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Souffler pour bien jouer : Le rôle clé de l'expiration footballistique !

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 18 juin
  • 8 min de lecture
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Le football est un sport d’intermittence dont l’intensité des saccades augmente au fil des ans. Si le nombre de répétition des efforts ne change pas significativement, leur configuration évolue en enchaînements plus rapprochés et plus nombreux en termes d’actions au sein d’une même séquence de jeu. Cela reflète l’évolution technico-tactique des matchs, caractérisée par des phases de jeu placé soudainement interrompues par le déclenchement de pressings et de contre-pressings [1].


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Résumé audio de NotebookLM

Ce jeu, fait d’à-coups de plus en plus marqués, exige des joueurs une réactivité accrue pour rester dans le rythme de l’animation du jeu, ou la capacité de moduler au bon moment leurs taux de montée de vitesse, autrement dit de leurs accélérations. La faculté à mobiliser plus promptement et plus complètement son énergie que l’adversaire, au moment opportun, devient alors un atout physique clé pour créer des différences décisives au cours d’un match [2].


Il est entendu que la qualité de cette mobilisation énergétique est en grande partie d’ordre cognitif. Ainsi, la compréhension des temps forts et faibles d’un match, ainsi que la lecture du jeu, obèrent ou majorent la qualité des moments et des intensités de cette mobilisation énergétique [3].


En tant que préparateur physique footballistique (PPF), je laisse aux techniciens autorisés le soin d’aborder et d’expliquer le sujet. Je mets aussi de côté, dans cette réflexion, les facteurs « physiques indirects » susceptibles d’influencer la qualité de la mobilisation énergétique tels que les émotions, la motivation, les états de forme et de santé, le niveau de biotenségrité


Ce qui m’intéresse alors dans la mécanique de l’effort footballistique, c’est d’identifier les outils pratiques permettant aux joueurs d’optimiser la mobilisation répétitive de l’énergie de leurs efforts de match. C’est ce qui m’amène à discuter ici du rôle de l’expiration, ou plus généralement, si on l’associe à l’inspiration, du souffle.


1. L’expiration comme déclencheur neuro-musculaire

L’acte d’expirer — de manière volontaire, active et synchronisée avec un geste moteur — permet de stimuler le système nerveux autonome, en particulier via une activation du système nerveux sympathique, qui est responsable de la réponse de combat ou de fuite [4]. En clair : expirer fortement et brièvement au moment du déclenchement d’un effort footballistique contribue à générer un pic de tonicité musculaire, à augmenter la pression intra-abdominale et à stabiliser le tronc [5].


Cela améliore la transmission des forces mécaniques à travers l’ensemble du corps, optimisant ainsi l’efficacité du mouvement. Apprendre à associer l’expiration à l’initiation de l’effort peut permettre de gagner les quelques millisecondes décisives qui font la différence pour arriver systématiquement sur le ballon avant l’adversaire.


2. L’expiration « libère » l’énergie

Physiologiquement, l’expiration est aussi un moyen d’évacuation du dioxyde de carbone (CO₂), un déchet métabolique produit massivement lors des efforts intenses. Une expiration efficace permet donc de maintenir l’équilibre acido-basique de l’organisme, et ainsi retarder l’apparition de la fatigue musculaire [6].  


Au moment même de l’effort, une expiration dynamique agit comme un outil de désaturation physiologique. Bien que notre système nerveux régule de manière inconsciente le rythme des inspirations et des expirations pour maintenir l’homéostasie respiratoire [7], les joueurs peuvent volontairement en intensifier l’amplitude ou le rythme si nécessaire.


Ainsi, lors de la dernière Coupe du monde de rugby, les équipes profitaient systématiquement des interruptions de match pour se rassembler et pratiquer une expiration diaphragmatique profonde. Ce rituel permettait de mobiliser le système nerveux parasympathique afin de calmer les émotions, de recentrer l’attention, mais surtout de réduire l’acidose corporelle. Cette expiration forcée présente également l’avantage de soulager les points de côté en relâchant le diaphragme [8].


3. L’expiration pour mieux projeter le corps dans les espaces de jeu

Sur le plan proprioceptif, marquer l’expiration pour mobiliser son énergie musculaire permet de recentrer l’attention sur le corps, d’ancrer le geste, d’être pleinement présent dans le mouvement à produire. Ce marquage respiratoire renforce la synchronisation entre l’intention et l’action dans l’objectif de dynamiser la projection corporelle du joueur dans l’espace de jeu [9].


