L’évolution de l’effort footballistique ; une intermittence de plus en plus saccadée
- xavierblanc

- 16 oct. 2024
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 sept.

Le football, reconnu comme un sport intermittent depuis le début des années 2000, tend aujourd’hui vers un profil d’efforts de plus en plus saccadé, c’est-à-dire brusque, irrégulier et soudain. Cette évolution traduit une transformation profonde dans la manière dont le jeu est pratiqué, analysé et compris. Elle résulte à la fois des innovations tactiques et des progrès en préparation physique footballistique.

L’intermittence comme caractéristique rythmique du football
L’intermittence désigne l’« alternance rythmique entre des phases d’intensité élevée, comme les accélérations, les sprints et les actions offensives et des moments plus calmes où le ballon circule lentement, permettant aux joueurs de se repositionner et de récupérer ». La maîtrise de cette alternance est déterminante, car elle conditionne la capacité à créer et exploiter des opportunités de jeu.
Plus encore que d’autres sports collectifs plus rigides tactiquement, comme le basket-ball, le volley-ball ou l’extrême, le football américain, le football vit des opportunités laissées par le jeu, ce qui demande de fait de grande qualité de spontanéité pour les saisir. Une récupération imprévue, un appel dans le bon espace ou un geste individuel peuvent à tout moment changer le cours du match.
La saccade comme nouvelle forme d’intermittence
Depuis une dizaine d’années, cette intermittence footballistique s’oriente vers une dynamique plus saccadée, marquée par des changements plus fréquents de vitesse en niveau et en variation, une réactivité musculaire accrue et une densification des séquences à intensité maximale. Sur le plan tactique, le « gegenpressing » développé par Jürgen Klopp à Liverpool en est une illustration. L’équipe réagit immédiatement à la perte du ballon, déclenchant un pressing collectif dense et exigeant. De manière complémentaire, le Manchester City de Pep Guardiola alterne des phases longues de possession et des accélérations soudaines dans le dernier tiers du terrain.
Enjeux pour la préparation physique footballistique
Cette intensification des variations de rythmes de jeu n’aurait pas été possible sans l’évolution des méthodes d’entraînement. Les joueurs répètent désormais des efforts de haute intensité grâce aux protocoles d’endurance intermittente (VMA, HIIT). Ce type de préparation a amélioré considérablement les facultés de récupération entre les prises des espaces, compétence essentielle pour répondre aux exigences du jeu.
Cependant, ces méthodes, centrées sur l’endurance aérobique et la répétition d’efforts, stimulent peu les fibres rapides nécessaires à la vitesse maximale. Or, c’est cette vitesse maximale qui constitue désormais la clé de la performance footballistique. L’entraînement physique footballistique doit donc conjuguer stratégiquement le développement de la capacité à répéter des accélérations et d’élever autant que faire se peut la vitesse pure des joueurs.
Pour répondre à ces contraintes, mais aussi pour peser sur le jeu, je propose que l’entraînement physique footballistique intègre la notion de « timing d’effort ». Un timing efficace améliore la prise d’espace, conditionne la qualité des duels et permet de surprendre l’adversaire. Cette compétence repose à la fois sur des déterminants cognitifs (anticipation, lecture du jeu) et physiques (coordination, vitesse, explosivité).
L'entraînement physique du timing d'effort
Le timing physique d'effort, « c'est l'art de mobiliser et de doser son énergie musculaire pour l'appliquer au bon moment, au bon endroit et à la bonne vitesse à la situation footballistique». Il s'agit, avec ou sans ballon, d'accélérer, de ralentir, de changer de direction ou de sauter au moment opportun pour faire déjouer l'adversaire et/ou se créer l'espace de jeu voulu. Un timing parfait permet de surprendre l'adversaire, de gagner un duel ou d'avoir le décalage nécessaire pour se retrouver en position de frappe.
Il est entendu que si les joueurs savent anticiper les actions de l'adversaire et à ajuster leurs efforts en conséquence, ils joueront tout simplement mieux ou au plus près de leur talent footballistique. La qualité cognitive, qui conditionne en grande partie la qualité de la réactivité de la prise d’espace, s’entraîne pour moi lors et par les exercices d’entraînements technico-tactiques sans oublier « qu'un cerveau sans pattes ne va pas bien loin ». Pour son volet physique, ou moteur, un timing d’effort, pour prendre d’à-propos les espaces de jeu, s’améliore par des entraînements de coordination, de la vitesse maximale, de la mobilisation performante de l’énergie musculaire tout en maintenant un haut niveau d’alacrité des joueurs.
L’entraînement de la coordination
