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Qu’on se le dise, 25 km/h n’est pas du « sprint »

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 26 nov. 2024
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 sept.

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Parmi les nombreux aspects ayant évolué ces dernières années dans la préparation physique footballistique, l’analyse des performances physiques des joueurs a pris une place de plus en plus centrale. Grâce à des technologies telles que les GPS et les capteurs de mouvement, il est désormais possible de quantifier la vitesse des joueurs, la distance parcourue et de suivre en temps réel l’intensité de leurs efforts.


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Résumé audio de NotebookLM

Mais lorsque les concepteurs des logiciels de captation des efforts définissent un « sprint » comme une vitesse de 25 km/h et plus, il est légitime de se demander s’ils comprennent véritablement les exigences physiques actuelles du football et s’ils ont mesuré les conséquences d’un tel paramétrage sur l’entraînement physique footballistique.

 

La définition du mot « sprint »

Si l’on accepte que les mots aient un sens et que leur définition cadre nos actions et oriente nos réflexions communes, il est de la responsabilité des figures d’autorité (scientifiques, formateurs, concepteurs de logiciels, etc.) de les manier avec précaution et objectivité [1]. Sinon, le risque est de dévoyer leur sens, ce qui peut induire des perceptions erronées de ce qui doit être entraîné ou réalisé. Ce biais peut même conduire à de faux paradigmes d’intervention en alimentant trompeusement les représentations et les imaginaires collectifs.

 

Dans ce contexte, une définition autorisée en langue française d’un « sprint » est celle du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : « une brève période de pleine vitesse au cours d’une épreuve sportive ou constituant une épreuve sportive. » Autrement dit, un sprint est un déplacement à vitesse maximale, ou ce n’est pas un sprint !

 

Le niveau maximal et la modalité d’expression de la vitesse footballistique

Les rapports détaillant les performances des joueurs mentionnent le nombre de kilomètres et/ou de mètres parcourus à une certaine vitesse. Mais cela devient déroutant lorsqu’ils classent un déplacement à 25 km/h et plus comme un « sprint ». OUI, pour un marathonien, mais, NON, pour un footballeur !

 

Cette référence est à dissocier complètement des performances physiques des joueurs. Ces derniers atteignent en sprint des vitesses bien supérieures. Des mesures effectuées sur Cristiano Ronaldo ou Kylian Mbappé ont montré qu’ils pouvaient dépasser allégrement les 38 km/h. Ces pointes de vitesse doivent être mises en perspective avec celle d’Usain Bolt, qui, lors de son record du 100 m, a atteint 44,72 km/h, ou encore avec la finale féminine des Jeux de Paris 2024, où Julian Alfred a atteint 38,7 km/h en maintenant cette vitesse sur 30 mètres.

 

Pour se donner une idée, sans tenir compte, en application du principe toutes choses étant égales par ailleurs [2], d’autres variables susceptibles d’influencer l’analyse, si on considère que 38Km/h correspondent à 86% de la vitesse maximale de Bolt, les résultats de Ronaldo ou de Mbappé sur 100m seraient de 11,00s électrique [3]. Cependant, comme ils ne sont pas entraînés pour maintenir techniquement et métaboliquement leur vitesse maximale le plus longtemps possible, ou en endurance-vitesse, leurs temps se situent probablement autour de 11,30s ou plus. À titre comparatif, ces valeurs correspondent à des performances athlétiques de niveau régional, voire local. Toutefois, il est à noter que si Ronaldo et Mbappé « se prennent » plus de 20m sur un 100m effectué avec Usain Bolt, ils sont beaucoup plus compétitifs face à lui sur des distances allant de 0m à 20m. C'est heureux, puisque c'est justement leur terrain physique de jeu.

 

Cette cartographie des vitesses footballistiques signifierait que :

  • Les joueurs valant potentiellement entre 11,00s et 11,50s sur 100m peuvent être considérés comme très, très rapides. Cela représenterait, selon moi, 10%, de tous les joueurs.

  • Ceux valant potentiellement entre 11,50s et 12,00s sur 100m sont « normalement rapides », c’est-à-dire que grâce à un vrai entraînement de leur vitesse maximale, ces joueurs ont les qualités naturelles de vitesse suffisante pour jouer physiquement en Ligue des Champions sans être dépassés par le rythme. Cela représenterait, toujours selon moi, 80% de tous les joueurs.

