La rythmique physique des matchs ne se prépare pas par les intermittents VMA
- xavierblanc

- 21 nov.
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Le rythme physique d’un match de football ne se prépare pas par des intermittents VMA, même dans leurs versions HIIT, car ces exercices demeurent fondamentalement métaboliques et déterminés, tandis que l’effort footballistique de match est irrégulier, contextuel et dépend des interactions technico-tactiques du jeu. Les intermittents VMA constituent néanmoins un outil performant pour développer de façon isolée les capacités de récupération inter-effort en améliorant la réoxygénation musculaire, la vitesse de resynthèse phosphocréatine et la tolérance au stress métabolique [1].

Toutefois, leur modulation régulière, par l’alternance fixe d’efforts et de récupérations, une intensité stable et des efforts majoritairement linéaires, ne reproduit ni la dynamique stochastique ni les charges neuromusculaires des matchs.
Les exigences spécifiques du rythme de match
Les matchs se caractérisent avant tout désormais par des actions explosives et brèves, des séquences de vitesse lancée répétées avec changements de direction, une forte densité d’accélérations et décélérations et une prise d’information permanente sous pression temporelle [2]. Les efforts déterminants pour la performance reposent sur le couplage entre technique, coordination, prise d’espace et vitesse de décision, dont le dénominateur commun est une activation et une coordination neuromusculaire hautement spécifique. Les travaux récents en psychologie du sport et en sciences du mouvement montrent que la vitesse footballistique est indissociable de la capacité perceptivo-cognitive à lire le jeu et à exécuter rapidement des gestes techniques sous contrainte [3]. Les intermittents VMA, en n’entraînant métaboliquement que la faculté à mieux récupérer entre les efforts, ne développent pas les spécificités d’efforts des matchs.
L’alternative par les jeux de possession et les jeux réduits
Les jeux de possession et réduits (small-sided games) reproduisent simultanément la variabilité du rythme, la multiplicité des micro-efforts, la densité décisionnelle et la complexité neuromusculaire du football. Ils génèrent des charges internes et externes comparables à celles du match tout en sollicitant la technique et la perception de manière intégrée [4]. Contrairement aux intermittents VMA, ils développent à la fois la récupération inter-effort et la vitesse d’analyse, d’ajustement et d’exécution, déterminants de la performance. Par eux l’objectif devient alors de permettre aux joueurs de dominer l’animation du jeu, plutôt que de la subir par l’intensité adverse. Dans cette logique, ces jeux devraient bénéficier du statut d’élément incontournable de la préparation physique footballistique que l’on accorde bien généreusement aux intermittents VMA.
Le football comme sport de vitesse
La littérature sur la préparation physique footballistique converge vers l’idée qu’il est devenu un sport de vitesse dans toutes ses dimensions, soit en termes de vitesse d’analyse, de vitesse gestuelle, de vitesse de déplacement, de vitesse d’adaptation tactique et de vitesse d’exécution technique [5]. Si le développement des facultés de récupération demeure essentiel, il devient indispensable de concevoir le football non plus comme un sport d’endurance intermittente, mais comme un sport de vitesse complexe, où la répétition d’actions de haute intensité est subordonnée à la qualité neuromusculaire, perceptive et technique.
L’exemple type d’une utilisation inappropriée des intermittents VMA lors d’un retour d’un joueur blessé à la compétition
Si l’on n’adopte pas cette perspective, la problématique devient particulièrement sensible lors du retour à la compétition d’un joueur blessé, a fortiori pour celui possédant un profil vitesse. Dans de nombreux clubs, un processus de réathlétisation finit sur des intermittents très intensifs, par exemple des formats de type 5s d’effort pour 20s à 30s de récupération, en supposant qu’un volume important d’efforts courts et répétés prépare le joueur à l’intensité du match à venir. Cette logique d’intervention pose 4 problèmes majeurs.
1. Une préparation non spécifique à un profil vitesse et aux exigences du match
La vitesse footballistique se fonde sur la coordination intermusculaire à intensité maximale, l’efficacité des cycles étirement-raccourcissement, la précision technique sous accélération, la prise d’information rapide dans des environnements instables, la capacité à répéter des accélérations ainsi que des séquences de vitesse lancée et enfin des changements de direction en contexte décisionnel. Or, les intermittents ne sollicitent quasiment aucun de ces déterminants. Ils développent seulement la résistance métabolique à la répétition d’efforts courts, mais pas la production du niveau de vitesse footballistique que le jeu demande.
2. Un rythme de match difficilement retrouvable
