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Les usages, les limites et les pistes d’amélioration du contrôle du poids footballistique

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 12 août
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 sept.

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Dans le football de compétition, il est d’usage de peser systématiquement les joueurs au retour des pauses d’intersaison. Cette pratique immémoriale vise à évaluer leur état de forme général et à repérer d’éventuelles prises de poids pouvant trahir un manque de discipline, une hygiène de vie désordonnée ou une rupture avec les principes nutritionnels et d'entraînement du club.


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Résumé audio de NotebookLM

Toutefois, à y regarder de plus près, une prise de poids rapide lors d’une intersaison ne signifie pas toujours un déséquilibre ou un comportement fautif. Il peut refléter un mécanisme physiologique naturel de récupération et de reconstitution des réserves énergétiques [1]. De plus, le poids seul est un indicateur insuffisant pour juger de la condition physique ou de la santé d’un joueur [2].


C’est là que la distinction entre le poids du corps, mesuré en kilogrammes, et le poids de forme, ou la fourchette de poids optimale propre à chaque joueur, c’est-à-dire où il se sent performant et en bonne santé, prend toute son importance [3]. Un joueur peut ainsi se situer au-dessus de la moyenne théorique de son poids de forme tout en performant mieux.


Cet exemple illustre les possibles confusions donnant lieu à de fausses interprétations des prises de poids d’un joueur. Cet écrit discute alors, à des fins d’éclaircissement, de la portée de la pesée ainsi que des éléments qui déterminent une prise de poids durant une intersaison. Dans un second temps, il propose d’élever le niveau de pertinence de la performativité de l’entraînement physique footballistique par un suivi individualisé longitudinal du poids des joueurs.


1. La pesée footballistique et l’interprétation d’une prise de prise de poids

La pesée au retour de l’intersaison est un rituel footballistique courant. Elle permet aux staffs de comparer le poids actuel au poids « de référence » du joueur et de détecter toute variation significative.

 

Cette surveillance traduit une forme de contrôle social sur le corps des joueurs [4] et leur comportement en dehors du club. Une prise de poids est alors interprétée comme le reflet d’un manque de professionnalisme, en lien avec une vie festive, une alimentation déséquilibrée ou une coupure trop longue avec l'entraînement, ce qui donne lieu parfois à des amendes financières.


Dans cette perspective, une prise de poids footballistique s’explique grossièrement par 6 facteurs pouvant s’additionner de cas en cas. Ce sont la reconstitution des réserves, un gain de masse musculaire, un besoin d’un surcroit pondéral, la distinction entre silhouette et poids, l’importance du taux de graisse et les variations journalières de poids.

 

a) Reconstitution des réserves

Après une saison exigeante, le joueur peut naturellement entrer dans une phase de compensation durant laquelle l’organisme reconstitue ses réserves énergétiques (glycogène, lipides, eau). Cela peut se traduire par une prise de poids transitoire, sans que cela soit délétère [5].

 

b) Gain de masse musculaire

Selon l’alimentation, le sommeil et le niveau d'activité, certains joueurs peuvent aussi gagner en masse musculaire pendant l’intersaison s’ils continuent une activité physique légère. Or, la masse musculaire pèse plus que la masse grasse, ce qui fausse l’interprétation de la pesée seule [2].

 

c) Le besoin d’un surpoids pour performer

Il existe aussi des profils morphologiques pour lesquels un léger surpoids par rapport aux standards est non seulement toléré, mais parfois bénéfique. Un joueur plus lourd peut être plus difficile à bouger lors des duels, encaisser mieux les chocs et générer plus d’inertie sur des phases de jeu spécifiques [6].

 

d) Poids versus silhouette

Un joueur peut avoir une silhouette affinée, avec moins de masse grasse et plus de masse maigre, tout en pesant plus qu’avant. L’inverse est également vrai. Une perte de poids rapide peut cacher une perte de masse musculaire, ce qui est délétère pour la performance [3].

 

e) L’importance du taux de masse grasse

La pince cutanée (ou adipomètre) permet d’estimer le pourcentage de masse grasse en mesurant l’épaisseur des plis cutanés à différents endroits du corps (triceps, abdomen, cuisse, etc.). Selon les recommandations françaises, un footballeur a une teneur optimale en graisse lorsqu’il est composé de 8 à 12 % de masse grasse. Si son taux se situe en dessous de 6%, le joueur risque des troubles hormonaux et est victime de fatigue chronique. Au-dessus de 15%, il y a une baisse de VO₂ max et de la montée de la puissance musculaire ou explosivité [7].