L’apprentissage de l’expiration en situation d’effort

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Chez certains joueurs, ce réflexe expiratoire est intégré de manière inconsciente : ils « soufflent » naturellement dans le tempo juste du geste ; qu’il s’agisse d’une frappe, d’un saut ou d’un duel. Mais, selon mon expérience du terrain, il est trop rare qu’un joueur expire au bon moment pour véritablement dynamiser son effort. La bonne nouvelle, c’est que cela peut s’apprendre et s’entraîner.


En général, les joueurs expirent en fin d’effort, comme s’ils tentaient d’élever leur tension corporelle par compression pour surmonter la difficulté par des apnées. Or, ces apnées empêchent justement la libération optimale de l’énergie au moment où l’effort se déclenche [10]. En intervenant après ce moment clé, elles augmentent inutilement la charge physiologique, retardent l’oxygénation du corps et réduisent à la fois la durée et la qualité de la réoxygénation.


Cela entraîne des respirations intercostales, haletantes, bien moins réoxygénatives que des respirations profondes, qui assurent une meilleure ventilation des zones pulmonaires profondes, là où les échanges gazeux sont les plus performants [11]. L’objectif d’un apprentissage de l’expiration n’est donc plus de « respirer plus vite de façon précipitée », mais de « respirer mieux en profondeur » — c’est-à-dire pleinement, au moment décisif.


Pour cela, il convient dans un premier temps de distinguer l’expiration diaphragmatique de l’expiration intercostale, puis, sur cette base, d’apprendre à contrôler le volume respiratoire en modulant l’intensité de l’expiration. Il est important de noter qu’il suffit généralement d’intensifier l’expiration pour augmenter le volume respiratoire global [12].


En effet, expirer en profondeur vide davantage les poumons, ce qui provoque mécaniquement des inspirations plus amples, les poumons cherchant à combler le volume disponible. Ce phénomène s’explique par la création d’une différence de pression entre l’intérieur des poumons et l’air ambiant, ce qui déclenche automatiquement une inhalation [13]. 


Dans une deuxième temps, il est important de faire prendre conscience qu’à l’expiration, le ventre se rentre plutôt que se gonfle, ce qui n’est pas toujours évident à percevoir. Une fois ce mécanisme intégré, le joueur peut, par des respirations diaphragmatiques profondes, renforcer la motilité de son diaphragme et ainsi améliorer la qualité de ses expulsions d’air [14].


Sur cette base, l’objectif est d’apprendre aux joueurs à déclencher leur expiration dans le bon timing, pour dynamiser la production énergétique de l’effort. Au-delà d’inciter les joueurs à expirer davantage lors des phases d’action, mais aussi pendant des pauses récupératrices, j’utilise les exercices d’accélération, ainsi que des exercices de musculation dynamique, pour entraîner cette capacité.


Lors des accélérations, je demande de marquer les trois premiers appuis par des expirations « explosives ». L’idée est ainsi d’obtenir des premiers appuis plus toniques, mais aussi de faire comprendre au joueur que tout se joue dès le premier appui pour prendre l’avantage sur l’adversaire: plus cet appui sera activé, plus les appuis suivants seront dynamiques. Il s’agit également de rappeler que l’effort énergétique majeur est fourni dès le début de l’action afin de vaincre l’inertie des masses corporelles.


Le but est d’être sur le ballon ou dans l’espace désirés avant l’adversaire. En expulsant son air, le joueur se donne un temps et un espace d’avance. Cela permet d’éviter que les joueurs ne courent derrière le ballon ou l’adversaire à cause d’accélérations dont le taux de montée de vitesse est trop faible. Pour illustrer la chose, sans en retenir le niveau de décibel, rappelons-nous des cris primaires intenses lors des frappes en tennis ou des lancers en athlétisme [15].


En ce qui concerne les séances de musculation, les joueurs expirent généralement trop souvent en fin d’exercice. C’est comme s’ils ressentaient à nouveau le besoin de maintenir une pression interne constante pendant toute la durée de l’effort pour en faciliter l’exécution. Or, cela nuit à la pleine libération d’énergie, essentielle pour aider le joueur à se projeter dans l’espace. Je les incite donc à expirer lors des déclenchements de chaque poussée d’engin, ce qui va en plus aider à vaincre l’inertie corporelle de départ.


