«Robert «muscle ton «diaphragme», sinon tu vas voir… !»
- xavierblanc

- 17 mai
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Dernière mise à jour : 18 sept.

L’entraînement physique footballistique est aujourd’hui tiraillé entre les approches métabolique et coordinative. Le but de la première est que le joueur soit en capacité quantitative de tenir la répétition d’efforts intermittents à la plus haute intensité possible tout au long d’un match, ce que l’association suisse de football (ASF) dénomme « la résistance à la fatigue » [1].

Le but de la seconde est que cette répétition d’efforts soit qualitativement la plus fluide possible afin d’élever l’efficacité, la pertinence et l’efficience des exécutions des actions de jeu, de marier au mieux vitesse et précision et de maximiser le rendement énergétique corporel.
Cela dit, il y a des muscles qui participent à ces deux approches, à l’exemple de celui du diaphragme. S’il est peu discuté comme objet d’entraînement, il conditionne pourtant grandement la performance footballistique selon la célèbre injonction de 1998 d'Aimé Jaquet à Robert Pires paraphrasée en titre de ce post. Il est alors essentiel de le questionner afin d’améliorer les capacités intrinsèques des joueurs en termes de développement et/ou de concrétisation.
Ce retour à l'essentiel prend son origine dans sa multiple participation à la production de la performance physique footballistique. Cette participation influence tellement les capacités physiques des joueurs que cela oblige tout préparateur physique footballistique (PPF), qui se respecte, à en faire un thème récurrent d’entraînement. Pour justifier cette injonction péremptoire, cet écrit présente d’abord ce muscle. En effet, si sa séquence de contraction et de décontraction rythme nos vies en allant jusqu’à nous bercer, son fonctionnement mécanique, et par là ses rôles dans la performance physique footballistique, reste largement méconnu. Si pour certains, cette réflexion revient à chercher « midi à 14h00 » ou même « à couper les cheveux en 4 », elle est l’inverse par les gains de performance physique qu’elle induit. Dans cet esprit, savoir comment bonifier fonctionnellement ce muscle fondamental revient à ce que les joueurs puissent pleinement profiter de leur capacité physique pour magnifier leur talent.
Le diaphragme ; un muscle multifonctionnel
Comme nous le montre et l’explique la vidéo d’Anatomie3D, le diaphragme est un muscle strié en forme de dôme, ou de voûte, qui sépare la cavité thoracique de la cavité abdominale. Comme tout le monde le sait, il joue un rôle fondamental dans la respiration en permettant quotidiennement 20'000 à 25'000 fois l'entrée et la sortie de l'air des poumons.
Il prend son origine pour la partie sternale sur la face postérieure du processus xiphoïde. Les origines de sa partie costale sont les cartilages des 6 dernières côtes que sont les côtes 7 à 12 et pour la partie lombaire, ses deux piliers se fixent sur les corps vertébraux lombaires, soit L1 à L3 pour le droit et L1-L2 pour le gauche.
Toutes ses fibres musculaires convergent vers un centre tendineux, ou centre phrénique, une structure aponévrotique située au sommet du dôme. Il est innervé par les nerfs phréniques, issus principalement des racines nerveuses cervicales C3 à C5.
Les rôles du diaphragme
Selon mon expérience de la chose, les rôles du diaphragme dans la performance physique footballistique se comptent sur « les orteils d’un pied d’un footballeur », à savoir qu’ils sont respiratoire, postural, péristaltique, nerveux et veineux.
Un rôle respiratoire
En phase inspiratoire, ou phase dite active, 1) le diaphragme se contracte et s’abaisse 2) cela augmente le volume de la cage thoracique 3) cette augmentation de volume entraîne une diminution de la pression dans les poumons ou pression intrathoracique 4) l’air entre alors dans les poumons par aspiration, comme un effet de pompe.
En phase expiratoire, ou phase dite passive, 1) le diaphragme se relâche et remonte vers sa position de repos en forme de dôme 2) le volume thoracique diminue, la pression intra-pulmonaire augmente, et l’air est expulsé des poumons 3) cette phase est passive au repos dans le sens que les muscles n'ont pas besoin d’agir, mais devient active lors d’un effort.