 

f) La variation journalière du poids

Le poids d’un joueur peut varier de 1 à 3 % au cours d’une même journée, essentiellement en raison des fluctuations hydriques soit la transpiration, le niveau d’hydratation, la digestion et la vidange gastrique. Ceci dit, une variation de 2 % du poids corporel liée à la perte d’eau peut déjà affecter la performance, en diminuant la capacité d’endurance et la concentration [8]

 

De même, les repas riches en glucides peuvent augmenter le poids transitoirement, car le stockage du glycogène s’accompagne d’une rétention d’eau soit environ 3gr d’eau par gramme de glycogène. Dans cette perspective, la pesée quotidienne devrait idéalement être effectuée à la même heure, dans des conditions standardisées (à jeun, après un passage aux toilettes) afin de limiter les biais liés à ces variations.


Cela rappelle que toute interprétation du poids brut doit intégrer le contexte hydrique et alimentaire du moment, sous peine de tirer des conclusions hâtives et erronées.


2) Vers une évaluation plus individualisée du poids des joueurs

Plutôt que de s’arrêter à la pesée, il semble donc plus pertinent d’adopter une approche globale, longitudinale et individualisée en combinant la pesée, la pince cutanée, l’analyse de la silhouette et le suivi de la performance terrain, en intégrant les données contextuelles telles que la durée de l’intersaison, les éventuelles blessures ainsi que la charge d’entraînement résiduelle, en identifiant le poids de forme individuel du joueur, plutôt que de se référer à une norme unique et enfin en favorisant un dialogue éducatif entre le staff médical, les préparateurs physiques footballistiques (PPF) et le joueur afin d’éviter les jugements hâtifs ou la culpabilisation [9].


En sus de ce panel d’intervention, il y a l’apport de la balance à impédancemètre dont les seuils permettent de détecter précocement les déséquilibres hydriques ou nutritionnels, d’ajuster la préparation physique et la récupération en fonction des besoins réels et d’individualiser les programmes alimentaires selon le poste et le style de jeu. Cet outil de plus en plus utilisé dans les clubs envoie un courant électrique de faible intensité à travers le corps et mesure la résistance (impédance) rencontrée par ce courant.


Dans ce cadre d’intervention, les tissus gras étant moins conducteurs que les tissus hydratés (muscles, sang), l’appareil peut estimer le pourcentage de graisse corporelle. Par différence avec la masse grasse, la masse maigre (muscles, os, organes) est calculée. Comme la conductivité dépend aussi de l’eau corporelle, le courant de fiable intensité permet d’estimer l’eau totale, soit l’eau intracellulaire et extracellulaire. Certaines balances avancées estiment aussi la masse musculaire segmentaire (par membre), la masse osseuse, l’IMC, et parfois le métabolisme de base.


L’intérêt d’utiliser une telle balance est double. Par elle, on dépasse la donnée brute de poids pour comprendre les variations (ex. +2 kg liés à un stockage hydrique vs. +2 kg de masse grasse) et on peut adapter l’entraînement, l’alimentation et la récupération en fonction des déficits ou des excès constatés.


À ce stade, il parait nécessaire d’évoquer les normes de référence mesurées par impédancemétrie. pour un footballeur qui compète. Ces valeurs sont données à titre indicatif et peuvent varier selon l’âge, le poste, l’historique médical et le style de jeu.

Masse grasse

 

- Zone optimale : 8–12 %

- Risque de déficit énergétique et troubles hormonaux : < 6 %

- Risque de baisse de performance (explosivité, VO₂ max) : > 15 %

Masse maigre (muscles, os, organes) 

- Objectif : ≥ 80 % du poids corporel chez le joueur de champ

- La masse musculaire segmentaire doit rester équilibrée entre les deux membres inférieurs pour prévenir les déséquilibres posturaux et les blessures

Eau totale

 

- Valeur optimale : 55–65 % du poids corporel

- Eau intracellulaire : environ 60 % de l’eau totale (essentielle à la contraction musculaire)

- Eau extracellulaire : environ 40 % de l’eau totale (liée à la circulation et aux échanges)

