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Le football est un sport d’accumulation transitoire de lactates, mais n’est pas lactique !

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 22 août
  • 5 min de lecture
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La physiologie de l’exercice a longtemps associé l’accumulation de lactates à la fatigue musculaire et à la baisse de performance. Dans le champ du sport de compétition, cette perception a conduit à considérer certains sports comme « lactiques », c’est-à-dire dépendants essentiellement de la qualité de la filière anaérobie lactique pour performer. Toutefois, les recherches menées depuis les années 1990 montrent que le lactate est un métabolite énergétique réutilisable et non un simple déchet [1], [2].



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Dans cette perspective, il convient de distinguer les disciplines où la performance repose effectivement sur une tolérance à l’acidose métabolique, et celles où l’accumulation de lactates est réelle, mais transitoire. L’objectif de cet article est de soumettre le football à la question afin de savoir à quelle famille il appartient. L’enjeu de la réponse est d’aider à identifier sa stratégie du développement métabolique des joueurs afin d’élever le niveau de la pertinence de son entraînement physique footballistique.


Le lactate est un substrat, non déchet

Pendant un match, les courses à haute intensité, les sprints répétés et les changements de direction sollicitent fortement les filières énergétiques. Des concentrations sanguines de lactates comprises entre 2 et 10 mmol/L, parfois supérieures à 12 mmol/L, ont été observées chez des joueurs professionnels [1]. 

 

Ces valeurs indiquent une production importante de lactates, mais elles ne signifient pas que le football soit « lactique ». En effet, le lactate est rapidement réutilisé par les fibres musculaires oxydatives et le cœur, ou reconverti en pyruvate pour alimenter le cycle de Krebs [3]. L’accumulation observée correspond donc davantage à un déséquilibre ponctuel entre production et clairance, « soit la capacité du corps à recycler ou à éliminer le lactate sanguin », qu’à une filière énergétique dominante.


La capacité aérobie d’un joueur joue ici un rôle central. Plus elle est élevée, plus la réutilisation oxydative du lactate est efficace, limitant ainsi sa concentration sanguine [4]. Autrement dit, la performance en football ne réside pas dans la tolérance à une lactalémie élevée, ou une endurance lactique puissante, mais dans la capacité à maintenir une balance favorable entre production et consommation de lactates par une faculté de récupération inter-effort performante.


Vitesse, efficience et production de lactates

Un autre facteur clé réside dans la vitesse de déplacement des joueurs. Lors d’un sprint court et maximal (10–20 m), la fourniture d’énergie est assurée principalement par la filière anaérobie alactique (ATP-PCr), qui ne produit pas de lactates. De plus, une vitesse élevée correspond à une meilleure efficience neuromusculaire. En effet, cette efficience gestuelle qui passe par une coordination intermusculaire optimale, réduit la dépense énergétique relative.


Lorsqu’un joueur associe cette vitesse à une capacité aérobie développée, il récupère plus rapidement et réduit le recours à la glycolyse anaérobie lactique. Comme l’ont montré Reilly et Williams [5], l’articulation entre vitesse maximale et capacité ainsi que puissance aérobiques constitue un déterminant majeur de la performance physique en football, précisément parce qu’elle limite la mobilisation de la filière lactique.

 

Ce que cela signifie pour la préparation physique footballistique

À partir de ces constats, la préparation physique footballistique ne vise pas à augmenter la tolérance à une charge lactique élevée, à l‘exemple des exercices d’endurance lactique de l’école italienne de la préparation physique footballistique des années 90, mais à limiter l’apparition et l’accumulation des lactates par trois voies complémentaires que le préparateur physique footballistique peut accentuer en fonction de son choix stratégique d’entraînement physique.


La première concerne le développement de la vitesse et de l’efficience neuromusculaire. Les sprints courts de 10 à 20 m, réalisés à intensité maximale avec une récupération complète (2 minutes) pour la version qui vise à extraire le niveau de vitesse ou avec une récupération incomplète (45s à 1mn) pour sa version qui cherche à étendre la capacité à réitérer les séquences de vitesse maximale. Ces versions sollicitent prioritairement la filière alactique et permettent d’améliorer la qualité coordinative de déplacement, ce qui génère de l’économie gestuelle. Ils peuvent être complétés par des exercices de dynamisation de  vitesse-force, afin de stimuler le recrutement neuromusculaire rapide [1].


