La pertinence de son entraînement physique footballistique !
- xavierblanc
- 6 oct. 2023
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Dernière mise à jour : 10 juin

Pour qu’un entraînement soit performant, il doit être pertinent. En d'autres termes, il doit répondre positivement en tout temps et en tout lieu à la question suivante : les moyens d'entraînement que j'utilise, ou dont je dispose, sont-ils appropriés pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de mon entraînement physique footballistique ? Répondre à cette question, c'est en premier lieu identifier les moyens nécessaires pour entraîner physiquement le football. Puis, dans un second temps, de les discuter pour comprendre, et ainsi découvrir, en quoi et comment, ou à quelles conditions, ils produisent de la pertinence d'intervention.

Dans cet essai, les termes « moyens » et « ressources » sont interchangeables. Ainsi, les moyens/ressources se subdivisent, selon les grandes catégories managériales, en matériels, immatériels, humains et financiers. Les matériels sont dits tangibles parce que l'on peut concrètement les toucher. Lorsque cela n'est pas le cas, ils sont intangibles et/ou immatériels. Les moyens humains incluent les différents employés ou personnels, tandis que les moyens financiers englobent tous les actifs tels que les liquidités, les placements, les créances, etc. Dans cet essai, je choisis d'exclure les moyens financiers en raison de leur faible impact sur la qualité des interventions sur le terrain. En effet, il est peu probable, ou du moins, je l’espère, qu'un PPF module la qualité de ses interventions en fonction de sa rémunération, même si celle-ci peut constituer un facteur de motivation au travail. Par ailleurs, je considère les moyens humains comme des ressources immatérielles, car les prestations d’un PPF sont principalement constituées par ses interactions relationnelles d'entraînement avec les joueurs. Elles sont donc intangibles.
Pour les moyens/ressources matériels, il en existe plusieurs types que j'ordonne en fonction de leur nécessité. Tout d'abord, il y a les infrastructures, les ballons prêts à l'emploi et en quantité suffisante, les chasubles, les (petits) buts, les assiettes et les cônes, les piquets, les mannequins... Ensuite, il y a des outils plus sophistiqués tels que les outils informatiques (vidéo, GPS, accéléromètres, données...). En sus, il y a des équipements spécifiques utilisés pour dispenser des entraînements isolés, tels que les haies et les équipements des salles de musculation. Je ne m'attarde pas davantage sur ces moyens/ressources matériels, car pour préparer physiquement des joueurs pour le plus haut niveau, il suffit juste d'un espace, d'assiettes et de ballons. Attention, toutefois, aux caractéristiques des moyens/ressources matériels, même basiques, parce qu'elles peuvent grandement influencer les adaptations physiques recherchées par le PPF. Par exemple, un sol synthétique est plus approprié pour entraîner la vitesse footballistique, parce que plus réactif, qu'un sol en herbe meuble. Il en va de même pour les chaussures à crampons. Plus elles sont souples, plus les pieds des footballeurs pourront s'adapter au sol et assurer un retour performant à l'équilibre corporel. En respect de mon critère de qualité de la sobriété, cela signifie que toute utilisation de matériel qui n'a pas pour but d'augmenter directement la qualité des stimuli d'entraînement physique ne peut pas être qualifiée de pertinente. Reste à discuter, les moyens/ressources immatériels que je subdivise en deux catégories. La première comprend les compétences du PPF que je fractionne en savoir-faire et être. Je retiens, pour la seconde, le temps et l'information.