  • Enfin, ceux valant potentiellement au-delà de 12,00s sont lents. Ils représenteraient les derniers 10%. S’ils jouent néanmoins dans le football professionnel, cela signifie qu’ils sont dotés de talent technico-tactique hors norme pour compenser leur déficit de vitesse. On devine ici ce qu'il adviendrait de ces talents avec des entraînements de vitesse footballistique bien menés.

 

Si j'évoque ces chiffres, c’est pour montrer que tous les joueurs normalement constitués sont potentiellement capables d’atteindre les 11,50s sur 100m. Beaucoup en sont très loin. La seule explication plausible semble être que leur vitesse maximale n’est simplement pas suffisamment, voire pas du tout, ou mal stimulée.

 

Ces comparaisons et ces réflexions sont juste indicatives et donc ne tiennent pas pour Vérité. Mais elles ont le pouvoir de nous aider à comprendre que ce qui fait foi dans le football, ce sont les qualités des accélérations des joueurs. Ainsi, un joueur qui vaut 12,00s sur 100m, dont la vitesse de pointe est de plus ou moins 32km/h, peut être plus rapide sur 20m qu’un joueur valant 11,50s, dont la vitesse de pointe est de plus ou moins 34km/h, parce qu’au bénéfice d’une meilleure accélération.

 

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L’indicateur des qualités des accélérations est leur design des montées du taux de vitesse. Si Usain Bolt a passé plus de 20 ans à régler son accélération plusieurs fois par semaine avec un minimum de contraintes en répétant inlassablement des 40m départ arrêté selon un design linéaire de progression de sa vitesse pour optimiser sans précipitation ses capacités de vitesse, dans le football ce sont les incertitudes du jeu qui offrent des occasions ou des espaces d’accélération. Outre l’animation du jeu, la position du joueur influence fortement son design des montées de son taux de vitesse. Un milieu central doit être en capacité de se libérer d’un marquage ou prendre les espaces selon des accélérations courtes et très fortes, ou compressées, soit sur 0m à 5m ou 10m alors qu’un ailier doit être en mesure d’accélérer plus longtemps, soit de 0m à 20m-30m pour prendre les espaces que le jeu lui offre.

 

Pour comprendre, si nécessaire, ce qu’est mathématiquement et techniquement une accélération, je vous invite à parcourir le blog de Gilles Marambaud. Dans ce cadre, ce sont les designs de la montée du taux de vitesse qui permettent d’en établir des protocoles d’amélioration correspondants aux qualités et à la position du terrain du joueur. Cela implique que les logiciels de captation des efforts doivent mettre en relation les niveaux de vitesse avec la distance parcourue lors de chaque accélération. Ceci afin que l’on visualise les pentes d’accélération de la vitesse des joueurs. Or ces logiciels indiquent généralement et seulement le nombre d’accélérations à différentes intensités, soit plus de 3ms2 ou plus de 4ms2 par exemple. Ces valeurs nous informent sur la capacité des joueurs à répéter des accélérations à un certain niveau d’intensité, mais pas sur leur qualité d’exécution. Ce que je cherche alors à savoir en tant que préparateur physique footballistique (PPF), c’est si les designs de la montée du taux de vitesse d’un joueur correspondent à ce que le jeu lui demande en fonction de son poste et/ou s’il est en capacité d’accélérer plus, mieux et au bon moment pour résoudre ou dominer les situations de ce jeu ?

 

On comprend bien ici que fixer une valeur de 25Km/h et plus comme un « sprint » n’a pas de sens si on considère que le football est désormais un sport de vitesse. Sauf si on la met en relation avec une distance parcourue. Ainsi, une vitesse de 25km/h atteinte en 5m signifie un très haut niveau d’accélération, alors que si elle est atteinte après 10m, c’est l’inverse.

 

Si on tient compte des réflexions ci-dessus, ce paramétrage à 25km/h devrait déjà être relevé au minimum à 30Km/h. Dans ce cadre, si 25km/h ont été évalués comme des « sprints », cela signifie, par supposition, que les personnes qui l’ont fixés n’ont jamais véritablement sprinté dans leur vie ou encore qu’ils perçoivent la vitesse footballistique selon une sensibilité d’endurance et non de vitesse. Je regrette que les chercheurs et les auteurs ne le soulignent pas sachant que cela à des conséquences sur l’entraînement de la vitesse footballistique.

