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La musculation rend, la plupart du temps, les footballeurs plus faibles !

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 26 juil. 2023
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 19 mai

Cette troublante affirmation vient de Muriel André, infatigable promotrice du Stretching Global Actif et de la Rééducation Posturale Globale [1]. La réaction la plus simple serait de la rejeter immédiatement et catégoriquement au nom de certitudes qui, bien qu'offrant un sentiment de sécurité, nous enferment en limitant notre vision. Mais, il est aussi possible que cette affirmation interpelle et motive à comprendre pourquoi elle a été prononcée. C'est mon cas, tout en soulignant que les propos qui suivent représentent ma propre interprétation et explication.


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Résumé audio de NotebookLM

La musculation est un ensemble de méthodes d'entraînement visant accroître la force physique permettant de résister, de pousser ainsi que de projeter plus loin, plus vite et plus haut soi-même, un objet ou encore un adversaire. Elle constitue un moyen de développement qualitatif de la vitesse sous toutes ses modalités. Elle est, a priori, dans deux cas seulement une finalité, soit un sport en tant que tel, c'est-à-dire l'haltérophilie et le culturisme.


Dans l'imaginaire collectif, la musculation est souvent associée à de gros muscles, synonymes de force. Or, d’un point de vue technique, toute activité visant à améliorer le recrutement spatio-temporel de nos fibres musculaires est de la musculation [2]. Dans cette perspective, même un étirement musculaire peut être considéré comme de la musculation.


L'idée centrale de la musculation consiste à augmenter les niveaux de tension des fibres musculaires. Il existe deux modalités de tension ; les tensions de contraction et d'étirement. Les tensions de contraction donnent un mode de contraction concentrique alors que les tensions d’étirement donnent un mode de contraction excentrique. Lorsqu’un joueur résiste ou pousse statiquement, à savoir que la résistance est égale à la force déployée, cela donne un mode isométrique. Si un muscle est soumis séquentiellement à des tensions d’étirement puis des tensions de contraction dans un même mouvement, il est en mode pliométrique. En termes imagés, on peut considérer l'unité muscle-tendon-fascia comme un ressort rond qui peut se contracter (régime concentrique), s'étirer (régime excentrique) ou s'étirer puis se contracter (régime pliométrique).


Dans ce dernier cas, la performance musculaire résulte non seulement de la mise en tension par la qualité du recrutement spatio-temporel des fibres musculaires, mais aussi du degré d'élasticité du processus. Cette élasticité se manifeste par la capacité à restituer l'énergie emmagasinée par la tension d'étirement lors de la tension de contraction. Ce degré d'élasticité traduit le niveau de compliance musculaire du joueur.


Cette compliance peut être envisagée comme un continuum. Si on est musculairement trop raide ou trop dur, on ne rebondit pas, à l'image d'une pierre lancée au sol. Notre niveau de compliance est alors proche de zéro. Il en est de même, si on est musculairement trop mou/flasque, à l'image du slime. En revanche, si on est dans le niveau d’élasticité en phase avec les exigences biomécanique de son sport, on « élastique ou complie » d’à-propos [3].

Dans une approche biotensègre, il incombe au PPF d'agir comme un régleur de voile sur un bateau ou un accordeur de piano, en tendant ou en détendant les unités muscle-tendon-fascia des joueurs. L’objectif est de trouver leur niveau de compliance musculaire qui optimise leur production de la vitesse maximale footballistique.


Le football exige une variabilité gestuelle infinie, car il implique des enchaînements de mouvements cycliques et/ou acycliques à 360 degrés, à différentes hauteurs, et demande aux joueurs de maîtriser techniquement le ballon dans toutes les situations et à tout moment avec agilité. Par conséquent, toute limitation des amplitudes articulaires limitera les techniques de déplacement et de maitrise du ballon des joueurs.


Face à ce constat, on pourrait penser que la solution pour performer dans le football est que les joueurs soient aussi souples que des danseurs ou des artistes de cirque hyperlaxes. Cependant, la réalité est plus complexe, car les joueurs doivent être aussi capables de contracter leurs fibres musculaires (in)volontairement de manière optimale et rapide pour générer la tension nécessaire à la production maximale de la vitesse d'exécution et de déplacement. Cela requiert un niveau de prétension musculaire préalable à la contraction, techniquement appelé le « slack musculaire ».


Un joueur, par ses déplacements prioritaires en accélérations, mobilise principalement la tension de contraction de ses muscles phasiques, ce qui les raccourcit progressivement. Notamment, parce qu’en projetant la ceinture scapulaire des joueurs vers l'avant-bas, le football engendre des cycles de foulée à petit rayon surfréquents qui empêchent l’étirement des muscles phasiques impliqués dans ce mouvement. Cela péjore le couplage pliométrique des tensions d'étirement et de contraction. Il en résulte un moulinage de petites foulées de cycle arrière de mode concentrique.


Cette prépondérance du régime concentrique additionnée à la négligence des joueurs à bien entretenir leurs muscles phasiques en oubliant de, ou en n’étant pas conscient de devoir, compenser par des étirements le raccourcissement musculaire induit et à la croyance du milieu que la souplesse contrevient à la production de vitesse par diminution du « slack musculaire » expliquent pourquoi il est très rare de rencontrer un footballeur souple dans toute sa carrière de PPF.


