top of page
Rechercher

L'irradiation et la co-contraction musculaires, des freins à la vitesse footballistique

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 20 sept. 2023
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 sept.


ree

Extraire la vitesse maximale des joueurs leur demande d'intégrer et d'accepter de se relâcher en faisant « l'effort » de se décontracter. En effet, trop de joueurs font appel à leur force pour se mouvoir, ce qui les crispe. Cela provient et/ou provoque, selon que l'on se place du point de vue de l'œuf ou de la poule, notamment des phénomènes d'irradiation ainsi que de co-contraction musculaires.


Audio cover
Résumé audio de NotebookLM

Pour rendre opératifs ces deux phénomènes, il s'agit de les expliquer afin de pouvoir, dans un second temps, identifier comment les limiter autant que faire se peut, selon la logique que la suppression des causes supprime de fait les effets. Le but est ainsi d'éviter les injonctions inlassables et trop générales de demande abstraite de décontraction aux joueurs en étant en mesure d'expliquer comment et en quoi ils peuvent se décontracter. Plus précisément, il s'agit d'inculquer à nos footballeurs que l'utilisation de leur force, qui par définition force les mouvements, est un moyen, mais non une finalité pour jouer vite au football. Cela implique une compréhension des mécanismes de la tension musculaire et de la coordination neuromusculaire, ainsi que des techniques spécifiques pour favoriser le relâchement et la fluidité des mouvements. En éduquant les joueurs sur ces concepts et en leur fournissant des outils pratiques pour les mettre en œuvre sur le terrain, un PPF peut les aider à optimiser leur performance.


Dans cette optique, le phénomène d'irradiation musculaire, attribué à Sir Charles Scott Sherrington, considéré comme le père des neurosciences et auquel Olivier Bolliet m’a rendu attentif, nous explique que plus on a besoin, ou on a la sensation d'avoir besoin, de force pour résister, pousser, tenir, retenir, déplacer ses masses corporelles, plus on étend automatiquement et/ou inconsciemment le recrutement spatio-temporel de nos fibres musculaires pour, au final, mobiliser tout notre système musculaire. Se serrer la main avec délicatesse ne provoque pas d'irradiation musculaire. Par contre, serrer la main de l'autre de toutes ses forces mobilise la force de l'ensemble de notre corps selon une perspective biotensègre [1].


Quant à la co-contraction musculaire, c'est avant tout un phénomène d'autoprotection [2]. Notre système neuromusculaire limite la contraction des muscles agonistes, qui produisent un mouvement, par contraction précoce des muscles antagonistes impliqués dans ce mouvement. Ceci vise à limiter des extensions, ou ouvertures angulaires des segments corporels, extrêmes et à protéger ainsi les articulations impliquées dans le mouvement. Tout semble bien dans le meilleur des mondes.


Sauf que la pratique du football étrique et recroqueville posturalement par recours privilégié aux tensions musculaires par contraction. Sans traitement ou compensation, cela génère des déséquilibres musculaires chroniques qui diminuent la qualité d’exécution des mouvements en générant des mouvements parasites dus à des co-contractions musculaires inopportunes, c'est-à-dire qui se déclenchent trop vite et/ou trop fortement. Cela réduit les angulations articulo-musculaires des mouvements, limitant la longueur des tensions musculaires par étirement, ce qui génère des muscles moins énergétiques donc mois explosifs. En d'autres termes, le niveau du couple de force résultant du calcul ; la puissance musculaire produite par l'agoniste moins la puissance musculaire produite par l'antagoniste se réduit ou n'est pas optimal.


Mon problème de PPF est que la nature du football non seulement cultive, mais renforce, ces deux phénomènes. Le football est un sport incertain pratiqué par des généralistes de l'effort qui doivent se mobiliser plus de 1200 fois par match.


De plus, si les systèmes tactiques sont là pour cadrer l'animation du jeu, chaque action donne lieu à plusieurs possibilités de réponses motrices. En effet, notre système moteur nous donne, par redondance, ou abondance de bien [3], la possibilité de mobiliser différents muscles et rotations articulaires, ou degré de liberté, pour réaliser un même geste.