En termes de capacité pulmonaire, il y a ici trois notions à saisir que sont la capacité pulmonaire totale (CPT), le volume résiduel (VR) et la capacité vitale (CP).
La CPT correspond au volume total d’air que les poumons peuvent contenir après une inspiration maximale. Elle inclut tout l’air inspiré et expiré, mais aussi l’air qui reste dans les poumons après une expiration maximale, soit le volume résiduel. Sa formule s’écrit comme suit : CPT = CV + VR
Le VR est le volume d’air qui reste dans les poumons après une expiration forcée complète. C’est l’air que l’on ne peut jamais expulser complètement, car il permet aux alvéoles pulmonaires de rester ouvertes. Ce volume ne peut être mesuré directement que par spirométrie classique.
La CV est le volume maximal d’air qu’une personne peut expirer après une inspiration maximale. Elle représente l’ensemble de l’air mobilisable par la respiration volontaire. Elle correspond à la formule suivante : le volume courant (VC) + le volume de réserve inspiratoire (VRI) + le volume de réserve expiratoire (VRE).
On comprend bien ici que plus la CPT est importante, plus le niveau d’oxygénation corporelle est élevé. Traduit en termes d’entraînement physique footballistique, cela signifie que la volumétrie des poumons a des conséquences directes sur le niveau de VO2 max des joueurs. Une respiration inefficace ou trop superficielle entraîne une baisse d’oxygénation musculaire, donc de la fatigue prématurée et une récupération inter-effort plus lente et moins profonde. Un diaphragme ample et mobile optimise la ventilation, diminue la sensation d’essoufflement et améliore le niveau d’endurance aérobique.
Un rôle postural
Le diaphragme joue un rôle postural fondamental. Lors de l’inspiration, le diaphragme se contracte et s’abaisse. Cela augmente la pression intra-abdominale (PIA). Cette pression agit comme un « coussin pneumatique » qui stabilise la colonne vertébrale lombaire, notamment lors d’efforts tels que des ports de charges ou des mouvements dynamiques…
En coordination synergique avec le transverse abdominal, les muscles du plancher pelvien et les paravertébraux, soit les muscles qui soutiennent la colonne, ils forment une ceinture naturelle de stabilité autour de la colonne vertébrale, ce que l’on appelle le système de stabilisation centrale ou « core ».
En modulant la pression intra-abdominale et en ajustant son tonus, le diaphragme participe ainsi à l’ajustement postural anticipé en stabilisant le tronc avant un mouvement des membres ou en contrôlant l’équilibre.
Il est à noter qu’une respiration diaphragmatique empêchée par une mobilité restreinte et une respiration haute ou haletante peut générer par les endroits d’attachement en L1, L2 et L3 de ces piliers une hyperlordose lombaire, des tensions cervicales, donc une mauvaise statique générale.
On constate ici qu’une motilité restreinte du diaphragme, due par exemple à une restriction de la chaine antérieure, est susceptible de créer des tensions de déséquilibre du tronc vertébral. Si ces tensions deviennent chroniques, le diaphragme module la posture du joueur par son influence sur les flexibilités de la lordose et de la cyphose vertébrales. Si on replace cette observation dans l’analyse posturale plus globale de la production de la vitesse maximale des joueurs, le niveau d’amplitude du diaphragme renforce ou au contraire déverrouille l’étriquement corporel induit par le design moteur du football.
Un rôle péristaltique
Le mouvement mécanique et rythmé du diaphragme pendant la respiration provoque une alternance de pression dans la cavité abdominale. Lors de l’inspiration, le diaphragme s’abaisse et augmente la pression sur les organes abdominaux (intestins, estomac, foie…). À l’expiration, il remonte, ce qui relâche la pression. Ces oscillations mécaniques massent doucement les viscères, favorisant le mouvement péristaltique, c’est-à-dire la progression des aliments et des gaz dans le système digestif.
Il faut rappeler ici que le fondement de l’expression « ça va » tellement usitée a pour fonction première, mais oubliée, de savoir si le transit de votre interlocuteur fonctionne bien, parce qu’il est un signe de santé. En conséquence, avoir un diaphragme qui fonctionne bien participe directement à une bonne digestion, ce qui contribue à la santé des joueurs et donc indirectement à leur niveau de performance physique.