 

Cette mauvaise appréhension de ce qu’est un sprint ne serait pas grave si sa diffusion ne construisait pas la perception générale de ce qu’est la vitesse footballistique. Aujourd’hui, malheureusement, ces 25km/h influencent trop souvent le calibrage des intensités des stimuli des exercices de vitesse et la compréhension de ce qu’est la vitesse footballistique. C’est certainement ce qui explique en partie que je doive perpétuellement corriger vers le bas les perceptions de mes interlocuteurs, même footballistiquement prestigieux, des niveaux de vitesse footballistique des joueurs selon le dialogue suivant ; Oh, regarde Xavier comme ce joueur est vite ! Désolé, mais ce n’est pas le cas. Ce sont les joueurs qui l’entourent qui sont lents et ta perception de ce qu’est la vitesse footballistique qui te fait dire cela. Ce joueur pourrait se déplacer beaucoup plus vite avec un vrai entraînement de vitesse footballistique, ce dont visiblement il ne bénéficie pas puisqu’il est actuellement lent en fonction de son potentiel niveau de vitesse. »  

 

Quand j’évoque que la vitesse doit être entraînée par la vitesse, cela signifie que celle-ci doit être maximale dans le sens que le design de son taux de la montée de vitesse doit avoir la pente la plus élevée possible tout en répondant simultanément aux critères de la pertinence, de l’efficacité et de l’efficience pour répondre performativement aux situations footballistiques rencontrées et maîtriser techniquement le ballon. Selon le principe « qui peut le plus, peut le moins », un entraînement de la qualité de la montée de la vitesse sur un mode maximal tire ainsi vers le haut tous les autres niveaux de vitesse, ce qui permet de mieux la réitérer.

 

Pour conclure cette discussion, j’invite les PPFs et les entraîneurs à ne pas prendre pour parole d’évangile les paramétrages de la vitesse footballistique. Mais de questionner les valeurs maximales de leurs joueurs selon leurs profils physiques ainsi que leurs postes sur le terrain et surtout des distances qu’ils parcourent en fonction de leur temps d’exécution. Cela implique d’oublier définitivement ce paramétrage à 25 km/h pour appréhender la vitesse footballistique et la stimuler par des vraies accélérations de sprint, soit par des déplacements à vitesse maximale. C’est d’autant plus important que c’est exactement ce que l‘évolution en saccade de l’intermittence du football demande physiquement aux joueurs. Ils doivent désormais être en capacité de prendre les espaces le plus rapidement et fortement, donc le plus intensivement possible, par la réitération d’accélérations variables en distance, mais en ayant la possibilité de l'élever au niveau maximal maximales... pour faire des différences gagnantes !

 

[1] Par objectivité, j’entends selon Pierre Bourdieu, que celui qui discute d’un sujet explique son rapport, sa compréhension, sa représentation et sa perception de cet objet afin de tenir constant cette subjectivation et ainsi de pouvoir analyser en toute objectivité l’objet discuté. Lire à ce propos, Jacques Hamel, Qu’est-ce que l’objectivation participante ? Pierre Bourdieu et les problèmes méthodologiques de l’objectivation en sociologie, in Revue Socio-Logos, numéro 3 2008.

[2] Cela signifie que l’on ne tient pas compte dans cette analyse du fait que les joueurs doivent en plus gérer un ballon, des adversaires et être dans le timing du jeu et que les techniques de courses des joueurs et des sprinters diffèrent considérablement. Il est certain que cela interfère négativement sur la vitesse de pointe des joueurs. Il faut toutefois relever que Ronaldo et Mbappé lorsqu’ils ont été flashés n’étaient pas en conduite de balle, mais plutôt dans des prises d’espace qu’il s’agissait d’investir avec vigueur en 1 ou 2 touches de balle.

[3] Pour information technique, on rajoute 24 centièmes de seconde à des temps pris manuellement par des experts de la chose pour les convertir en valeur électrique. Cela signifie qu’un temps manuel de 11,00s sur 100m correspond à un temps électrique de 11,24s.

 
 
 

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