L’ensemble permet au joueur de stimuler sa mobilisation énergétique par ses expirations, que ce soit pour investir plus dynamiquement les espaces ou pour améliorer l’oxygénation lors des phases de récupération entre les efforts.


En conclusion : souffler fort pour performer fort

L’expiration n’est pas un détail. Avec un travail d’intégration adapté, elle peut devenir un déclencheur de puissance, de stabilité, de relâchement ou de récupération physique, selon le moment du match et l’intention du joueur. Dans un football de plus en plus exigeant, où chaque action peut faire basculer l’issu d’un match, expirer au bon moment, c’est apprendre à mobiliser son énergie de manière intelligente, discrète à des fins performative.


[1] A., Dellal, K., Chamari, A., Pintus, O., Girard, T., Cotte, D., Keller. Heart rate responses during small-sided games and short intermittent running training in elite soccer players: A comparative study. In The Journal of Strength & Conditioning Research, 25(3), 656–661. 2011.

[2] C., Barnes, D., Archer, B., Hogg, M., Bush, P.S., Bradley. The evolution of physical and technical performance parameters in the English Premier League. International Journal of Sports Medicine, 35(13), 1095–1100. 2014.

[3]. A. M., Williams, P. R., Ford. Expertise and expert performance in sport. International Review of Sport and Exercise Psychology, 1(1), 4–18. 2008

[4].  B., Paleczny, J., Kokoszka-Paszkot, J. Cholewa, The impact of diaphragmatic breathing on the stabilization of the core muscles. Polish Journal of Sport and Tourism, 26(3), 21–25). 2019.

[5] P. W., Hodges, S. C. Gandevia, Activation of the human diaphragm during a repetitive postural task. The Journal of Physiology, 522(1), 165–175.). 2000. S. M., McGill, R. W., Norman, M. T. Sharratt, The effect of an abdominal belt on trunk muscle activity and intra-abdominal pressure during squat lifts. Ergonomics, 33(2), 147–160. 1990.

[6].  J. B., West, Respiratory Physiology: The Essentials (9ème édition). Philadelphie: Lippincott Williams & Wilkins,  2012.  R. H. Fitts, The role of acidosis in fatigue: pro perspective. Medicine & Science in Sports & Exercise, 48(11), 2335–2338, 2016.

[7].  L., Bernardi, A., Gabutti, C., Porta, L., Spicuzza, Slow breathing reduces chemoreflex response to hypoxia and hypercapnia, and increases baroreflex sensitivity. Journal of Hypertension, 29 (12), 2210–2216. 2017.

[8]. J. A., Sampson, A., Murray, S., Williams, V. L., Goosey-Tolfrey, The effectiveness of cooling and respiratory techniques in sport: A review. Journal of Sports Sciences, 34 (8), 701–713. 2016.

[9]. G. C., Nobre, É. R., Gouveia, T. Figueiredo, The influence of conscious breathing and focus on proprioceptive control during physical performance: A pilot study. International Journal of Sports Science, 6 (4), 138–144. 2016. J., Baumeister, K., Reinecke, H., Liesen, M., Weiss, Cortical activity of skilled performance in athletes: A systematic review. Psychology of Sport and Exercise, 23, 1–10. 2016.

[10]  J. A., Smith, M. T., Jones, The impact of breath-holding and expiratory timing on athletic performance and metabolic stress. International Journal of Sports Physiology and Performance, 13 (4), 456–462. 2018.

[11].  J. A., Dempsey, L. M., Romer, J., Rodman, J. D., Miller, C. A., Smith, Consequences of exercise-induced respiratory muscle work. Respiratory Physiology & Neurobiology, 151 (2-3), 242-250. 2006.

[12] H. S., Shin, S. Y., Park, S. H., Kim, Effects of controlled diaphragmatic breathing on respiratory muscle strength and endurance in healthy adults. Journal of Physical Therapy Science, 25 (9), 1103–1106. 2013.

[13] J. B., West, Respiratory Physiology: The Essentials (9ème édit). Lippincott Williams & Wilkins. 2012.

[14].  A. K., McConnell, L. M., Romer, Respiratory muscle training in healthy humans: resolving the controversy. International Journal of Sports Medicine, 25 (4), 284-293. 2004.

[15] H., Jullien, C., Tourny-Chollet, C., Villeneuve, Effect of vocalization on force production and electromyographic activity during maximal voluntary contractions. Journal of Sports Sciences, 32 (7), 638-644. 2014.

 

 
 
 

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