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Pour devenir un pro, il s'agit d'être pro avant !

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 9 juin
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

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Rares sont les activités aussi attractives pour notre jeunesse que le football, notamment parce qu’il a le pouvoir de concrétiser des rêves. Ces rêves sont d’autant plus palpables que presque chaque jeune footballeur suisse connaît personnellement un joueur qui a réussi. En cela, le football permet de dépasser sa condition, en rendant accessible, par le biais du corps et de la passion, le succès et la reconnaissance, pour devenir « quelqu’un qui compte ». En Suisse, le symbole de cette réussite prend souvent la forme de la signature d’un contrat professionnel.


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Résumé audio de NotebookLM

Dans tous les métiers, la signature d’un contrat atteste généralement que l’on a acquis les compétences nécessaires pour exercer une profession. Dans le football suisse, cependant, cette signature signifie avant tout qu’un jeune joueur est perçu comme suffisamment talentueux pour représenter un capital en devenir pour le club. Il devient ainsi un potentiel actif financier qu’il convient de sécuriser et de capter par le biais d’un contrat.


L’effet pervers, c’est que ce contrat confère un statut souvent en complet décalage avec les compétences réelles, tant en savoir-faire qu’en savoir-être, requises pour exercer le métier de footballeur. Plus grave encore, il donne au jeune joueur l’impression, voire la conviction, qu’il est arrivé au bout du chemin. Cela crée, chez certains, une telle dissonance cognitive qu’ils ne comprennent pas, sur le plan émotionnel, pourquoi on continue à les considérer comme des « gamins » en formation et post-formation, alors qu’eux se projettent sur le terrain en tant que titulaire indiscutable faisant vibrer les foules. Ils s’identifient alors aux mauvais exemples des Jamal et Pedri, qui ont débuté des carrières professionnelles intensives sans avoir fini leur croissance, ce qui laisse présager, sans le leur souhaiter, inévitablement des blessures d’usures prématurées. À l’inverse, certains sont perçus comme des professionnels à part entière, accomplis et prêts à évoluer au plus haut niveau, dès la signature de leur contrat, alors qu’ils ne sont encore que des embryons de joueurs professionnels.


Nombreux sont ceux qui, dans ces cas, ne font pas long feu dans le football professionnel. Ils avaient sans doute le talent nécessaire pour atteindre ce niveau, mais non la consistance pour s’y maintenir. Dès lors, ils doivent assumer un statut qu’ils ne parviennent pas à justifier. Ce statut devient même un fardeau, une « casserole » qu’ils traînent, alimentant mépris et moqueries. Cela les relègue rapidement, dans le meilleur des cas, sur le banc, puis en équipe réserve, avant d’être prêtés dans une ligue inférieure. Dans le pire des cas, une blessure survient, les éjectant brutalement du monde professionnel.


Certains abandonnent. D’autres, après avoir ouvert les yeux sur l’exigence du football professionnel et sur ses lois impitoyables où seuls les plus forts survivent, tentent de se hisser au niveau requis en comblant leurs lacunes par un investissement dans des préparations individuelles.


Pourtant, éviter ces situations malheureuses et frustrantes est relativement simple. Il suffirait de  proposer un contrat uniquement aux joueurs qui possèdent les compétences professionnelles nécessaires pour l’assumer. Si le club ne leur offre pas la formation requise et correspondante, il revient au jeune joueur de se former en parallèle, de manière privée, afin de se donner une réelle chance de saisir pleinement l’opportunité de jouer lorsqu’elle se présentera.


En tant que préparateur physique footballistique (PPF), il ne m’appartient pas de m’exprimer sur les composantes tactique, mentale et technique footballistiques. En revanche, en ce qui concerne sa composante physique, je propose que son apprentissage fasse prendre conscience que le football se joue, donc se vit, ici et maintenant, et qu’en se connaissant soi-même, les joueurs sont armés pour vivre le haut niveau.

  

C’est ici et maintenant !

Ce qui est interpellant dans le football, c’est la petite différence de niveau qu’il peut avoir entre des joueurs professionnels et les autres. C’est ce qui poussent de nombreux joueurs à penser qu’eux aussi pourraient évoluer plus haut. Mais, ce dont ils ne se rendent pas compte, c’est à quel point cette dernière marche est dure à franchir. Notamment parce qu’elle résulte d’une accumulation de petits détails qu’il faut être capable de maitriser grâce à un investissement personnel préalable sans faille.


