que des préparateurs mentaux ou des psychologues du sport [6].


Un PPF peut consacrer sa vie à lire, consulter et apprendre, tant les publications et nouvelles méthodes foisonnent de manière exponentielle. À tel point que des métalivres sur la préparation physique émergent, comme "L’encyclopédie de la préparation physique" [7] ou "La bible de la préparation physique" de Didier Reiss et Pascal Prévost [8]. Ces livres ne prétendent pas détenir la vérité absolue. Leur objectif est plutôt de recueillir et de répertorier les dernières avancées dans le domaine. Cela signifie-t-il que pour bien entraîner, nous devons obtenir un doctorat dans toutes les sciences du sport ? Avoir tout lu ? Tout vu ? Tout compris ? La connaissance est indéniablement importante, mais elle peut également devenir écrasante et nous paralyser de doutes. Tous les champs étant ouverts… on ne sait plus quoi faire-faire. Par où commencer ? A quel moment ? Par quel contenu ? Heureusement que le Gros Bon Sens Canadien ou la jugeote européenne nous sauve. Celle-ci embrasse l'idée que « savoir appliquer ce que l’on sait vaut plus que… tout savoir sans être en mesure de pouvoir l’appliquer », ce qui rejoint le proverbe chinois [9] qu'un PPF « qui ne sait pas, mais qui agit, ira toujours plus loin qu'un PPF qui reste assis à réfléchir pour essayer prétentieusement, mais vainement, de tout savoir ».


Pour conclure cette discussion, il semblerait que faire preuve de sagacité consiste principalement à remettre constamment en question sa pratique pour débusquer ses incompétences et repousser ses limites. Cette compétence semble être un signe d'intelligence.


[1] Roger Caillois, Les jeux et les hommes. Le masque et le vertige, Paris, Gallimard. 2003

[2] Si nécessaire le concept de charge externe (calibrage de l'exercice) et charge interne (coûts physiologique, métabolique, énergétique réels ou effectifs de l'exercice pour le joueur) a émergé au début des années 1990 à l’instigation de Georges Gacon. Lire à ce propos Georges Gacon, Signification et rôle de la fréquence cardiaque dans l’entraînement aérobie, CardiSport, Dijon, 1992.

[3] Lire notamment à ce propos l'article de Muriel Garcin Utilisation des échelles de perception dans le contrôle de la charge d'entraînement in Les Cahiers de l'INSEP, n°33, 2002. La charge de travail en sport de haut niveau, sous la direction de Didier Lehénaff et Philippe Fleurance ou encore l'article de Didier Delignières, La perception de l'effort et de la difficulté in Cognition et performance sous la direction de Jean-Pierre Famose, éditeur INSEP, 2018.

[4] Olivier Pauly, Posture et gainage, Santé et performance, Editions de Boeck, 2016 p.79.

[5] Patrick Gibert, Le contrôle de gestion dans les organisations publiques. Paris, Editions d'Organisation, 1980.

[6] Si les préparateurs mentaux sont de plus en nombreux dans le domaine, cela peut-être une véritable politique d’encadrement de club à l’exemple de Young Boys dont les joueurs peuvent faire appel aux compétences de Nicole Peterer spécialiste en coaching mental qui intervient aussi auprès de joueurs issus de clubs qui disputent régulièrement les phases finales de la Champions League.

[7] L’encyclopédie de la préparation physique sous la direction de G. Gregory Haff et N. Travis Triplett, Editions National Strenght and Conditioning Association et 4Trainer, 2020.

[8] Didier Reis, Pascal Prévost, La bible de la préparation physique, le guide scientifique et pratique pour tous, Editions Amphora, 2017.

[9] Que la presse sportive romande attribue un peu trop vite à la verve d’un célèbre dirigeant valaisan.

 
 
 

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