Qui plus est, il y a autant d'exécution technique d'un même mouvement qu'il y a de joueurs puisque nous sommes tous « différents comme tout le monde ».


De surcroît, le même joueur aura plusieurs exécutions techniques possibles pour une même action en fonction de son ressenti du moment, de l'adversité, de son registre technique, de ses états de fatigue et émotionnel ainsi que ceux de ses coéquipiers, de sa compréhension de la situation de jeu ou encore de l'évolution du score.


Tout cela ouvre un champ considérable de réponses possibles pour chaque joueur pour chaque situation de jeu. Cette abondance de réponses possibles complique énormément la prise de décision motrice en créant de l’incertitude ou la production multiple de mouvements parfois contradictoires. Cela génère des irradiations et des co-contractions musculaires superflues.


En résumé, si le football est un sport de vitesse, cela oblige concrètement ses joueurs à être capables de produire le geste footballistique le plus rapidement possible, en toute décontraction soit sans blocages, dans toute sa complexe variabilité. C'est l'apanage des joueurs exceptionnels et c'est pourquoi ils nous fascinent tant. Leur gestuelle est fluide, simple, agile, alerte, fulgurante, habile, tranchante, acérée, facile, économe, précise, rapide, élégante, incisive, subtile, fine, vive, d'à-propos, coordonnée, ayant du doigté-pied et de la délicatesse, déséquilibrante, déstabilisante, découpante, décisive, incisive, impactante et dense... Pour les autres, soient les 99,999% qui restent, elle nous apparaît, plus nous descendons dans les ligues inférieures, plus grossière, plus brouillonne, plus confuse, plus diffuse, plus pataude, plus indirecte... bref, de plus en plus « brut de décoffrage » à cause d’irradiation musculaire et des co-contractions précipitées ou impromptues. Fort heureusement, il y a la possibilité d'en réduire les occurrences.


La réduction de l'irradiation musculaire

Je réduis cette irradiation musculaire par le processus d’apprentissage discuté ici. Cette approche pédagogique autorise l'accentuation voulue de la « faute », à la condition de ne pas en dégrader la cinétique générale afin de ne pas se retrouver avec un autre mouvement.


L'objectif de cette méthode est de permettre aux joueurs de prendre conscience de la manière dont ils produisent leur gestuelle et de leur (dé)montrer qu'ils peuvent tout aussi bien faire, voire mieux faire, en simplifiant leur action en spécifiant fonctionnement leurs mouvements, c'est-à-dire en mobilisant seulement les muscles nécessaires.


Pour atteindre cette efficience fonctionnelle, en sus des principes de relâchement, j’interviens sur :

- l’inhibition du serrage des dents (bruxisme) par l’ouverture de la bouche lors d'un exercice de montée de la puissance musculaire ou de vitesse maximale. Cette ouverture peut être agrémentée, en faisant fi des considérations du milieu, en produisant le son Om, soit le son de notre âme ou in fine de notre énergie vitale [5] qui contribue à stimuler notre nerf vague, soit le nerf privilégié de notre système parasympathique qui participe grandement à notre homéostasie nerveuse.

- la rétraction des orteils qui survient par réflexe lors d'une perte d'équilibre (on s'agrippe par les pieds pour ne pas tomber), alors qu'il s'agit de les détendre pour favoriser le rééquilibrage postural. Au pire des cas, si un joueur n'arrive pas à décontracter ses orteils, il suffit de lui faire-faire du paddle. Il se rendra compte que la détente de ses orteils est une des conditions pour se maintenir en équilibre.