Plus un joueur sera fluide, moins il rencontrera de problèmes fonctionnels pour exécuter la gestuelle footballistique qu’il désire au moment qu’il choisit ou qu’il est contraint d’effectuer. Cette fluidité s’obtient par l’amélioration de sa coordination par harmonisation corporelle et optimisation technique de sa gestuelle footballistique.
L’harmonisation corporelle vise à limiter les déséquilibres musculaires et à donner la liberté articulo-musculaire suffisante afin que le joueur ne soit pas limité dans ses mouvements conscients, ou inconscients, contraints corporellement et souvent malvenus, c’est-à-dire qui brouillent la qualité de la gestuelle footballistique et même l’empêchent. Cette harmonisation est obtenue in vivo par les entraînements de la mobilité ainsi que les optimisations techniques des déplacements cycliques et acycliques. Le but est d’améliorer le synergisme intermusculaire des joueurs en généralisant leur coordination fine.
L’entraînement de la vitesse maximale
Comme le football est devenu un sport de vitesse, j’entraîne la vitesse maximale footballistique :
- selon le principe fondamental que la production de la vitesse maximale consiste d’abord à se décontracter musculairement pour mieux se contracter par la suite
- en aiguisant la qualité des capteurs sensoriels par entraînement proprioceptif, puisque plus ses capteurs seront perceptifs, plus le joueur pourra affiner sensoriellement sa gestuelle footballistique
- en promouvant une mentalité vitesse, c’est-à-dire en faisant comprendre, et par là accepter, qu’une production performante de la vitesse est du domaine du facile. Cela exclut une production première de la vitesse maximale par la force qui force les mouvements en les crispant. Pour obtenir cette facilité, l'idée est que le joueur automatise bien la production de sa vitesse maximale, au même titre qu’il ne demande pas à son corps de respirer, afin de faire vivre son football avec sa spontanéité et son instinct.
L'entraînement de la mobilisation de son énergie musculaire
Je l’ai écrit, la mobilisation réactive de l'énergie musculaire passe par une anticipation et une compréhension du jeu. Outre cet aspect cognitif, qui ne sert à rien si on n’a pas les moyens physiques correspondants pour le concrétiser sur le terrain, j’entraîne la qualité de la mobilisation de l’énergie musculaire :
- en demandant d’accompagner les débuts des moments d’efforts par des expirations profondes et brèves à l’image des lanceurs en athlétisme qui accompagnent leur jet par de puissants cris gutturaux. Pour exercer l'automatisme d'un déclenchement d'effort par expiration, les exercices de musculation, plus particulièrement ceux en stato-dynamiques, s’y prêtent particulièrement bien
- par une haute et systématique activation des 3 premiers appuis quel que soit leur intensité dans l'idée d’autonomiser réactivement, mais aussi d'optimiser techniquement la prise active des espaces
- par des jeux de variation de déplacements cycliques qui améliorent la rapidité et la fonctionnalité des changements de rythme par modulation des vitesses en séquences vite-lent-vite ainsi que par la variation des fréquences et des amplitudes de foulée pour être au rendez-vous que le jeu demande
- en cherchant à ce que les joueurs puissent maitriser l'énergie cinétique de leurs masses en mouvement par un renforcement corporel en X
La préservation de l’alacrité
Un joueur fatigué perd par définition en lucidité, en coordination réactive et ne bénéficie pas d’une récupération inter-effort complète. Cela rend plus difficile la mobilisation de son énergie musculaire pour prendre les espaces de jeu parce que d’une part il n’en a plus et, d’autre part, il n’a pas la fraîcheur neuromusculaire pour le faire. L’idée est donc de préserver l’alacrité du joueur :
- en appliquant une gestion des charges modulée par le principe de la surcompensation modérée constante
- en mettant en place des mesures de récupération et de régénération
- en incitant le joueur à prendre soin de ses santés physique, mentale, affective et sociale
Conclusion
Le football contemporain n’est plus seulement intermittent. Cette intermittence se saccadent de plus en plus soit dont les efforts sont plus brusques, plus soudains et plus irréguliers. Les innovations tactiques (contre-pressing, transitions rapides), les exigences physiques (répétition d’efforts intenses, vitesse maximale) et les progrès en préparation athlétique expliquent cette mutation.
Pour répondre à ces exigences, l’entraînement physique footballistique doit donc conjuguer travail de vitesse maximale, endurance intermittente, optimisation de la coordination et gestion de l’alacrité. Le tout dans une logique de timing d’effort, qui relie la dimension physique à la dimension cognitive du jeu. Les joueurs capables de moduler leur vitesse maximale, de répéter les séquences de jeu intensives tout en restant lucides et coordonnés, incarnent le football d’aujourd’hui : un football fait de ruptures, de réactivités et d’accélérations soudaines.





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