La seconde voie consiste à développer la puissance aérobie, définie comme « la capacité à atteindre et maintenir un haut pourcentage de VO₂max ». Elle se travaille par des exercices intermittents de deux à quatre minutes à une intensité de 90–100 % de la VMA (85–95 % du VO₂max), entrecoupés de récupérations actives courtes équivalentes à la moitié du temps d’effort. Ces exercices sollicitent fortement le transport et l’utilisation de l’oxygène, repoussant ainsi le seuil lactique [4]. Cette qualité peut aussi être développée de manière intégrée à travers des jeux réduits (4c4, 5c5, voire 6c6) sur surfaces restreintes. Pour ce faire, les joueurs doivent posséder un bagage technique de maitrise du ballon suffisant pour maintenir par l’animation du jeu l’intensité exigée par le dispositif.


La troisième voie vise le développement de la capacité aérobie, c’est-à-dire « la faculté à maintenir durablement sa consommation d’oxygène ». Elle se construit par des intermittents de trois à six minutes à 75–85 % de la VMA (70–80 % du VO₂max), entrecoupés de récupérations actives équivalentes à la durée d’effort. Ce calibrage stimule la biogenèse mitochondriale, ce qui améliore la clairance des lactates [6]. En complément, l’endurance dite fondamentale, réalisée sur 30 à 45 minutes à 65–75 % de la fréquence cardiaque maximale, renforce la base oxydative et facilite les processus de récupération par le développement des capillaires. Dans une approche intégrée, la capacité aérobie peut aussi être sollicitée par des jeux de possession sur grandes surfaces, qui induisent un volume de déplacement élevé et une intensité modérée, proche des allures de soutien aérobie. Là encore, l’efficacité de ces exercices dépend du niveau de maitrise de la technique du ballon des joueurs, car un déficit technique réduit la vitesse d’exécution et donc l’intensité réelle de l’effort.


On comprend ici, que la distinction entre puissance et capacité aérobie repose sur le calibrage précis des intermittents et des formes jouées soit une intensité élevée et densité d’effort pour la puissance (jeux réduits), ou une intensité plus modérée et volume de course prolongé pour la capacité (jeux à grandes surfaces). En football, la complémentarité de ces modalités permet à la fois de repousser le seuil du début de production du lactate tout en ralentissant le rythme de son accumulation par une meilleure clairance.


Conclusion

Le football ne saurait être classé comme un sport lactique, bien qu’il implique une accumulation transitoire de lactates. Le lactate y joue un rôle de substrat énergétique réutilisable. Dans cette perspective, la performance physique footballistique repose davantage sur la vitesse maximale, la puissance et la capacité aérobiques, pour bonifier les facultés de récupération inter-effort, que sur la tolérance à l’acidose.


Le rôle du préparateur physique footballistique est donc de concevoir une planification qui développe simultanément et/ou spécifiquement ces qualités, afin de limiter la production de lactates et d’en accélérer l’élimination. Dans cette optique, l’entraînement physique du footballeur n’est pas une adaptation à la contrainte lactique, mais consiste stratégiquement à éviter son accumulation par une régulation métabolique optimale.

 

[1] J. Bangsbo, Fitness training in football – A scientific approach. August Krogh Institute, Copenhague. 1994.

[2] S., Perrey, R., Candau, Exercice musculaire et régulation de la production de lactate. Science & Sports, 17(3), 127–135. 2002.

[3] I., Mujika, J., Santisteban, C., Castagna, Metabolic demands of soccer: a review. Revue de l’INSEP, 21(4), 25–35. 2002.

[4] G., Dupont, G. P., Millet, C., Guinhouya, S. Berthoin, Exercice intermittent de haute intensité en football : impacts physiologiques et applications pratiques. Revue EPS, 349, 45–53. 2010.

[5] T., Reilly, A. M., Williams, Science and soccer. Routledge, Londres. 2003.

[6] J., Hoff, U., Wisloff, L. C., Engen, O. J., Kemi, J., Helgerud, Soccer specific aerobic endurance training. British Journal of Sports Medicine, 36(3), 218–221. 2002.

 

 
 
 

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