Un rôle nerveux
Une respiration lente et diaphragmatique stimule le nerf vague du système nerveux parasympathique [2].Par la stimulation de ce nerf, le diaphragme participe donc activement à l’homéostasie nerveuse des joueurs en calmant le système nerveux sympathique suradrénalisé par les matchs ou des enjeux footballistiques. Par la stimulation de ce nerf vague, le diaphragme participe aussi indirectement à la résorption des œdèmes et des petites inflammations corporelles. L’adoption et le recours à des respirations diaphragmatiques influent donc directement sur les qualités de la récupération et de la régénération des joueurs, mais aussi sur leur capacité à supporter les charges émotionnelles et mentales footballistiques.
Le rôle veineux
Le diaphragme joue un rôle essentiel dans le retour veineux, c’est-à-dire le retour du sang désoxygéné des membres inférieurs et des organes abdominaux vers le cœur. Ce rôle est souvent comparé à celui d’une pompe thoraco-abdominale.
Lors de l’inspiration, le diaphragme se contracte et s’abaisse, ce qui donne un effet de pompe respiratoire. Cela diminue la pression intrathoracique. Simultanément, cela augmente la pression intra-abdominale. Ce gradient de pression, soit une pression plus élevée dans l’abdomen que dans le thorax, favorise l’aspiration du sang veineux vers le cœur, en particulier via la veine cave inférieure.
En s’abaissant, le diaphragme compresse les organes abdominaux et les veines qu’ils contiennent. Cette compression pousse le sang vers le haut, en direction du cœur.
Lors d’une respiration profonde ou d’un effort physique, le mouvement du diaphragme est plus ample, ce qui renforce le mécanisme de pompe veineuse. Cela est particulièrement utile pour prévenir la stase veineuse, c’est-à-dire un sang qui stagne notamment dans les jambes.
Le diaphragme participe donc à la circulation sanguine dont la qualité détermine l’oxygénation corporelle qui à son tour détermine la capacité à reproduire des efforts physiques par sa VO2max. Autrement dit, par sa faculté de récupération inter-effort.
L’entraînement du diaphragme
Par les efforts intenses et répétés du football, le diaphragme est soumis à rude épreuve. Comme tout muscle, il se fatigue. Or, lorsqu’il est affaibli, il « vole » littéralement de l’oxygène aux autres muscles pour fonctionner correctement. Résultat : les jambes brûlent plus vite et la lucidité diminue parce que le joueur est en incapacité de récupérer de ses efforts intermittents, ce qui élève son acidité corporelle en abaissant son PH.
Dans ce cadre, entraîner la motilité et l’amplitude du diaphragme des joueurs améliore leurs facultés de récupération inter-efforts, favorise une meilleure récupération nerveuse et métabolique des matchs et des entraînements, prévient et soigne les blocages et les étriquements posturaux.
Les mesures d’entraînement
L’entraînement du diaphragme consiste, selon le principe « c’est en forgeant que l’on devient forgeron », à élever sa fonctionnalité musculaire par l’accentuation de ses mouvements par des respirations profondes et prolongées.
Pour améliorer cette fonctionnalité, il y a des exercices de résistance respiratoire avec des outils tels que le Powerbreathe ou les masques à flux limité visant à renforcer les muscles respiratoires en augmentant la résistance à l’inspiration. Il y a aussi l’apnée qui consiste à inspirer profondément, puis à bloquer la respiration pendant quelques secondes, pour finir par expirer lentement. Bien entendu, il y a aussi tous les exercices des disciplines méditatives ou de relaxation. Concernant l’entraînement physique footballistique, je retiens le 365 et la respiration contrôlée qui étire la chaîne antérieure.
La méthode 365
Cette méthode améliore la concentration ainsi que la régulation du système nerveux autonome. Elle diminue la pression artérielle tout en élevant la qualité du sommeil et en renforçant le système immunitaire.
