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Le fluage pour « soupler chroniquement » le footballeur !

  • Photo du rédacteur: xavierblanc
    xavierblanc
  • 23 juin
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 3 jours

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Le physique footballistique repose sur une combinaison subtile de vitesse, de force, d’endurance et d’autres qualités, selon les choix stratégiques des préparateurs physiques footballistiques (PPF). Dans ce contexte, la plupart des joueurs, en particulier les profils dits « explosifs », développent une tonicité excessive. Cette surtension constante des muscles, souvent due à une posture déficiente, à un entraînement de la méforme ou à un manque d’étirements adaptés, peut limiter la production musculaire de l’énergie mécanique [1].


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Pourtant, certains affirment, sur la base de recherches scientifiques, que les étirements ne servent à rien dans le football [2]. Ces déclarations ont profondément bouleversé la préparation physique footballistique, au point que des PPFs ont cessé de les proposer à leurs joueurs. Sans remettre en cause la validité scientifique de ces études, il est toutefois essentiel de les contextualiser, sous peine de rendre leurs conclusions inappropriées [3, 4]. En effet, selon les conséquences posturales d’un sport, le moment d’exécution et l’objectif visé, un même étirement, pour être efficace, doit être adapté en termes de type, d’intensité de tension et de durée.


Dans ce cadre, il est par exemple déconseillé d’effectuer des étirements statiques de longue durée (plus de 30s) lors des activations pré-match, car ils diminuent la tonicité musculaire, et donc la vitesse, pour le match à venir. Si comparaison n’est pas toujours raison, il faut alors m’expliquer pourquoi, selon un exemple d’excellence, les meilleurs sprinters débutent leur échauffement de compétition par des séances spécifiques d’étirements statiques, encadrées par leur staff, environ 1heure 30 à 2 heures avant leur course. Sur la base de ces étirements, qui les libèrent de restrictions musculaires momentanées et les amplifient posturalement, ils poursuivent ensuite leur activation par des exercices techniques afin de fonctionnaliser leurs muscles jusqu’au moment du départ.


Dans cette logique, plus un joueur possède un haut niveau de souplesse chronique, c’est-à-dire un état stable et durable de souplesse, plus il sera capable d’exécuter et d’adapter sa gestuelle footballistique en fonction de l’état de son corps et des conditions de jeu. Il pourra ainsi mieux prévenir et corriger, par une approche biotensègre, les surtensions qui limitent et freinent l’expression de sa vitesse footballistique [5]. Il est important de noter que si cette capacité de souplesse chronique crée les conditions optimales d’utilisation du corps lors d’un match, elle ne s’acquiert pas à cette occasion. Elle s’entraîne de manière spécifique, notamment par le biais du fluage [6].


Le fluage désigne « la capacité des tissus mous à s’allonger progressivement lorsqu’ils sont soumis à un étirement constant et prolongé dans le temps ». Concrètement, lorsqu’un joueur maintient un étirement statique pendant 60 secondes et plus, ses tissus se réorganisent lentement. Même sans augmenter la force d’étirement, la longueur musculaire augmente légèrement, offrant une meilleure amplitude articulaire [7]. 


Chez les footballeurs souffrant d'hypertonicité musculaire, ce fluage est précieux. Il agit comme un outil naturel de régulation de la tension, permettant aux fibres musculaires et aux fascias de se relâcher progressivement. Grâce à cela, le corps devient structurellement plus souple, dans le sens que les mouvements gagnent en fluidité, en mobilité, et les articulations sont moins sollicitées de manière excessive. Intégrer régulièrement des étirements de fluage contribue ainsi à :


- réduire les risques de blessures musculaires, notamment les déchirures et claquages fréquents en sprint ou en frappe [8],

- améliorer les gestes techniques qui nécessitent de l’amplitude, comme les frappes en extension ou les reprises acrobatiques,

- favoriser la récupération nerveuse en diminuant le tonus résiduel post-effort.


Comme le fluage demande du relâchement musculaire et une certaine durée sous tension, les moments idéaux pour le faire sont après l’entraînement ou en jours de récupération.


