Pour une approche holistique de la préparation physique footballistique
- xavierblanc
- 15 nov. 2023
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Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Dans notre société actuelle du spectacle [1] et de son pendant, une médiatisation galopante, le football offre, grâce à la notoriété qu'il procure, un sens à la vie de nos jeunes gens. Il répond au besoin incompressible d'exister publiquement. Une satisfaction si essentielle qu'elle semble même renverser la pyramide de Maslow [2]. Sans analyser et questionner sociologiquement et psychologiquement plus profondément le football [3], je constate simplement qu’entraîner exige la compréhension que les enjeux personnels prennent souvent le dessus sur le jeu. Cela signifie qu'un entraîneur, pour être performant, doit appréhender ses joueurs dans leur globalité, en tenant compte de toutes leurs dimensions.

Le football, bien avant son ballon, ses règles, ses supporters, ses clubs et ses fédérations, est avant tout une affaire d'humains qui jouent ensemble. Le talent du joueur est alors nourri en premier lieu, et déterminé, par ses motivations intrinsèques et extrinsèques, son amour du jeu, ses valeurs, sa sensibilité, ses contradictions, ses ambitions et ses doutes [4]. Tout cela se révèle magnifique lorsque le joueur maîtrise son football, exprimant ainsi sa véritable essence. Cependant, cela devient terrible lorsqu'il ne parvient pas à performer, car chaque journaliste, chaque spectateur, chaque supporter détient un pouvoir romain quasi absolu sur son existence footballistique. Ainsi, un simple penalty raté peut le hanter toute sa vie, le marquant au plus profond de son être. Plus un joueur suscite d'espoirs et d'attentes, plus il est exposé à la vindicte médiatique et populaire impitoyable en cas d'échec.
La charge mentale que subit un joueur est donc considérable. Dans ce contexte, les PPFs doivent adopter une approche empathique, voire écouter activement [5], pour comprendre et saisir l'état de forme, l'attitude, les expressions, et tout ce qui constitue « le langage corporel » d'un joueur. L’ensemble que je définis comme «son attitude posturale» indique et informe précieusement sur ses santés physique, psychique, émotionnelle et sociale [6]. En effet, un corps n'est pas simplement de la matière parce que « le corps fonctionne (…) comme un langage par lequel on est parlé plutôt qu’on ne le parle, un langage de la nature, où se trahit le plus caché et le plus vrai à la fois, parce que le moins consciemment contrôlé et contrôlable, et qui contamine et surdétermine de ses messages perçus et non aperçus toutes les expressions intentionnelles, à commencer par la parole » [7]. Pour observer correctement un joueur, un PPF doit donc aller au-delà de la « performance visuelle », en tenant compte de sa personnalité et de la manière dont elle s'exprime ou pas sur le terrain.
Les émotions négatives peuvent générer un mal-être et/ou des tensions musculaires, perturbant ainsi le fonctionnement corporel. À contrario, un joueur heureux éclaire le jeu par une présence-terrain libérée énergétiquement. En résonnant ainsi, il dépasse ses limites habituelles, en illuminant son champ d'action tout en réduisant celui de son adversaire. Les émotions influent donc sur la posture, l'attitude corporelle et, par conséquent, sur les qualités des mouvements qu'elles génèrent. Le mouvement est alors un marqueur et un récipiendaire d’émotions, avec qui, d'ailleurs, il partage la même source latine (movere). Le tout oblige le PPF à avoir une vision holistique de ses joueurs pour comprendre comment ils fonctionnent pour produire leurs mouvements. Autrement dit d’identifier leur signature corporelle des mouvements footballistiques.
[1] Titre emprunté au livre de l’écrivain Guy Debord, La société du spectacle, Edition Buchet/Chastel, 1967.
[2] Lire à propos de la pyramide de Maslow https://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_besoins. Page consultée au 19.12.2023.
[3] Je vous invite à lire à ce propos les écrits des sociologues Charles Suaud et Jean-Michel Faure, son comparse, professeurs à l’Université de Nantes et au Centre national de la recherche scientifique. Auteurs notamment de : Les enjeux du football, Actes de la recherche en sciences sociales, 1994 ; Le Football professionnel à la française, PUF, 1999 ; La Raison des sports, Sociologie d’une pratique singulière et universelle. Editions Raison d’Agir, coll. Cours et travaux. 2015.
[4] Le tout dans un climat de changement de comportement intergénérationnel de plus en plus nuancé, à l’exemple des différentes définitions des générations Y, Z ou alpha. Voir à ce propos les présentations de la Journée des entraîneurs 2019 de Macolin, de Christophe Schneider, « Le leadership de demain », « Qu’attend la future génération du futur leader », Journée des entraîneurs, Macolin, 5 novembre 2019, ASF et Paul Wylleman, « Développement de la carrière des athlètes », « Entraîner les athlètes de la génération Z », Journée des entraîneurs, Macolin, 5 novembre 2019, ASF.
[5] L'écoute active est un concept développé à partir des travaux du psychologue américain Carl Rogers. Elle est également nommée écoute bienveillante. Initialement conçue pour l'accompagnement de l'expression des émotions, elle est opérationnelle dans les situations de face-à-face où le professionnel écoute activement l'autre. Elle consiste à mettre en mots (ou en propositions et variations d’exercices pour le PPF) les émotions et sentiments exprimés de manière tacite ou implicite par l'interlocuteur. Lire https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89coute_active. Page consultée le 22.12.2023.
[6] En cas d’intérêt sur les liens entre les attitudes corporelles et psychologiques, lire Godelieve Denys-Struyf, Les chaînes musculaires et articulaires, Editions Ictgds, juin 2000. Pour en savoir plus sur les effets biologiques des émotions, lire Johnmarshall Reeve, Psychologie de la motivation et des émotions, Chapitre 13, Editions De Boeck Supérieur, 2017.
[7] Pierre Bourdieu. Remarques provisoires sur la perception sociale du corps. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 14, avril 1977. Présentation et représentation du corps. p. 51. Le corps révèle donc notre positionnement social, sportif.... Pour preuve, il suffit d’observer « la fierté » de nombreux footballeurs d’avoir dû, ou de passer bientôt, sur le billard pour subir une opération de la hanche. À croire que cette opération vous institue comme étant un véritable footballeur.
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