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Le coaching mental footballistique

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 11 déc. 2024
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 10 mai

Le football fascine et suscite, par là même, de nombreuses vocations. Il donne notamment à chacun le sentiment qu’il est possible d’y réussir. Ainsi, le moindre talentueux, ou celui perçu comme tel par son entourage, se projette rapidement au firmament du football. Mais très vite, le terrain vert ramène ses pieds sur terre, ou à la réalité, par sa dureté et la concurrence exacerbée qui y règne.


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Pour illustrer la situation, il suffit de prendre conscience qu’il est, en nombre d’élus, plus facile de devenir médecin que footballeur professionnel, c’est-à-dire de signer un contrat digne de ce nom. Ne pas entendre cette réalité rend tout talent initial dangereux, car il alimente et instille l’illusion qu’il suffit à lui seul pour réussir. Certes, le talent est une condition nécessaire à la performance, mais il n’est pas suffisant. Sans un travail acharné sur plusieurs années, ce talent reste une simple promesse ou même, selon les mots de Georges Brassens, une « sale manie ». Ceci acquis, il ne reste plus aux talents qu’à emprunter le chemin ardu du succès, celui qui mène à la véritable réussite.


Ce chemin vers le succès passe par l’entraînement terrain, dont le rôle est de développer progressivement la consistance du joueur en termes technique, mental, tactique et physique. À travers ce processus, les progrès grandissent petit à petit le joueur, lui apportant confiance et sérénité grâce à la découverte de l’étendue et de la qualité de ses capacités.


Cependant, de nos jours, par méconnaissance ou en raison d’un excès d’ambition et de précipitation, on tend à priver les entraînements de leurs vertus d’apprentissage. Cela se traduit par le recours trop précoce, donc souvent superfétatoire, à des moyens habituellement réservés à ceux qui ont déjà atteint les sommets, des outils dernier cri ou jugés « sexy ». Cette tendance explique la popularisation d’outils tels que le Neurotracker ou encore la préparation mentale.


Ces outils ont pour objectif de grappiller les derniers pourcentages de progrès possibles afin de performer au plus haut niveau. À titre d’exemple, le Neurotracker, selon les explications personnelles fournies par Philippe Arnau, son référent officiel en France, est particulièrement utile pour améliorer la perception et la cognition des pilotes de Rafale. Grâce à cet outil, l’objectif est qu’ils maîtrisent 34 % des fonctionnalités de leurs avions, contre le plafond de 32 % qu’ils atteignent après des années de formation intensive. Ces 2 % supplémentaires, bien que modestes en apparence, sont déterminants. Ils prennent une importance énorme lorsqu’il s’agit de piloter un avion à près de 2000 km/h, où chaque décision et chaque réaction doivent se faire en une fraction de seconde. On peut facilement imaginer les avantages qu’un tel outil offre pour le mental footballistique des joueurs, contraints de se déplacer et d’exécuter leurs actions de plus en plus rapidement pour créer des opportunités et faire la différence sur le terrain.


Si la préparation mentale a véritablement émergé au cours des dix dernières années dans le sport de compétition, il ne se passe pas un jour sans qu’un(e) médaillé(e) des Jeux olympiques de Paris 2024 ne remercie son/sa préparateur/trice mental(e) pour l’avoir aidé(e) à performer au moment T. Cependant, bien que la préparation mentale puisse apporter ces « plus » décisifs qui mènent à la victoire, rappelons qu’elle repose sur plusieurs années d’entraînement rigoureux, sans lesquelles elle n’existerait tout simplement pas.


Il est donc essentiel de ne pas mettre la charrue avant les bœufs. C’est avant tout grâce à l’entraînement que le joueur, consciemment ou inconsciemment, apprend à visualiser, à gérer ses émotions, à se concentrer et à se relaxer. La préparation mentale, quant à elle, joue le rôle de cerise sur le gâteau. Elle devient particulièrement précieuse lorsque la pression du haut niveau est si intense que le joueur éprouve des difficultés à mobiliser ou à optimiser ses compétences longuement acquises, ce qui fragilise sa compétitivité.


Ce que ces deux outils ont en commun footballistiquement, c’est qu’ils se révèlent utiles lorsque les joueurs doivent dépasser leurs compétences d’être et de faire pour atteindre, puis se maintenir, au plus haut niveau. Cela concerne donc uniquement les 0,001 % des footballeurs. Pour tous les autres, ces outils sont inutiles, car l’entraînement footballistique a précisément pour vocation de développer leurs compétences perceptivo-cognitives et leurs savoirs être et faire.


Il est intéressant de noter que le système scolaire poursuit un objectif similaire à travers des matières telles que les mathématiques, la logique, l’algèbre ou encore la philosophie, sans compter le vivre-ensemble. Quant aux compétences sportives de savoir-être, la compétition elle-même joue un rôle fondamental dans leur développement. Chaque match est une occasion d’apprendre à gérer pour soi et pour les autres la victoire comme la défaite et à maîtriser la pression des enjeux et du jeu.


Pourtant, l’utilisation de ces coûteux outils croît auprès de joueurs et surtout des jeunes en formation. Ce paradoxe m’interpelle et me motive à tenter de comprendre les raisons derrière cette tendance.


