Le modèle de surcompensation visité selon le métabolisme footballistique
- xavierblanc
- 24 août
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Dernière mise à jour : il y a 4 jours

L’objet de la préparation physique footballistique est de désadapter les corps des joueurs dans l’idée qu’ils s’adaptent plus haut, plus fort et plus loin. Pour ce faire, une préparation physique performante repose sur une organisation rationnelle des charges d’entraînement afin de stimuler des adaptations physiologiques positives. Dans ce cadre, le modèle de surcompensation, largement diffusé par Costill et ses collaborateurs dans les années 1980 [1], constitue un repère central pour comprendre les mécanismes d’adaptation. Ce modèle postule qu’à la suite d’un effort, l’organisme traverse une phase de fatigue, puis de récupération, avant d’atteindre un niveau de performance supérieur à l’état initial. Toutefois, bien que séduisant par sa simplicité, ce modèle est souvent critiqué, car il repose sur une vision linéaire et uniforme du processus d’adaptation, alors que les temps de récupération diffèrent selon les systèmes énergétiques, les tissus sollicités et la nature de l’effort.

Dans le souci d’élever la pertinence d’utilisation de ce modèle, cet écrit propose alors de l’appréhender par les notions de métabolisme, de catabolisme et d’anabolisme. L’idée est ainsi d’en saisir la cinétique des adaptations, sans oublier le rôle du processus inflammatoire comme passage nécessaire entre dégradation et reconstruction.
Dans le cadre footballistique, où alternent sprints, contacts, changements de direction et efforts répétés, la compréhension de ces phénomènes est essentielle pour ajuster les charges et optimiser la récupération. Elle l’est d’autant plus que le football expose les joueurs à des traumatismes spécifiques liés aux chocs physiques (duels, tacles, impacts répétés), qui entraînent des blessures directes ou indirectes (contusions, entorses, lésions musculaires induites par le contact). Ces traumatismes ne relèvent pas uniquement de la charge imposée par l’entraînement, mais ajoutent une dimension aléatoire qui complexifie la gestion du cycle catabolisme–inflammation–anabolisme [2], [3].
1. Les apports et les limites du modèle de surcompensation
Le modèle de surcompensation propose un enchaînement simple soit, un effort générant de la fatigue qui demande de la récupération pour obtenir un effet surcompensatoire. L’intérêt de ce schéma est de montrer que l’entraînement ne produit pas une adaptation immédiate, mais qu’il nécessite un temps de repos pour devenir efficace [1]. En football, cela signifie qu’un microcycle doit alterner des charges intenses (matchs et entraînement) et des phases de récupération afin de permettre à l’organisme de dépasser ou d'atteindre ainsi que simplement maintenir son niveau initial de performance sans tomber dans l’entraînement de la méforme.
Cependant, ce modèle est critiqué pour sa vision uniformisante [4]. Les substrats énergétiques (glycogène, ATP-PCr), les tissus musculaires, les fascias ou encore le système nerveux ne se réparent pas au même rythme. Par exemple, la resynthèse de l’ATP est rapide (quelques minutes), la restauration complète du glycogène demande 24 à 48 heures, tandis que la réparation des microtraumatismes musculaires peut nécessiter jusqu’à 72 heures. À cela s’ajoute un facteur déterminant en football. Les traumatismes échappent en partie à la logique programmatique de l’entraînement.
Les contusions ou entorses provoquées par un duel peuvent bouleverser la planification du cycle de surcompensation en introduisant un stress mécanique brutal et non anticipé [5]. Cette hétérogénéité impose de considérer l’entraînement non pas comme une simple succession effort/repos, mais comme une dynamique complexe intégrant différentes cinétiques de récupération et la gestion aléatoire des blessures dues aux chocs.
2. Métabolisme et l’effort footballistique
Le métabolisme « désigne l’ensemble des réactions biochimiques permettant à l’organisme de produire et d’utiliser l’énergie ». Dans un match de football, ces systèmes énergétiques s’activent en alternance selon l’intensité et la durée des actions.
- Le système anaérobie alactique ATP-PCr) est sollicité lors des sprints ou des duels très courts.
- Le système anaérobie lactique intervient lors d’efforts répétés plus longs, par exemple un déplacement de 15 à 20 secondes en pressing sans que le football soit lactique.
- Le système aérobie assure la récupération inter-effort et prédomine dans les courses longues ou les phases de replacement.
Cette interaction des systèmes énergétiques induit une consommation des substrats et des stress mécaniques qui déclenchent le processus catabolique. Au-delà de ces mécanismes internes, l’impact des contacts et des collisions, qui suivent une logique traumatique, doit être intégré à la compréhension du métabolisme du joueur.
3. Le catabolisme ou la phase de dégradation
Le catabolisme « correspond à la dégradation des substrats énergétiques (glucides, lipides, protéines) pour produire de l’ATP ». En football, il se manifeste par :
- la déplétion du glycogène musculaire après 90 minutes de jeu,
- la production accrue de lactate lors des phases intenses,
- les microtraumatismes musculaires et conjonctifs liés aux contacts, aux accélérations et aux sauts répétés.