- le timing de l'effort. Si le timing de passe est crucial dans le football, celui de l'effort l'est tout autant. Pour illustrer ce propos, prenons l'exemple de la musculation footballistique. Il est sidérant d’observer comment la plupart des joueurs effectuent des squats. Ils fournissent autant d'efforts en descente qu'en montée, comme s'ils craignaient d’être écrasés par la charge, alors qu'un joueur U20 voire U18 peut facilement supporter une charge de squat en descente de 100kg à 120kg, à condition que ses segments soient techniquement correctement alignés. Ce double effort (freiner puis pousser) les éloigne du vrai moment d'effort qui a lieu lors de la projection de la barre. L’idée est alors de leur faire saisir que le véritable temps d’effort se situe lors de l’extension corporelle, ce qui implique de la décontraction lors de la descente. De fait, cette alternance des efforts contribue fortement à amener de la décontraction gestuelle et éloigne le joueur d’une possible irradiation musculaire. Pour agrémenter ce propos, cette problématique de différentiation des efforts est particulièrement flagrante lors d'un exercice pliométrique. Un véritable exercice pliométrique exploite le réflexe myotatique provoqué par tension d'étirement musculaire pour obtenir une tension par contraction musculaire la plus efficace possible. Dans cette logique, un temps de tension d'étirement réduit, ou perturbé, à cause d’une mobilisation musculaire par irradiation musculaire survenant par crainte de ne pas réussir l’exercice, compromet la qualité de la tension de contraction qui projette le joueur dans l’espace.  

- la mobilisation spécifique d'un groupe musculaire agoniste par inhibition des capteurs posturaux visuels. Les yeux fermés, le joueur doit notamment faire appel à son système proprioceptif pour produire le mouvement désiré. Comme ce système s'active lors du mouvement, on peut affirmer en rejoignant Alain Berthoz qu'ainsi le mouvement favorise l'apprentissage du mouvement, ce qui l'assimile à un 6ème sens [6]. L’inhibition du capteur visuel permet de mieux percevoir et sentir musculairement le déroulement d'un mouvement, ce qui « l’ouvre » à une exécution plus spécifique.

- la progressivité des charges. Si un PPF propose une résistance trop importante lors d'un nouvel exercice, le joueur va privilégier le recours à sa force-vitesse plutôt qu'à sa vitesse-force pour le réaliser. Cela l'amènera à forcer son mouvement en mobilisant, par irradiation musculaire, toutes les capacités de force de son corps.

- la répétition régulière des séquences de vitesse maximale permet au joueur de s'habituer à son intensité. À force de les répéter, cette vitesse devient une normalité pour le joueur. Cela lui donne l'impression que cette vitesse est de moins en moins intense, donc plus facile à atteindre, ce qui va l’inciter à aller chercher un plus haut niveau de vitesse. Pour illustrer ce phénomène, si on conduit une voiture à 120km/h pendant 20mn, on va s'habituer à cette vitesse qui nous paraîtra ainsi plus lente que lorsque l'on a accéléré pour l'atteindre.


Ce phénomène se manifeste également sur les terrains. Un joueur rapide peut avoir l'impression de ralentir s'il évolue avec des joueurs tout aussi rapides, voire plus rapides que lui, même s'il maintient la même vitesse. Cela le pousse à chercher à être encore plus rapide. Dans cette optique, la vitesse entraîne la vitesse, ce qui explique, en plus des qualités technico-tactiques des joueurs, les différences d'intensité entre les championnats nationaux. Un joueur et un entraîneur de Super League peuvent avoir l'impression de jouer et d'entraîner à un rythme très élevé comparativement à des ligues inférieures, jusqu'à ce qu'ils intègrent un championnat étranger caractérisé par une intensité supérieure. Après un temps d'adaptation pour s'ajuster à un niveau d’animation du jeu plus élevé, ils réalisent que leur vitesse en Super League n'était pas leur vitesse maximale, et donc qu'ils n'avaient pas exploité tout leur potentiel.