Premièrement, je pense qu’il y a une mauvaise interprétation des propos des sportifs ayant eu recours à ces outils. Aucun d’entre eux n’affirme que c’est uniquement grâce à ces outils qu’ils ont gagnés ou qu’ils performent. Si ces outils les ont aidés, c’est parce qu’ils étaient déjà très performants auparavant. Les joueurs qui croient que l’utilisation de ces outils leur permettra d’acquérir de nouvelles compétences se trompent, car ce n’est ni leur rôle ni leur fonction. Ces outils servent uniquement à bonifier des compétences déjà existantes, mais ils ne les créent pas hors du terrain.


Deuxièmement, je suppose qu’il existe une confusion des genres. Le football met souvent en lumière des problématiques psychoaffectives qui devraient être traitées par des professionnels agréés en psychologie du sport. Cette discipline vise à gérer les effets, positifs ou négatifs, de la pratique sportive afin que le joueur, quel que soit son niveau, puisse atteindre dans sa vie un état de bien-être durable. Il est important de rappeler que, si tout le monde peut légalement se prétendre préparateur mental, en tous les cas en Suisse, les psychologues du sport, eux, sont des experts bénéficiant de formations médicales universitaires rigoureuses. Un exemple notable est celui de Lucio Bizzini, ex-footballeur international et psychologue du sport émérite. En résumé, ces spécialistes interviennent, tout en pouvant aussi officier en tant que préparateur mental, lorsque le football révèle des problèmes psychologiques qui ne lui sont pas intrinsèquement liés.


Dans ce cadre, on ne peut que souhaiter que les préparateurs mentaux, dont le rôle consiste juste et pas plus à maximiser la performance, agissent avec une déontologie irréprochable, en orientant les joueurs vers des spécialistes compétents lorsque cela est nécessaire. N’oublions pas que chacun de nous a le droit de ne pas être un champion. Trop souvent, je rencontre, dans ma pratique, des (jeunes) joueurs écrasés par le poids des ambitions multiples qu’ils portent sur leurs épaules. La plupart du temps, ces joueurs finissent par se saborder sportivement pour se libérer de leur « cage dorée footballistique ».


Troisièmement, ce qui me frappe dans l’utilisation de ces outils, c’est qu’ils sont, à quelques rares exceptions près, entre les mains de spécialistes qui n’ont jamais vécu l’expérience du sport de haut niveau. Ces derniers rétorquent souvent que l’utilisation de bonnes méthodes rend leurs pratiques objectives et garantit la pertinence de leurs interventions. Sur ce point, je suis parfaitement d’accord.


Cependant, il arrive trop fréquemment que les méthodes employées en préparation mentale soient issues du domaine du développement personnel, un champ dont le corpus scientifique est, pour le dire poliment, assez minçolet [1]. On tombe alors rapidement dans le registre de la croyance, avec l’application de recettes dénuées de fondements solides. Les « gourous » qui instrumentalisent ce type de contexte pour vendre leurs services ne sont alors, malheureusement, jamais très loin.


C’est peut-être ce qui explique que des préparateurs mentaux autoproclamés écrivent des livres dont la vacuité est abyssale. Ces ouvrages, bien que dépourvus de substance, servent à impressionner et à les établir comme des experts aux yeux d’un public peu averti. Tout récemment, un prétendu préparateur mental sportif, lui aussi en train d’écrire son livre-vérité, m’a confié que son principal objectif est de convaincre ses clients de croire en lui et en ses paroles, ce qui suffit à les faire progresser, peu importe le contenu réel de ses dires. En résumé, le fond, donc le client, est relégué au second plan au profit sonnant et trébuchant de la forme.


On peut me rétorquer que cela relève de la loi du commerce, où chacun est responsable de ce qu’il consomme. Certes, mais encore faut-il que le consommateur soit correctement informé et orienté sur ce qu’il achète. Il est inacceptable de profiter de la vulnérabilité d’individus, souvent alimentée par des ambitions footballistiques irrationnelles.


En conclusion de cette discussion, j’aimerais rappeler les innombrables vertus du simple entraînement, que l’on soit joueur ou entraîneur. Il nous apprend à accepter de composer avec ce que nous sommes et ce que nous avons. Il nous confronte à nos limites, non pour nous briser, mais pour nous pousser à les dépasser et, ainsi, devenir pleinement nous-mêmes. C’est précisément là que réside la véritable beauté du sport que certains assimilent à une école de la/sa vie.


Dans cette optique, le meilleur coaching mental que je connaisse repose sur des entraînements plaisants, bienveillants et de qualité. Cela n’exclut pas un recours ponctuel à des spécialistes, mais cela implique de se poser au préalable une question essentielle : pourquoi je souhaite consulter ? Il est tout aussi crucial de vérifier avec soin la formation, l’expérience et la déontologie des personnes à qui vous confiez votre « être » ou celui de votre enfant footballeur [2].


Enfin, si vous ne comprenez pas le fonctionnement ou bien que vous n’êtes pas à l’aise avec un outil de coaching, cela signifie probablement qu’il n’est pas adapté à vos besoins. Cela ne signifie en aucun cas qu’il vous est nécessaire à cause d’un prétendu manque de compétences, comme ces outils mal utilisés peuvent parfois vous le faire croire.


[1] Christophe Genoud, Leadership, agilité, bonheur au travail...bullshit ! : En finir avec les idées à la mode et revaloriser (enfin) l'art du management, Editions Vuibert, 2023. P. 187 et ss.

[2] Notamment en prenant pour cadre de référence, celui de la Swiss Association of Sport Psychology (SASP). 

 
 
 

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