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Cessons d’entraîner physiquement nos footballeurs comme des entraîneurs de demi-fond

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 15 juin
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 24 sept.

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Il en va d’un match comme du rythme de notre société : tout va plus vite aujourd’hui ! En réponse, la préparation physique footballistique intensifie ses exercices intermittents Vitesse maximale aérobique (VMA), qui deviennent ainsi des High-Intensity Interval Trainings (HIIT). L’objectif est de permettre aux joueurs de répéter un grand nombre d’actions tout en conservant une haute qualité d’exécution. Le problème, c’est que ces HIIT sont paramétrés en fonction de la Vitesse Maximale Aérobie (VMA), et non de la vitesse maximale propre à chaque joueur.


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Résumé audio de NotebookLM

Dans l’absolu, cela signifie que la vitesse maximale des joueurs est stimulée selon des paramètres d’endurance. Le problème, c’est que la vitesse n’est alors pas travaillée pour et par elle-même, ce qui crée un plafond de verre en termes de performance de niveau de vitesse.


Cela traduit également la priorité, chez les préparateurs physiques footballistiques (PPF), de développer avant tout le métabolisme des joueurs, dans le but qu'ils tiennent mieux leur match. Il en résulte un développement physique quantitatif, avec des joueurs capables d’enchaîner sans fin des actions à moyenne et haute intensité. En revanche, ce type d’entraînement n’élève pas le niveau de vitesse maximale. Or, c’est justement cette qualité qui fait désormais la différence sur le terrain.


Même si comparaison n’est pas raison, les disciplines de fond et de demi-fond en athlétisme sont confrontées à une problématique similaire. L'évoquer permet alors d’éclairer le présent propos footballistique.


Avant la révolution des chaussures en carbone, les entraîneurs de demi-fond et de fond misaient principalement sur le développement métabolique de leurs athlètes pour qu'ils performent. Or, avec l’arrivée de ces nouvelles chaussures, qui dynamisent la propulsion de la foulée, donc la vitesse motrice, les records tombent les uns après les autres et la densité des performances de haut niveau augmente significativement.


Le constat est donc simple. La stagnation des performances en endurance a été résolue par un apport technique exogène lié à la vitesse selon le même exemple que ce qu’a vécu la natation avec les combinaisons. On aurait pu penser que les athlètes ne tiendraient énergétiquement pas les rythmes de course induits par ces nouvelles chaussures. Il n’en est rien, car visiblement ils disposaient déjà des ressources métaboliques nécessaires, ce qui pose la question de l’efficience de l’entraînement d’endurance. Visiblement, ils ont en font plus que nécessaire.


Il semblerait même que ces chaussures, en dynamisant la foulée, obligent les athlètes à techniquement mieux courir, c’est-à-dire de manière plus économique, tout en leur procurant une réserve de vitesse qui retarde l’apparition de l’accumulation lactique. Cela démontre que le plafonnement des performances n’était pas d’ordre métabolique, mais coordinatif.


Cela explique pourquoi, aujourd’hui, les fondeurs et demi-fondeurs intègrent de plus en plus d’exercices visant à développer la montée de la puissance musculaire, ou l’explosivité, dans le but d’élever leur niveau de vitesse. Compte tenu de la nécessité de maintenir un ratio poids/puissance favorable, ils privilégient une approche fondée sur la vitesse-force, c’est-à-dire sur la coordination intermusculaire.


Cependant, cette nouvelle sensibilité à l’importance de la vitesse ne s’accompagne pas toujours d’une compréhension réelle de son entraînement spécifique. Par exemple, lorsque les fondeurs ou demi-fondeurs entraînent leur vitesse, ils le font souvent sur des distances de 50 mètres et plus.


Or, le développement qualitatif de la vitesse se fait sur des distances plus courtes, de 20 à 30 mètres, notamment en départ lancé ou en légère descente (3% de dénivelé négatif accepté). En effet, il est très difficile de maintenir une vitesse maximale au-delà de 25 mètres sans basculer dans de l’endurance de la vitesse donc dans un entraînement métabolique.


Si certains affirment que 30 mètres ou 50 mètres ne font pas de différence en termes de stimulation de la vitesse, cela révèle simplement qu’ils ne comprennent pas ce qu’est réellement la vitesse maximale et qu’ils ne l’on jamais réellement stimulée. Pour en donner une image; c'est comme si vous roulez en 3ème et que vous ne passez jamais la 4ème et 5ème vitesse de votre voiture de sport alors que vous êtes sur une autoroute sans limitation de vitesse.


Cette situation s’explique, selon moi, par le fait que les entraîneurs de fond et de demi-fond n’ont pas encore saisi que leurs disciplines sont désormais devenues des sports de vitesse. En effet, il leur faut reconnaître que courir 800 mètres en 1 minute 40 (soit une vitesse moyenne de 28Km/h) ou un marathon en 2 heures et 35 secondes, (soit moins de 3mn au kilomètre en moyenne sur 42km ou plus de 20Km/h) c’est de la vitesse et non plus simplement de l’endurance.


Malheureusement, ce changement de paradigme reste difficile à accepter pour les entraîneurs de fond et de demi-fond. Tout simplement parce qu’ils ne connaissent ni la vitesse maximale, ni la manière de l’entraîner, sachant qu’ils ne l’ont jamais réellement pratiqué et donc qu'ils ne « sentent » pas ce qu'est la vitesse maximale au même titre que les entraîneurs de sprint ne connaissent pas ce qu'est d'effectuer un 1500m et plus.


À ce titre, les entraîneurs de vitesse et ceux de demi-fond évoluent dans des univers complètement différents, voire hermétiques. Il ne viendrait ainsi pas à l’idée d’un entraîneur de demi-fond de former des sprinters… et l’inverse est tout aussi vrai.


