La biotenségrité; une nouvelle capacité physique footballistique de base ?
- xavierblanc
- 26 sept. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 mai

Si au début de l'ère du sport moderne, la performance était souvent attribuée au talent inné des sportifs, l'expérience sur le terrain et le développement des théories de l'entraînement ont progressivement révélé que les capacités physiques peuvent être développées et optimisées [1]. En ce qui concerne la préparation physique footballistique, les capacités physiques identifiées, pour répondre aux exigences de description de la tâche de Frédéric Aubert [2] et la classification des qualités de Jürgen Weineck [3], sont principalement la vitesse, l'endurance et la force. Toutefois, la quête de performativité de mon entraînement physique footballistique m’a conduit à considérer aussi la biotenségrité comme une capacité centrale du physique footballistique.

Issue de l'architecture, la tenségrité est « la faculté d'une structure à se stabiliser par le jeu des forces de tension et de compression qui s'y répartissent et s'y équilibrent ». A la base de la tenségrité, se trouvent des câbles et des tiges disposés selon des angulations de 60deg, ce qui confère à la structure une résistance accrue lorsqu’elle est soumise à la tension, à la torsion ou à la compression. Cette structure a la capacité de revenir à sa configuration d’origine en absorbant par répartition les forces subies dans toute la structure. La tenségrité explique ainsi comment un haltérophile peut soulever un multiple de son poids de corps sans être écrasé ou déformé. On passe ici dans le domaine de la biotenségrité qui régule, ou réajuste, les tensions de notre corps par les fascias, selon les explications remarquables du Docteur Jean-Claude Gimberteau [4], puisque ce tissu est commun, par ses différenciations en collagène et en élastine ainsi que ses fonctions physiologiques, à tous les systèmes corporels. Cette approche biotensègre par les fascias est encore plus intéressante lorsque l'on sait que ces derniers traduisent les émotions en tension et relâchement corporels [5].
L'approche biotensègre vise à réguler de manière harmonieuse l'ensemble de la structure corporelle du joueur, en veillant à ce qu'il n'y ait pas de conflit entre la tonicité musculaire et le relâchement. Son objectif est d'assurer une utilisation efficace de l'énergie vitale du joueur en favorisant une posture corporelle saine et un rendement musculaire optimal dans la conversion de l'énergie chimique en énergie mécanique. Ce qui rend la biotenségrité particulièrement intéressante, c'est qu'elle incite le PPF à intervenir de manière globale, en prenant en compte simultanément l'ensemble des muscles phasiques et statiques du corps du joueur. Ainsi, elle remet en question la segmentation traditionnelle des entraînements en musculation du bas et du haut du corps, puisqu'il n'existe pas de frontière entre les parties du corps.
Aujourd'hui, les limitations angulo-articulaires sont souvent traitées par divers types d’étirements statiques, balistiques, passifs, actifs ou encore dynamiques des muscles phasiques. Il est vrai que l'enjeu est d'abord, vu l'état de santé général des troupes, de sensibiliser les joueurs à entretenir leurs corps correctement par des étirements systématiques lors des phases d’échauffement. Cependant, il est important d'aller plus loin en se préoccupant également des raideurs musculaires des muscles statiques, qui peuvent se manifester sous forme de fibroses et d'adhérences chroniques.
L'accumulation de ces points de tensions, résultant de la fatigue, des émotions négatives, des œdèmes dus aux coups et aux blessures, perturbe la capacité du corps à répartir correctement les charges imposées par le football. Cela se traduit par une diminution significative de la fluidité des mouvements spécifiques au football et altère le rendement des muscles phasiques, provoquant des crispations temporaires ou chroniques. Ces déséquilibres musculaires entravent un recrutement harmonieux spatio-temporel des fibres musculaires, sachant que « s'il y a déformation, déviation, manque d'amplitude articulaire, c'est obligatoirement dû à leur raideur » [6].
Sans entrer dans des débats sur la morphopsychologie chère à Godelieve Denys-Struyf [7] ou encore sur les somatotypes habituels d’ectomorphes, de mésomorphes et d’endomorphes évoqués par Anne-Laure Morigny et Christophe Keller [8], ces déséquilibres peuvent avoir un impact significatif sur notre morphologie à long terme. La recherche et l'entretien d'une biotenségrité saine, à travers des étirements des muscles statiques et phasiques, sont essentielles pour améliorer la coordination, la fluidité des mouvements, ainsi que le retour à l'équilibre et le relâchement. En considérant l'impact de la biotenségrité sur l'efficacité, l'efficience et la pertinence des mouvements, il est temps de la considérer comme une capacité physique fondamentale du football.
Ceci affirmé, pour régler le niveau de biotenségrité des joueurs, je m’appuie en concomitance sur l’entraînement de la mobilité, le renforcement d’un point de fixation des tensions corporelles en X et l’amélioration de la qualité de rééquilibrage corporelle des joueurs, déterminé en grande part l’état de forme de leurs capteurs podaux et visuels. Je fais aussi un aparté sur les difficultés rencontrées par les joueurs en cas de changements de surface qui peuvent être en partie résolues par un ajustement biotensègre des tensions musculaires.
[1] Saïd Zerzouri, Historique des modèles de la performance sportive, 2006.
[2] Frédéric Aubert in Approches athlétiques de la Préparation Physique Colloque formation continue – TOURS- Nord, samedi 23 mars 2002
[3] Jürgen Weineck, Manuel d’entraînement, Vigot, Paris, 1986
[4] Visualiser la vidéo https://www.youtube.com/watch?v=8fdkG4xRVMQ. Page consultée le 10.01.2022.
[5] Yohann Mahé, Tenségrité et plasticité fasciale au service de l’équilibre corporel, Mémoire de fin d’études en Ostéopathie, Institut de Formation en Ostéopathie du Grand Avignon, 2016.
[6] Philippe Emmanuel Souchard, Le stretching global actif, Editions DésIris, 1996
[7] Godelieve Denys-Struyf, Les chaînes musculaires et articulaires, Editions Ictgds, juin 2000.
[8] Anne-Laure Morigny et Christophe Keller, La prophylaxie en sport de haut niveau, expériences de terrain, Editions Savoirs d’Experts, INSEP, 2019, pp. 58-62
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