Par cet investissement, j’entends que le jeune joueur fasse preuve d’une exigence constante envers lui-même. Cela implique également d’être résilient, c’est-à-dire capable d’absorber et de digérer les aléas et les injustices propres au football sans que ceux-ci n’entament sa confiance. Au contraire, l’adversité devrait le stimuler, voire le motiver. Mais surtout, il doit comprendre que l’acquisition des compétences footballistiques s’inscrit dans un temps long. Avant de récolter, il faut semer sans relâche pendant de longues années. Cela signifie se donner corps et âme à chaque entraînement, à chaque geste. Autrement dit, concrétiser un rêve, cela commence ici et maintenant, lors de chaque exercice.


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Ainsi, c’est jour après jour qu’une carrière professionnelle se construit, à l’instar de l’adage : « c’est en forgeant qu’on devient forgeron », et non par des projections, des promesses ou des espoirs illusoires. J’invite ici les jeunes joueurs à méditer sur la phrase, qui paraphrase un célèbre slogan du mouvement hippie : « le football professionnel, c’est aujourd’hui qu’il se joue, puisque demain n’existe pas ».


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Pour insister sur la temporalité de cet investissement, j’ai convoqué un memento mori footballistique. Il met en lumière le fait qu’une carrière professionnelle marque en réalité le début de la fin de l’activité footballistique. En effet, sur une durée d’environ 25 ans d’activité (par exemple de 8 à 33 ans), on compte en moyenne 12 ans de formation, suivis de 3 ans de post-formation, puis 4 ans au haut niveau. Les 6 années restantes correspondent à des périodes d’absence dues à des blessures, des temps passés sur le banc ou encore des prêts dans des clubs moins prestigieux.


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Si un joueur n’est pas formé au moment de la signature de son contrat, on comprend qu’il est déjà trop tard pour qu’il puisse exploiter pleinement son potentiel. Certains s’en contentent, et cela leur appartient. Mais cette mentalité utilitariste, fondée sur un calcul coûts-bénéfices, constitue une limite pour atteindre ses objectifs sportifs, donc ses rêves.


Au final, ce que je soutiens, c’est que réaliser ses rêves revient à les vivre pleinement au jour le jour. Cela s’apparente à une profession de foi que j’exprime par une reprise iconoclaste et footballistique de la prière « La vie est la vie » de Mère Teresa.


Connais-toi toi-même ainsi que ton foot !

N’oublions pas que jouer au football, c’est exprimer son talent. Bien souvent, le problème pour performer ne réside pas dans de niveau du talent, mais ce qui brouille son expression. Le football de haut niveau est un football physiquement fluide, fin, simple, direct, libéré, consistant, explosif, percutant, économique et réactif. Pour parvenir à conjuguer sur le terrain ces qualités à travers la gestuelle footballistique, il faut éliminer les freins qui limitent l’expression du joueur. Pour se faire, il s’agit de se découvrir soi-même, en respect de l’injonction socratique « gnothi seauton ».


Selon mon expérience terrain, cela signifie que le joueur doit cocher les cases suivantes :   

- Apprendre à prendre soin de soi soit de son outil de travail selon le principe « si tu veux aller loin ménage ta monture » 

-  Apprendre à apprendre, c’est-à-dire :

- Connaître les filières énergétiques ainsi que les modalités de la contraction musculaire dont notamment le concept de compliance

- Savoir exécuter techniquement les mouvements basiques de musculation tels que l’arraché et le squat  

  • savoir quand, comment et combien dormir

  • savoir quand et quoi manger et boire

  • savoir calmer son corps par des mesures relaxantes

  • veiller à sa santé


Pour conclure, on pourrait penser que ce cahier des charges est tellement exigeant qu’il détruit les rêves. Or, c’est tout le contraire. Il les rend possible. Mais son acquisition demande du temps, afin que ces savoir-faire et être ne deviennent plus une charge physico-mentale, donc un coût à payer, mais une normalité intégrée au métier de footballeur.

 
 
 

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