Parce que les intermittents VMA n’activent pas les fibres musculaires rapides (type IIa/IIx), ces dernières ne sont pas réentraînées dans leur logique fonctionnelle, c’est-à-dire en vitesse lancée, en accélérations et décélérations, en appuis directionnels et en technique sous vitesse. C’est seulement lors de son retour en match que le joueur sera confronté à son intensité et à sa forme d’efforts. C’est ce qui explique que le joueur mettra de nombreux matchs à retrouver, par progression de son temps de jeu, son rythme de match.
La cause de ce délai n’est pas une question de « forme », mais de désadaptations neuromusculaires dues à la blessure et à l’immobilité fonctionnelle qu’elle induit. Cela signifie qu’une réathlétisation par intermittent VMA donne au joueur la capacité métabolique à se déplacer, mais non la capacité fonctionnelle, ou les sensations de jeu, à agir vite.
3. Un risque majeur de rechute chronique
La littérature sur les blessures du joueur est claire. Un déficit de préparation neuromusculaire spécifique augmente significativement le risque de récidive, en particulier aux ischio-jambiers, aux fléchisseurs de hanche et aux muscles de la chaîne postérieure [6].
En effet, en l’absence d’entraînement des fibres rapides dans leur régime mécanique spécifique (accélération et vitesse lancée), des appuis variés et des forces directionnelles, des transitions vitesse–technique, des charges explosives contextualisées, le joueur revient à niveau « athlétiquement », mais pas coordinativement.
Son système neuromusculaire n’étant pas préparé coordinativement à supporter les vraies contraintes du jeu, il présente une forte probabilité de rechutes chroniques dès que la compétition lui impose des actions à intensité maximale que son profil lui permet de réaliser, sans qu’il y soit préparé.
4. La nécessité d’une réathlétisation orientée vitesse footballistique
En conséquence, une réathlétisation cohérente pour un joueur, a fortiori s’il est rapide, doit intégrer avant de revenir en match, soit par l’entraînement et non par les matchs, des progressions d’accélérations et de vitesse lancée, des changements de direction spécifiques à son poste, des actions techniques à très haute vitesse, des jeux réduits orientés transitions et prises d’espace, des séquences intégrant perception, décision et exécution rapide. Autrement dit, la vitesse doit être réentraînée comme une compétence footballistique fondamentale préalablement au match, non comme un simple indicateur de performance physique.
En synthèse
Les intermittents VMA, bien qu’utiles pour le développement isolé des facultés de récupération inter-effort, ne reproduisent ni la structure ni les exigences neuromusculaires d’un match de football. Cette inadéquation devient critique dans la préparation physique ainsi que dans la réathlétisation des joueurs, notamment rapides, pour lesquels un retour basé sur des intermittents intensifs expose à un délai prolongé de reconditionnement fonctionnel et à un risque accru de rechute.
Dans une logique de performance et de prévention, il est donc impératif de comprendre et d’accepter de changer de point de vue, donc d’analyse, en considérant le football comme un sport de vitesse. Cela signifie que celle-ci doit être entraînée, et réentraînée, selon le principe de spécificité de la préparation physique footballistique. Ce principe nous invite à considérer la vitesse comme une qualité distincte de celles de l’endurance et de la force, donc que l’on doit entraîner directement par elle-même, ce qui exclut l’utilisation d’intermittents VMA pour la produire, la développer et la retrouver en cas de blessure.
Bibliographie
[1] V. Billat, Interval Training for Performance. Sport Medicie. 2001.
[2] M. Mohr, P. Krustrup, J. Bangsbo, Match performance of high-standard soccer players. Journal of Sports Sciences. 2003. V. Di Salvo et al. High-intensity activity in Premier League soccer. International Journal of Sports Medicine. 2007.
[3] A. M. Williams, P.R. Ford, Expertise and Expert performance in sport. International Review of Sport and Exercise Psychology. 2008. A. Roca, P.R. Ford, D. Memmert, Perceptual-cognitive processes underlying creative expert performance in soccer, Psychology of Sport and Exercise. 2021.
[4] S. Hill-Haas et al. Physiology of small-sided games training in football: a systematic review Journal of Sports Medicine. 2011., D. Casamichana, J. Castellano. Time-motion, heart rate, perceptual and motor behaviour demands in small-sides soccer games: effects of pitch size. Journal of Sports Sciences. 2010.
[5] J. Bangsbo, M. Mohr, P. Krustrup, Physical and metabolic demands of training and match-play in the elite football player. Journal of Sports Sciences. 2006. C. Carling, A.M. Williams, T. Reilly, (2005). Handbook of Soccer Match Analysis. Routledge. 2005.[6] D. A. Opar, M.D. Williams, A. J. Shield, Hamstring strain injuries: factors that lead to injury and re-injury. Sports Medicine. 2012.





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