Le savoir-faire du PPF comprend les connaissances théoriques et pratiques d'entraînement. Comme l'entraînement physique footballistique relève davantage de l’art que de la science, je privilégie les connaissances pratiques aux connaissances théoriques. Cela ne signifie pas pour autant que les PPF sont totalement libres de leurs actions. Ils doivent suivre les règles de l'Art. Comme je l’ai annoncé précédemment, pour cerner et/ou découvrir son savoir-faire, je propose que le PPF fasse l'effort de l'organiser en formalisant expressément son concept d'intervention physique footballistique. Cette étape est fondamentale puisque tout faire-faire sans priorité revient potentiellement à ne rien faire-faire. Le choix d’un positionnement ainsi que sa déclinaison en interventions de terrain impliquent prioritairement que pour être pertinents, les entraînements d'endurance, de force et de vitesse s'entraînent spécifiquement et respectivement par des stimuli d'endurance, de force et de vitesse. Si vous pensez que l'écrire revient à enfoncer des portes ouvertes, cela signifie que vous ne réalisez pas à quel point il est rare que les exercices de stimulation de la vitesse footballistique proposés sur nos terrains respectent le niveau d'intensité maximale qu'elle demande pour être améliorée. Ainsi, mille fois hélas, il m’arrive trop souvent d'observer que la vitesse footballistique est entraînée par des stimuli d'endurance… donc n’est, au final, pas entraînée. Dans ce cadre, comme le physique est le socle de tout l'entraînement footballistique puisqu'il en détermine les charges, quels qu'en soient les thèmes, je ne conçois pas une collaboration fructueuse entre un entraîneur et un PPF sans une appréhension commune de ce qu'est le physique footballistique. Dans les faits, cette concordance se construit par des affinités, une sensibilité et une expérience communes, mais rarement sur une réflexion stratégico-technique sur le statut et le contenu de l’entraînement physique du football. Cette absence de réflexion engendre des erreurs de casting, ou des engagements inadéquats de PPFs par mauvaise appréciation de leur savoir-faire.
Techniquement, la pertinence du savoir-faire du PPF s'évalue sur sa capacité à concrétiser en cohérence et en sobriété son positionnement stratégique en exercices terrains. Cette concrétisation est qualitative quand elle vise à améliorer fonctionnellement la gestuelle footballistique. Elle est quantitative, lorsqu’il s’agit de calibrer les charges d’entraînement. Pour ma part, j’utilise l'outil de la posturologie pour comprendre qualitativement la production de la gestuelle footballistique. Cela nourrit les règles d'exécution technique de mon EVF. Le calibrage des charges s'inscrit dans une double logique de concordance avec un positionnement stratégico-physique. La première logique concerne la nature des stimuli des charges. Ainsi, par exemple, si l'option stratégique physique d'un PPF est la vitesse, il se doit en concordance de moduler ses charges d'entraînement sur les états neuromusculaires des joueurs. Ce critère demande, à l'instar des tenants de la périodisation tactique, de veiller, par une intrication hebdomadaire positive des charges d'entrainement et des moments récupération, à ce que l'alacrité des joueurs soit au plus haut lors des exercices de vitesse. La seconde logique concerne la maitrise des volumes des charges. Toujours dans la même optique vitesse, j’étends progressivement par intermittent RSA la capacité des joueurs à répéter des accélérations maximales de 20m pour atteindre un volume total de 400m.
La prestation « entraîner » se constitue par interactions relationnelles asymétriques. Par sa fonction, l'entraîneur a les pouvoirs de décider qui joue et de dicter le système de jeu. Ces pouvoirs obligent déontologiquement l'entraîneur d'être doté de compétences sociales, ou de savoir-être, adéquates telles que la bienveillance, la compréhension, l'éthique, l'exigence, la fiabilité, l'intégrité. Sous peine d'être vite rejeté par son groupe de joueurs. Outre ce « savoir-être compétences sociales », l'entraîneur doit être en capacité de coacher, c'est-à-dire « ... de faire découvrir, d'éclairer, de mobiliser plus de lucidité quand il s'agit de prendre des décisions. Le coach n'est pas un thérapeute : son écoute fonctionne en miroir pour aider l'intéressé à se situer en fonction de ce qu'il veut (qu'il doit clarifier), ce qu'il peut (ses aptitudes et ses compétences) et ce dont il dispose (son vécu, son histoire personnelle) » [1]. Comme le football, c'est de l'émotion en mouvement, un coaching PPF n’est pas envisageable sans empathie, c’est-à-dire la capacité