Les philosophies de ces deux types d’entraîneurs, que l’on peut qualifier de qualitative et coordinative pour les entraîneurs de vitesse, et de quantitative et métabolique pour ceux de fond et de demi-fond, se rencontrent sur les disciplines charnières que sont le 400 m et le 800 m.


On trouve ainsi des coureurs de 400 m issus de la filière vitesse, dont l’objectif est de maintenir leur niveau de vitesse le plus longtemps possible. À l’inverse, pour les athlètes. plus rares, qui descendent du 800 m vers le 400 m, le but est de retarder l’accumulation des lactates en élevant leur seuil aérobie et la capacité à le maintenir sur la durée sans basculer dans la filière anaérobie lactique.


Ceci dit, il est largement admis que la cohorte d’athlètes venant de la vitesse est désormais la plus performante. D’ailleurs, sans une très haute qualité de vitesse, on ne gagne même plus aujourd’hui un 10 000 m, ni même un marathon, qui se jouent désormais sur les sprints finaux.


Si je me permets de critiquer cette approche endurante, c’est parce que j’ai moi-même longtemps adhéré à cette mentalité quantitative. En début d'activité, j’entraînais alors mes sprinters en leur demandant de multiplier les séries allant jusqu’à 300 mètres.


Je partageais à l’époque la doxa générale. Cette doxa explique, notamment, que les sprinters suisses ont historiquement été meilleurs sur 200 mètres que sur 100 mètres. Je dois à Fernand Urtebise une prise de conscience déterminante. Il m’a fait comprendre que pour des athlètes de 100 mètres, il n’est pas nécessaire d’entraîner plus long et moins intensif. Cela signifiait, en creux, que je n’entraînais pas mes sprinters à l’intensité et les distances réellement requises, soit comme des sprinters, ce qui était particulièrement gênant pour un entraîneur national de sprint !


Par la suite, j’ai donc orienté mon travail vers l’extension du plus haut niveau de vitesse de mes athlètes, plutôt que vers le développement de leurs seules capacités métaboliques. Cette réorientation a permis à l’un de mes athlètes de courir un 400 mètres en 45''60, sans chaussures en carbone, sans bénéficier des avancées de la science de l’entraînement des 30 dernières années, ni des conditions actuelles de soutien aux athlètes suisses. Ces 45''60 valent probablement aujourd’hui un 400 mètres couru en moins de 45 secondes. Les spécialistes apprécieront.


Si cet intermède athlétique a été aussi long, c’est qu’il introduit une des grandes problématiques de la préparation physique footballistique. Les PPFs entraînent trop souvent les joueurs comme des entraîneurs de demi-fond et de fond.


Pour preuve, ils calibrent d’abord les intensités des exercices intermittents en fonction d’un pourcentage de VMA. Ensuite, ils n’entraînent pas techniquement la vitesse footballistique et ne la stimulent pas, ni qualitativement ni quantitativement, en tant que qualité physique spécifique footballistique. Cela s’explique parce que pour la plupart des PPFs la qualité de vitesse est innée. Or cela signifierait que les sprinters n’auraient pas besoin de s’entraîner.


Tout le monde comprend alors ici que cette argumentation n’est pas tenable et ne justifie pas des absences de stimulation de la vitesse footballistique. Surtout que le niveau requis pour jouer au plus haut des niveaux footballistiques est atteignable, avec un travail bien planifié, pour la plupart des joueurs quel que soit leur talent inné de vitesse. Enfin, si l’on consulte les programmes de pré-préparation des équipes professionnelles, la plupart invitent les joueurs à stimuler leur vitesse par des répétitions de sprints de 50 à 60 mètres, ce qui n’est pas de la vitesse footballistique sachant que la moyenne des distances des accélérations footballistiques sont de l’ordre de 18 m.


Au même titre qu’un entraîneur a tendance à entraîner selon le poste auquel il a joué, les PPFs sont également marqués par leur parcours et leurs expériences de vie. Il est donc entendu qu’ils entraînent comme ils ont été formés, en reproduisant ce qu’ils connaissent.


Mais, il leur appartient désormais d’explorer ce domaine en s’objectivant afin que leurs tenaces habitudes d’endurance ne nuisent pas à la performance physique de leurs joueurs. Ce n’est plus un vœu pieux, mais bien une nécessité sachant que des prémices du passage du paradigme d’endurance actuel à celui de la vitesse surgissent çà et là, comme en témoigne l’adoption du projet Power to Win de l’Association Suisse de Football (ASF).


Il est donc certain que la sensibilisation à l’entraînement de la vitesse comme thème principal de la préparation physique footballistique ne fait que commencer. Pour savoir si la préparation physique footballistique prend en compte cette évolution, il suffit que les PPFs orientés vitesse footballistique ne soient plus considérés comme des « spécialistes », c’est-à-dire des techniciens dont on salue les propos innovants et intéressants, mais auxquels on ne donne pas réellement de poids ni de crédit. Cette attitude d’exclusion peut s’expliquer par le désir de maintenir un conformisme institutionnel clanique rassurant.


Or, on peut prédire, au vu des demandes d’intensification observées sur les terrains, que dans les dix prochaines années, l’entraînement de la vitesse footballistique sera devenu incontournable donc au cœur de la préparation physique footballistique.


Dans cette perspective, j’invite tous les PPFs et les organismes de formation à réfléchir sérieusement à leur manière d’entraîner et d’enseigner la vitesse footballistique. Surtout que l'affaire est simple. Il s’agit en fait de l’entraîner par elle-même et non par l'endurance.

 
 
 

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