- En dessous de 50 %, il y a un risque de déshydratation donc une baisse des capacités d’endurance et de concentration

Masse osseuse

 

- Norme : 3–5 % du poids corporel

- Valeurs basses : surveiller l’apport en calcium, vitamine D et la charge mécanique à l’entraînement

Indice de masse corporelle (IMC) 

- Plage de performance pour les footballeurs pros : 21–24 kg/m²

- Doit toujours être interprété avec la masse grasse et la masse maigre

Métabolisme de base

- En moyenne de 2000–3 000 kcal/jour pour un joueur adulte

- Une valeur trop basse peut indiquer une restriction calorique prolongée ou une perte de masse musculaire


Pour illustrer, ce que ce type de balance peut pratiquement identifier, je propose de « peser » deux joueurs qui ont le même poids, mais selon des éléments qui diffèrent. 

Joueur

Poids total

Masse grasse (%)

Masse musculaire

Eau totale (%)

Interprétation

Joueur A (déficit hydrique)

78,0 kg

11 %

36 kg

50 % (bas)

Perte d’eau importante, risque de baisse de performance (endurance, concentration). À réhydrater avant reprise intensive.

Joueur B (masse graisse profonde insuffisante)

78,0 kg

5 %

39 kg

62 % (haut)

Masse grasse trop faible : risque hormonal, fatigue chronique. Nécessite un rééquilibrage nutritionnel.


Cette simulation illustre que deux joueurs affichant le même poids peuvent nécessiter des mesures correctives totalement opposées. L’un doit restaurer ses réserves hydriques et électrolytiques et l’autre doit reconstituer une masse grasse fonctionnelle pour éviter les troubles liés à un déficit énergétique chronique. Ainsi, l’impédancemétrie permet d’éviter les conclusions hâtives basées uniquement sur le poids brut et de mettre en place un suivi individualisé plus sûr et plus efficace.


En synthèse

La pesée en début de préparation reste un outil utile, mais elle ne doit pas être surestimée ni interprétée isolément. Une prise de poids n’est pas nécessairement synonyme de désordre et d’indiscipline. Elle peut aussi refléter des mécanismes physiologiques naturels, un ajustement morphologique ou une évolution vers un poids de forme plus élevé, mais toujours optimal pour la performance.


L’approche la plus rigoureuse consiste à s’appuyer sur la mesure de la composition corporelle et l’observation du rendement sportif, afin d’adapter l’analyse à chaque morphotype. Cette individualisation, notamment par la balance impédancemètre, contribue à préserver à long terme la performance tout en respectant l'intégrité physique et psychologique des joueurs.


[1] M., Fogelholm, Effects of bodyweight reduction on sports performance. Sports Medicine, 18(4), 249–267. 1994.

[2] S., Grosprêtre, B., Maton, et R., Lepers, Analyse de la composition corporelle en sport de haut niveau. Revue STAPS, 126(4), 77–90. 2019. S., Grosprêtre, B., Maton, et R., Lepers, Analyse de la composition corporelle en sport de haut niveau. Revue STAPS, 126(4), 77–90. 2019.

[3] A. E., Jeukendrup, et M., Gleeson, Sport Nutrition: An Introduction to Energy Production and Performance (3rd ed.). Human Kinetics. 2018.

[4] M., Foucault, Surveiller et punir. Gallimard. 1975.

[5] J., Bergström, et E., Hultman, Muscle glycogen synthesis after exercise: an enhancing factor localized to the muscle cells in man. Nature, 210(5033), 309–310. 1966.

[6] (W. J., Kraemer, et N. A., Ratamess, Fundamentals of resistance training: progression and exercise prescription. Medicine & Science in Sports & Exercise, 36(4), 674–688. 2004.

[7] Sous la direction de Christophe Hausswirth, Nutrition et performance en sport : la science au bout de la fourchette, INSEP-Éditions. 2018.

[8] M. N., Sawka, et al. American College of Sports Medicine position stand: Exercise and fluid replacement. Medicine & Science in Sports & Exercise, 39(2), 377–390. 2007.

[9]  J., Sundgot-Borgen et Garthe, Elite athletes in aesthetic and Olympic weight-class sports and the challenge of body weight and body compositions. Journal of Sports Sciences, 29(sup1), S101–S114. 2011.

 

 
 
 

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