La réduction de la co-contraction footballistique

Les mesures visant à limiter l'irradiation et la co-contraction musculaires sont étroitement liées et peuvent se renforcer mutuellement. D'une part, lorsque le joueur est moins tendu, il est susceptible d’utiliser plus spécifiquement les muscles impliqués dans un mouvement, en faisant moins appel au phénomène d’irradiation musculaire pour effectuer un mouvement, ce qui réduit la co-contraction musculaire. D'autre part, le retardement du déclenchement d'une co-contraction peut également retarder l'irradiation musculaire. Toutefois, alors que l'irradiation musculaire peut être prévenue par les mesures citées précédemment, le déclenchement impromptu d'une co-contraction musculaire peut être limité par des entraînements de souplesse et de mobilité. En travaillant sur la flexibilité musculaire et articulaire, le joueur peut réduire les tensions excessives qui déclenchent souvent les réflexes de protection, limitant ainsi les co-contractions musculaires non désirées.


J’entraîne la souplesse structurelle par des entraînements spécifiques d'étirement comprenant du Stretching Global Actif ainsi que du contracté-relâché doux. Je demande aussi aux joueurs d'effectuer quotidiennement, dès leur réveil, des séances de mobilité de 30mn. Bien entendu, d'autres méthodes peuvent être proposées, telles que le yoga. Ce type de pratique a l'avantage d'agir sur les tensions musculaires, mais aussi sur les homéostasies nerveuse et émotionnelle. Il m’arrive aussi, en cas de tensions musculaires avérées, d'utiliser les méthodes Triggers Points et des Bols chantants tibétains. Enfin, je travaille la flexibilité des aponévroses musculaires, ou fascias, par la méthode Fat-Tool.


Pour éviter l'apparition de co-contractions impromptues et indésirables lors des entraînements, il s'agit d'abord de proposer de véritables activations des entraînements, incluant une partie d’étirements. Je mets de côté la question de savoir si cela est bénéfique ou non pour produire de la vitesse, car pour moi, c'est un débat faux et éculé. Dans le football, il est indiscutable que les joueurs doivent être suffisamment souples pour avoir les amplitudes articulaires les plus grandes possibles pour être capables d'effectuer la gamme complète de gestes techniques requis. Ici, je privilégie les étirements actifs balistiques par mise en tension progressive. Ces étirements peuvent parfaitement s'intégrer dans les écoles de vitesse footballistique cyclique et acyclique ou s'exercer spécifiquement lors de séances isolées [7].


[1] L'existence de ces deux phénomènes musculaires couplés avec la notion de biotenségrité m’amène à rendre caduc la segmentation actuelle des entraînements de musculation footballistique en bas et haut du corps. Chaque mouvement, quel qu'il soit, mobilise plus ou moins l'ensemble de notre corps.

[2] A. Remaud, A. Guevel, C. Cornu, Régulation nerveuse de l’activité des muscles agonistes et antagonistes et influence sur le couple de force, Journée de Médecine Orthopédique et de Rééducation, Paris, Septembre 2007. À lire aussi ML Latash, Muscle coactivation: definitions, mechanisms, and functions, Mars 2028, en cliquant sur le lien https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6093955/ 

[3] Roby-Brami A, Hoffmann G, Laffont I, Combeaud M, Hanneton S. Redondance du membre supérieur et compensation des déficiences motrices. Coelllo Y, Casalis S, Moroni C : “Vision, espace et cognition : fonctionnement normal et pathologique“. Presses Universitaires du Septentrion, 2005.

[4] Selon les propositions de Bernadette de Gasquet, Abdominaux, arrêtez le massacre, Editions Marabout, 2009.

[5] François Cheng, De l'âme, Editions Albin Michel, 2016.

[6] Alain Berthoz, Le sens du mouvement, Editions Odile Jacob, 2013.

[7] Lors de ces séances isolées, je demande aux joueurs d’aller chercher leurs petites tensions et de les résoudre par petits balancements continuels au même titre que ceux que nous prodiguaient nos parents lorsque nous étions bébés. Cette méthode s’inscrit dans les recommandations de Paul Landon de l’IMP et du courant de l’ostéopathie rythmique. Voir à ce propos, Zachary Comeaux, Ostéopathie harmonique, Traitement oscillatoire et techniques rythmiques myofasciales, Edition Sully, 2011.

  

 
 
 

Commentaires


bottom of page