Il convient de noter que les tensions d'étirement ne sont pas absentes de la production des mouvements footballistiques. En effet, si le joueur se doit d'avoir les meilleures accélérations possibles, il doit aussi décélérer le plus abruptement possible par freinage ou tensions d’étirement excentriques. Ces dernières contribuent à absorber l’énergie cinétique et à stabiliser le mouvement en cours.


Pour les muscles statiques, dont la fonction est de stabiliser notre posture pour maintenir notre bipédie en équilibre, la problématique se situe principalement dans la mobilisation par les joueurs de leur chaîne postérieure. Pour éviter le basculement en avant-bas postural précité, ils sollicitent en force et en réactivité les muscles statiques de leur chaîne postérieure, soit leurs muscles spinaux, par des tensions de contraction. Il en résulte très souvent une surtension isométrique de contraction de ces muscles statiques, ce qui explique la prévalence des lombalgies, la présence de Triggers Points, de petites contractures dorsales et des douleurs cervicales chez les joueurs.


La prédominance footballistique de la tension de contraction limite l'élasticité musculaire, ce qui explique possiblement de nombreuses blessures, notamment des ischios. Cette prédominance entrave de fait la production de la vitesse footballistique, car elle empêche le relâchement nécessaire qui favorise des contractions musculaires de qualité. 


Pour résoudre cet entravement, les joueurs tombent souvent dans un cercle vicieux en recherchant une surtension de contraction, en misant sur leur force pour tenter d’aller plus vite. Cela revient à essayer de tendre davantage des muscles déjà tendus, ou à ajouter de la raideur à une raideur existante, alors que cela entrave en réalité la libération d'énergie nécessaire à la production des gestes techniques du football, comme courir, sauter ou plonger efficacement.


En conséquence, toute musculation visant à renforcer encore davantage les muscles phasiques et statiques déjà fortement tendus peut en réalité affaiblir le rendement musculaire en restreignant l'amplitude des mouvements et en renforçant les déséquilibres musculaires, ce qui entraine une dépense énergétique supplémentaire dans la production de la gestuelle footballistique à cause d’un étriquement corporel.


Pour libérer pleinement l'énergie mécanique musculaire d'un joueur, je propose plutôt d'une part de « libérer» sa structure corporelle par des tensions d'étirement en mode excentrique comme le propose le Stretching Global Actif. D'autre part, je suggère d'abandonner les exercices tels que les crunchs, qui renforcent la rétraction de la chaîne musculaire antérieure en raccourcissant les psoas [4].


Sur la base de ces propos, je suis quasiment sûr que si on subdivise une équipe en un groupe qui effectuerait un programme de mobilité/souplesse par tensions d’étirement principalement en mode excentrique et un second qui effectuerait un programme de musculation par tensions de contraction en mode concentrique, le premier progresserait plus en montée de vitesse, ou accélération, et en vitesse maximale que le second au terme d'un mésocycle d'entraînement. 


Fort heureusement, le football s'est tourné vers la musculation fonctionnelle au cours des dix dernières années. Cela signifie qu'il entraîne le développement qualitatif du mouvement par le mouvement lui-même plutôt que par le simple renforcement des groupes musculaires. Cette approche limite l’utilisation d’exercices de force-vitesse donc la culture de la contraction lente qui « force » la production de la vitesse des mouvements et raidit.


Pour mieux tenir le ballon et s'imposer dans les duels, des programmes de musculation en hypertrophie sont parfois proposés aux joueurs pour qu’ils prennent de la masse. Je ne suis pas opposé à ce type d'acquisition de masses musculaires. Je préfère tout de même inscrire cette acquisition dans une perspective intermusculaire, selon la méthode de Michel Pradet, des «charges non-maximales (de 50% à 70% de la force maximale) mobilisées à vitesse maximale» [5]. Cette méthode permet une prise de masse, certes moins importante et plus progressive que l’hyperthrophie, sans entraîner de la raideur, car la vitesse maximale demandée par la méthode oblige à la décontraction.


En conclusion de cette discussion, je préciserai la citation de Muriel André en: « la musculation footballistique rend la plupart du temps les joueurs plus faibles lorsqu’elle s’effectue par la sollicitation prioritaire et presque exclusive de leurs tensions de contraction, ce qui les (sur)raidissent et par là les affaiblissent en limitant la libération de leur énergie mécanique ».


[1] Pour faire connaissance avec Muriel André ainsi qu'avec les principes de la Rééducation posturale globale et le Stretching Global Actif, je vous invite à consulter le site https://www.andremuriel.be/ (consulté le 5 juillet 2023) ainsi que le livre de Philippe Souchard, De la perfection musculaire à la performance sportive, Edition Déslris, 1994. hi

[2] Pour un résumé synthétique de ce qu'est la musculation et de ses méthodes, consulter Etienne Chabloz, Les bases de la planification en musculation, Médecine du sport CHUV, UNIL 2016.

[3] Pour une vraie explication de la compliance musculaire, lire la partie théorique de la thèse de doctorat de Stevy Farcy, Compliance de la composante élastique série in vivo; contribution musculaire, tendineuse et aponévrotique et plasticité à la variation de la demande fonctionnelle, Université de Paris-Est Créteuil, 17 décembre 2015.

[4] Bernadette de Gasquet, Abdominaux : arrêtez le massacre ! : méthode abdologie de Gasquet, Paris, Marabout, 2009.

[5] Michel Pradet, La préparation physique, INSEP-Edition, 1996, Paris.

 
 
 

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