de ressentir les tensions émotionnelles qui limitent corporellement la libération qualitative et quantitative de l'énergie vitale des joueurs en « énergie mécanique football ». Plus concrètement, cela signifie que le PPF doit pouvoir diagnostiquer dans un premier temps les modalités de la production physique de la gestuelle footballistique d’un joueur en fonction de sa personnalité pour, dans un second temps, mettre en place, si nécessaire, les mesures d'optimisation adéquates. Pour ce faire, l'empathie est une compétence de savoir-être nécessaire à détenir, qu’il ne s'agit pas de confondre avec la sympathie, qui est un attachement affectif. Comme l’outil du PPF pour débloquer les joueurs est son ressenti des tensions qui les habitent, cela suppose qu'il soit sensible à l'autre. Le niveau de cette sensibilité peut se mesurer par sa capacité à s'émouvoir, ou être touché, par le beau geste footballistique. Si la gestuelle footballistique, le succès, les honneurs appartiennent aux joueurs, j’avoue qu'arriver à les débloquer, ou à les fluidifier physiquement, pour qu'ils puissent exprimer tout leur talent footballistique est ma principale motivation à les entraîner. Quels que soient le niveau des joueurs et leur âge, lorsque cela commence « à le faire » au détour d'un exercice ou d'une action de match, c'est tout simplement kiffant et gratifiant. Non seulement je vibre à l'exécution de ces beaux gestes, mais j’ai en plus la satisfaction valorisante de penser que j'y suis pour quelque chose en ayant suscité l'accouchement, en paraphrasant la maïeutique socratique, des capacités physiques des joueurs. Mais cette empathie ne doit pas être dévoyée en devenant de la sur-empathie et de l’instrumentalisation.
Une sur-empathie, c’est un transfert psychique par appropriation des émotions des joueurs. Cela ouvre la porte à des projections et des appropriations émotionnelles malvenues dans le sens qu’elles n’appartiennent plus aux joueurs. On le remarque lorsque les entraîneurs parlent des sportifs qu’ils entraînent en utilisant le vocable « on », comme s’ils avaient eux-mêmes produit le geste gagnant. À l'inverse, les joueurs doivent être conscients qu'un PPF est un guide qui œuvre dans le cadre d'un apport technique. À l’instar de l’enseignement du philosophe Apolonuis, « il montre le chemin mais ne le donne pas ». De plus, le PPF n'est pas un thérapeute comme annoncé précédemment. S'il intervient émotionnellement sur les corps, il ne lui revient pas de soigner les âmes. À ce titre, je l’invite à orienter les joueurs dont le football révèle leur mal-être vers des spécialistes certifiés. L'instrumentalisation est autrement problématique parce que sous couvert d'entraînements altruistes, certains entraîneurs utilisent les joueurs pour atteindre uniquement leurs objectifs personnels. C'est humain et acceptable lorsque ces objectifs profitent à l'entraîneur et au joueur. C'est détestable et éthiquement insoutenable lorsque cela met en péril les intégrités physique et psychique des joueurs. Pour s'en protéger, le PPF et le joueur doivent être clairs sur leurs motivations et fixer ensemble les objectifs, l'étendue, la rétribution et le contenu de la mission, tout en ayant pour objectif final de rendre le joueur physiquement autonome.
Le savoir-faire d'un PPF ne vaut rien si son savoir-être ne comprend pas une capacité entraînante, c'est-à-dire la capacité à bien mettre en mouvement les joueurs. Tout le monde est d'accord sur le fait que le physique n'est pas la composante la plus appréciée du football. L'enjeu est alors que le physique ne soit plus perçu comme une charge mentale pour les joueurs, mais comme un moyen pour qu'ils puissent exprimer tout leur talent. Je tente de le faire en expliquant systématiquement le pourquoi de ce que je leur demande de faire afin, qu'à terme, ils s’entraînent physiquement sans « effort motivationnel ». Mon but ultime est que les joueurs deviennent des experts physiques d'eux-mêmes, c'est-à-dire qu'ils soient en mesure d'exprimer et d'identifier leurs besoins. Il est entendu qu'une bonne réputation, la considération du milieu optimisent cette capacité entraînante. Mais il est nécessaire d'en être digne à tout moment et en toute circonstance par ses compétences, sous peine d'être très vite destitué de son piédestal par un « retour de ballon ». Partant du principe qu'un PPF est un créateur et un libérateur d'énergie, il se doit lui-même d'être énergétique, donc d’être, lui aussi, en santé pour être entraînant. Autrement dit, être passionné, convaincu, enthousiaste, galvanisant, serein, curieux, impliqué, concerné et motivé par sa mission en prenant soin de soi.