Cette méthode est une technique simple, fondée sur la cohérence cardiaque. Cette dernière est un état physiologique d’équilibre et d’harmonie entre le cœur, le cerveau et le système nerveux. Elle se produit lorsque le rythme cardiaque devient régulier et fluide, en synchronisation avec la respiration.
Cette méthode se nomme 365 pour 3 fois par jour, 6 respirations par minute pendant 5 mn. À ces occasions, il s’agit de répéter un cycle comprenant une expiration par la bouche de 5 secondes, qui creuse le ventre, suivie par une inspiration, qui gonfle le ventre, par le nez de 5s.
Cette méthode préconise de répéter ce cycle 3x par jour, idéalement le matin, le midi et le soir. Mais, à l’instar du dernier championnat du monde de rugby où chaque moment de pause donnait lieu à des respirations profondes en équipe, cette méthode peut s’utiliser à tout moment. Ainsi, lors d’un point de côté je vide mes poumons par des expirations prononcées et même forcées pour qu’ils puissent se remplir lors de la prochaine inspiration par le maximum d’air oxygéné. Sur cette même intention, j’incite les joueurs en cours de match à expirer profondément volontairement pour augmenter leur niveau d’oxygénation afin d’être en capacité de métaboliser sans acidose les molécules de lactates produites lors des efforts anaérobiques comme la multiplication des séquences de sprint. Je l’utilise aussi comme mesure de retour au calme en fin d’entraînement. Enfin, elle peut être proposée pour améliorer l’endormissement parce qu’elle abaisse le niveau de stress ou de fébrilité nerveuse.
L’étirement de la chaîne antérieure
Le choix de cette mesure se justifie premièrement par le principe mécanique que plus une capacité pulmonaire est grande, plus les joueurs seront en capacité de s’oxygéner par une augmentation structurelle de la VO2 max. Cela retardera l’apparition de la fatigue tout en améliorant leur capacité à reproduire des efforts. Deuxièmement, elle rend la motilité du diaphragme plus ample par étirement de la cage thoracique. Cette amplitude implique plus de flexibilité et de relâchement qui vont permettre d’avoir un diaphragme susceptible de mieux réguler et d’absorber les charges mécaniques qu’il supporte. Cette flexibilité va aussi contribuer à détendre la chaîne postérieure et donc rendre celle-ci posturalement plus apte, soit plus réactive et forte, pour maintenir le joueur dans la posture footballistique adéquate.
Selon les principes du Stretching Global Actif, cet étirement se passe lors d’une expiration profonde par l’exagération de son mouvement par les mains posées au niveau des clavicules qui ainsi étirent les muscles fléchisseurs du cou, dont notamment les muscles sternocléidomastoïdiens et les scalènes, vers le nombril.
Comme ce type d’étirement demande des moments de calme, je l’utilise lors de séances isolées d’étirement et/ou de relaxation. Je l’utilise aussi lors du protocole pré-entraînement Vitruve-Football ou à l’occasion des retours au calme.
Un muscle invisible, mais décisif de la performance physique footballistique
Si le diaphragme est discret, silencieux, j’espère que cette discussion démontre son rôle essentiel pour que le physique des footballeurs contribue à produire du bon football. En le musclant, le footballeur gagne en puissance respiratoire, en efficacité énergétique et en contrôle postural. Ce renforcement peut se faire en tout temps en prenant le temps de respirer par le ventre et non par les côtes. On peut l’inclure en introduction des entraînements footballistiques afin que les cerveaux et les muscles des joueurs soient oxygénés adéquatement pour effectuer des entraînements et des matchs de qualité. Lors de séances isolées, son étirement par extension de la chaîne antérieure en fait un but et un moyen qui augmente structurellement les capacités pulmonaires et donc le niveau de Vo2max. Enfin, il peut faciliter l’endormissement et la relaxation des joueurs.
[1] ASF Notre philosophie d ejeu et de formation, à lire en cliquant sur l’adresse https://www.football.ch/fr/asf/philosophie-de-jeu-et-de-formation/notre-philosophie-de-jeu-et-de-formation.aspx
[2] Navaz Habib, Activer votre nerf vague, La nouvelle routine santé contre le stress, inflammation, troubles digestifs, maladies auto-immunes..., Thierry Souccar Editions, 2020.





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