Ces altérations sont amplifiées par la spécificité du football, sport d’intermittence de plus en plus saccadée où l’intensité varie fortement et où les contractions excentriques (changements de direction, freinages) génèrent des dommages structurels aux fibres musculaires. À cela s’ajoute la dimension traumatique des blessures dues aux chocs directs tels que contusions musculaires, hématomes, lésions ligamentaires ou articulaires. Ces dernières représentent une forme de catabolisme « extrinsèque », puisqu’elles ne découlent pas de l’effort corporel, mais d’un facteur externe imprévisible [3].
4. L’inflammation est un passage nécessaire
L’inflammation est « la réponse biologique aux microtraumatismes et constitue le lien entre catabolisme et anabolisme ». Elle déclenche une cascade de signaux cellulaires et hormonaux qui initient la réparation tissulaire.
En football, elle se manifeste par une sensibilité musculaire post-match (courbatures, douleurs), signe d’un processus adaptatif en cours. Cette réponse inflammatoire aiguë, médiée par des cytokines, des prostaglandines et d'autres médiateurs, est un signal positif. Elle induit une vasodilatation et une augmentation de la perméabilité vasculaire, permettant l'afflux sur le site lésé de cellules immunitaires (neutrophiles, macrophages) et de facteurs de croissance. Les macrophages jouent un rôle crucial en phagocytant les débris cellulaires issus du catabolisme et en sécrétant des facteurs qui activent les cellules satellites, essentielles à la régénération musculaire. Ainsi, une inflammation modérée et contrôlée est le catalyseur indispensable qui permet de nettoyer les zones endommagées et de lancer le processus de reconstruction anabolique.
Toutefois, les blessures dues aux chocs accentuent considérablement cette phase. Une contusion ou une entorse entraîne une réaction inflammatoire aiguë exacerbée et souvent localisée, qui peut dépasser le cadre d’une simple régénération musculaire et nécessiter un protocole médical spécifique [2]. L'intensité du traumatisme peut provoquer un œdème important, une douleur aiguë et une destruction tissulaire massive, retardant l'entrée dans la phase de réparation et générant parfois des lésions secondaires douloureuses par compression. Ainsi, l’inflammation en football peut être considérée comme une pièce à double-face. Elle est nécessaire et bénéfique pour les microtraumatismes liés à l’effort, mais elle est potentiellement délétère et dysfonctionnelle lorsqu’elle découle de traumatismes violents et récurrents, risquant de basculer vers un état chronique ou de causer des dommages collatéraux.
5. L’anabolisme ou la reconstruction
L’anabolisme correspond à la phase de réparation et de construction. Il permet la resynthèse du glycogène, la régénération musculaire et le renforcement des fascias. Dans le football, cela se traduit par :
- la restauration des réserves énergétiques via l’alimentation post-effort,
- la réparation des microtraumatismes musculaires par la synthèse protéique,
- l’adaptation du tissu conjonctif et des tendons, essentielle pour résister aux charges de jeu,
- l’amélioration des capacités mitochondriales et cardiorespiratoires.
Cependant, après une blessure traumatique (choc, entorse, fracture), la phase anabolique prend une dimension médicale et rééducative. Elle ne vise plus uniquement l’optimisation de la performance, mais la restauration de l’intégrité fonctionnelle avant toute progression [3]. Ainsi, le préparateur physique footballistique (PPF) doit intégrer cette contrainte imprévisible dans le suivi des joueurs, en adaptant les charges de manière individualisée.
Illustrations de l’appréhension du modèle de surcompensation par l’angle métabolique
Pour donner suite aux propos précédents, je propose d’en avoir une application par deux cas. Une semaine avec 1 match, ce qui permet d’intégrer une séance de force et une séance de haute intensité, avec une vraie phase anabolique avant le match suivant. Une semaine avec 2 matchs, ce qui réduit le temps d’anabolisme, oblige à minimiser les charges entre les rencontres et privilégie la récupération active plutôt que les charges lourdes.
Il est à noter que si ces deux cas illustrent les propos de cet écrit, ils n’en sont pas une proposition de protocole ad hoc. À chaque PPF d’accompagner la cinétique du modèle de surcompensation en fonction du contexte et de la situation de son équipe.