Pour ma part, je les intègre aussi dans les séances de musculation. Si cela rend les joueurs moins toniques sur l’exercice à venir, cela leur permet de produire des gestes plus amples, par le concept d’inhibition réciproque.


Pour rappel et/ou information si nécessaire, le concept d’inhibition réciproque consiste en un réflexe neuromusculaire. Lorsqu’un muscle agoniste (par exemple un quadriceps) se contracte, le système nerveux inhibe automatiquement son antagoniste (ischio-jambiers) pour faciliter le mouvement. Si les antagonistes sont trop raides parce qu'hypertoniques, ils freinent le mouvement de l’agoniste. Un étirement préalable des antagonistes lève les freins ce qui provoque une meilleure amplitude et contraction de l’agoniste et donc limite l’apparition impromptue du phénomène de co-contraction musculaire. De plus, n’oublions pas ici que plus un muscle est étirable, plus il dégage d’énergie mécanique. Les étirements et la montée de la puissance musculaire, ou l’explosivité, sont donc des alliés dans la production de l’énergie mécanique. Enfin, c'est le niveau de décontraction qui conditionne la qualité de la vitesse de contraction musculaire [9]. Selon une perspective causale, c'est donc la première que l'on doit entraîner par l'étirement pour améliorer la qualité de la seconde.


Si la forme, la manière et la nécessité d’étirer lors des activations pré-match reste pour moi une affaire personnelle, des séances de fluage me semble incontournable pour tous les joueurs. D’autant plus avec l’apparition des terrains synthétiques dont la dureté tonifie encore plus les joueurs. Cela produit des restrictions et des étriquements qu’il s’agit de lever pour que le physique du joueur contribue à ce qu’il puisse exprimer tout son talent footballistique.


En conclusion, le fluage ;


- aide à rééquilibrer les tensions et à reprendre de la longueur musculaire sans risque inflammatoire après un match ou une grosse séance,

- ne se fait pas juste avant des sprints et des efforts explosifs à cause du risque de perte de tonicité fonctionnelle sauf dans une logique d'entraînement qui utilise le concept d'inhibition réciproque

- n’étire pas des tissus enflammés, car cela risque d’aggraver la situation musculaire par des irritations locales plus prononcées.

- en termes d’exercices, cela consiste à venir à la tension musculaire sans douleur et de la maintenir 60s et plus tout en expirant longuement à chaque respiration.

- vise à mieux décontracter dans un premier temps pour mieux contracter dans un second temps

- peut débuter dès l’âge de 12 ans, soit juste avant la puberté afin de prévenir la tonicité musculaire qui va augmenter ainsi que les pics de croissance qui créent des déséquilibres musculaires

 

[1] G., Gremion, Les exercices d’étirement dans la pratique sportive ont-ils encore leur raison d’être ? in Revue Médicale suisse, 2005.

[2] K., Small, et al. Effect of timing of static stretching on strength and power performance. Medicine & Science in Sports & Exercise, 40(2), 392-398. 2008.

[3] N., Boisseau, P., Delamarche, Étirements et performance sportive. Revue STAPS, 51, 23-36. 2000.

[4] E., Cè et al., Stretching and Sport Performance: The Evidence. Médecine du Sport, 89(3), 34-41. 2013.

[5] N., Guissard, J., Duchateau, J., Neural aspects of muscle stretching. Exercise and Sport Sciences Reviews, 34(4), 154-158. 2006

[6] R.L., Gajdosik, Passive extensibility of skeletal muscle: review of the literature with clinical implications. Clinical Biomechanics, 16(2), 87-101. 2001.

[7] S.P., Magnusson, et al. Mechanical and physical responses to stretching with and without preisometric contraction in human skeletal muscle. Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, 77(4), 373-378. 1996.

[8] N., Malliaropoulos et al.,  Preventing hamstring injuries in sport. British Journal of Sports Medicine, 45(6), 511-512. 2011.

[9] Jacques Piasenta, L’éducation athlétique, Editions Insep, 1988.

 
 
 

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