Outre les savoir-faire et être du PPF, ce dernier doit disposer d'un espace-temps minimum pour effectuer sa mission. La complexité du football, ainsi qu'une mauvaise appréhension de ce qu'est le physique footballistique, l'en privent trop souvent. Aujourd'hui, le temps qui lui est accordé ressemble davantage à un lot de consolation qu'à la véritable considération que mérite cette composante à part entière du football. Je l’ai déjà dit en introduction, le négliger, c'est donc négliger le football. Mais même dans le cas où la dimension physique du football est respectée, le temps manquera toujours pour que le PPF puisse l'entraîner correctement. En effet, un joueur dispose d'un temps hebdomadaire très réduit pour bonifier son physique puisqu'il doit avant tout récupérer du match précédent tout en cherchant à être « frais » pour le match suivant. C'est ce qui m’incite à écrire qu'un développement physique footballistique pour un joueur en activité prend 3x plus de temps qu'un joueur qui ne compète pas. On constate bien ici que si un PPF n'intègre pas dans ses interventions la dimension temps, elles ne peuvent pas être pertinentes. À lui d'optimiser cette dimension temporelle en cultivant l'efficience de chacun de ses exercices.
Savoir-faire et être et disposé du temps nécessaire, c'est bien, mais il est tout aussi important d'alimenter l’ensemble par de l'information. Il incombe à chaque PPF de recueillir l'information pertinente lui permettant de bien calibrer ses interventions. Ainsi, un entraînement axé sur la vitesse footballistique nécessitera de savoir si les joueurs disposent du dynamisme ou d'un état neuromusculaire suffisamment « frais », pour exécuter à la bonne intensité les exercices à venir. Sans quoi, cet entraînement ne produira pas les effets souhaités. Pour sa part, un entraînement type endurance, cherchera à savoir si les joueurs sont métaboliquement prêts, c'est-à-dire s'ils ont suffisamment recouvré leurs réserves glycoliques. Enfin, pour un entraînement type force, on veillera à ce que les joueurs aient un niveau hormonal satisfaisant.
Bien que le testing des joueurs soit à la mode dans le football, c'est pour moi le match dans son ensemble qui fournit les informations les plus pertinentes. En effet, une information ne vaut que si elle est contextualisée. Par exemple, parcourir 12,5 km au cours d'un match peut être considéré comme une performance physique élevée, mais cela peut également signifier que le joueur a simplement couru après le ballon. Ce qui est donc pertinent, c'est de mettre en perspective le profil des variations d'efforts du joueur avec le déroulement du jeu par le questionnement suivant. A-t-il été un acteur du jeu en exerçant une influence sur celui-ci ? Si oui physiquement en force, en endurance ou en vitesse ? Les réponses à ce questionnement permettront au PPF d’adapter qualitativement et quantitativement ses interventions pour faire progresser les joueurs.
Pour conclure cette discussion, qui pourrait être prolongée tant les compétences de savoir-faire et être sont importantes pour bien entraîner, je remarque également que trop souvent, les clubs engagent un PPF en se basant uniquement sur ses titres, son statut, ses compétences relationnelles ou sa sociabilité, sa réputation ou sa certification, sans évaluer la pertinence de ses actions en fonction des besoins de leurs équipes ou de leur philosophie de jeu et de formation. Cela s'explique par le fait qu'ils ne sont pas en mesure, qu'ils ne souhaitent pas, qu'ils ne se préoccupent pas ou qu’ils ne sont simplement pas conscients de l’importance de la portée des interventions sur leurs joueurs d'un PPF. Pourtant, leur responsabilité est de fournir à ces joueurs les meilleurs entraînements footballistiques possibles.
[1] Lionel Bellenger et Marie-José Couchaère, L'écoute, Osez l'empathie pour améliorer vos relations, Editeur ESF, 2007. p. 107.
[2] Frans Bosch, Préparation physique, une approche intégrée de l'entraînement de force et de coordination, Editions Physiques performances, Lyon, 2018. p.109 et ss.
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