1. Une semaine type avec un seul match (week-end)
Jour | Charge / Exercice | Phase métabolique dominante | Manifestations cataboliques | Stratégies de récupération | Objectif anabolique |
Lundi | Faible sollicitation | DOMS post-match, fatigue nerveuse | Initier la réparation musculaire | ||
Mardi | Séance force en salle (musculation, travail préventif ischios/abdos-lombaires) | Catabolisme musculaire ciblé | Micro-lésions musculaires locales | Stimulation hypertrophique et renforcement | |
Mercredi | Intensité moyenne (jeu réduit 6c6, travail technique/physique intégré) | Mixte (catabolisme + stimulation aérobie) | Déplétion glycogénique | Améliorer la capacité de répétition d’efforts | |
Jeudi | Séance haute intensité (sprints, fractionné 15”/15”, pliométrie) | Catabolisme énergétique fort | Fatigue neuromusculaire, stress oxydatif | Stimuler adaptation nerveuse et énergétique | |
Vendredi | Récupération active + rappel tactique | Basse intensité | Légère fatigue | Préparer la fraîcheur compétitive | |
Samedi | Match | Sollicitation maximale multi-systèmes | Déplétion glycogène, microtraumatismes, inflammation musculaire | Surcompensation après match | |
Dimanche | Repos / mobilité douce | Faible | Inflammation résiduelle | Massage, relaxation | Transition vers anabolisme |
2. Une semaine avec deux matchs (mercredi et dimanche)
Jour | Charge / Exercice | Phase métabolique dominante | Manifestations cataboliques | Stratégies de récupération | Objectif anabolique |
Lundi | Séance tactique légère (jeux réduits à intensité faible) | Stimulation aérobie légère | DOMS post-match (dimanche) | Bain chaud, mobilité | Favoriser circulation et récupération |
Mardi | Activation + veille de match (exercices courts, travail vitesse) | Faible catabolisme | Déplétion glycogénique modérée | Préparer fraîcheur musculaire | |
Mercredi | Match | Sollicitation maximale | Déplétion glycogène, dommages musculaires | Début du processus inflammatoire | |
Jeudi | Récupération active (vélo, aquatraining, mobilité) | Faible | Inflammation musculaire | Contrôler inflammation sans la couper | |
Vendredi | Séance légère technique-tactique | Faible | Légère fatigue | Sieste, hydratation | Maintenir rythme sans surcharge |
Samedi | Activation (vitesse, coordination) | Très faible | Charge minimale | Carbo-loading, visualisation | Optimiser fraîcheur neuromusculaire |
Dimanche | Match | Sollicitation maximale | Déplétion glycogène, microtraumatismes | Relancer cycle catabolisme → anabolisme |
Conclusion
Le modèle de surcompensation demeure un outil pédagogique pertinent pour comprendre les bases de l’adaptation à l’entraînement, mais il peut être complété par une lecture métabolique intégrant les notions de catabolisme, d’inflammation et d’anabolisme.
Dans le cadre du football, ce triptyque permet de mieux comprendre les cinétiques différenciées de récupération et de concevoir des charges adaptées. Toutefois, les blessures dues aux chocs, spécifiques à ce sport de contact, viennent perturber ce cycle en introduisant un facteur aléatoire qui modifie profondément la dynamique de surcompensation.
L’inflammation apparaît ainsi comme un passage obligé, tant pour les microtraumatismes liés à l’effort que pour les traumatismes induits par les collisions. L’enjeu consiste à favoriser les adaptations positives sans laisser s’installer une inflammation chronique ou une instabilité lésionnelle. Cette approche incite à repenser certaines pratiques de récupération (froid intense, anti-inflammatoires), afin de préserver les mécanismes naturels d’adaptation tout en intégrant la prévention et la gestion des blessures traumatiques dans la préparation physique footballistique.
Ainsi, le rôle du PPF est de jouer, sur la base de la cinétique du modèle de surcompensation, sur les fenêtres cataboliques (séances lourdes) et les fenêtres anaboliques (récupération, nutrition, sommeil) en fonction du calendrier de compétition pour développer ou maintenir le niveau physique footballistique désiré des joueurs.
[1] W. Larry Kenney, Jack H. Wilmore, David L. Costill, Physiologie du sport et de l’exercice, 5e édition, Editions de Boeck Université, 2013.
[2] C. W., Fuller, J., Ekstrand, A., Junge, T. E., Andersen, R., Bahr, J., Dvorak, W. H., Meeuwisse, Consensus statement on injury definitions and data collection procedures in studies of football (soccer) injuries. British Journal of Sports Medicine, 40(3), 193-201. 2006. Br J
[3] J., Ekstrand, M., Hägglund, M., Waldén, Injury incidence and injury patterns in professional football: the UEFA injury study. British Journal of Sports Medicine, 45(7), 553-558. 2011.
[4] G. Cazorla, Le surentraînement, Université Victor Segalen Bordeaux 2 : Laboratoire Evaluation Sport Santé. Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique ; Cours Master 2 (2006). G. Gremion et T. Kuntzer, Fatigue et réduction de la performance motrice chez le sportif, syndrome de surentraînement, Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 962-5.
[5] J. H., Brooks, C. W., Fuller, S. P. T., Kemp, D. B., Reddin, Epidemiology of injuries in English professional rugby union: part 1 match injuries. British Journal of Sports Medicine, 39(10), 757-766. 2005.
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